Présentés le 26 mai devant la commission des finances du Sénat par Philippe Dallier, sénateur (LR) et rapporteur spécial des crédits relatifs au logement et à l’urbanisme, les résultats du contrôle budgétaire sur la politique d’hébergement d’urgence font état de la nécessité de mesures d’amélioration significatives.
D’abord, la budgétisation de la politique d’hébergement est à revoir pour tendre vers des prévisions réalistes des dépenses. Pour ce faire, une nouvelle évaluation des crédits fondée sur une réelle connaissance des besoins est requise. « Malgré la mise en œuvre d’un “rebasage” des crédits en 2018 […], la budgétisation initiale au cours des années suivantes s’est révélée de plus en plus éloignée des besoins effectifs constatés en cours d’année. Le budget alloué pour une année est systématiquement inférieur aux dépenses réalisées l’année précédente », expliquent les auteurs du rapport.
Ajustement des crédits
Concrètement, il en résulte que les coûts prévus, estimés comme inadaptés, forcent les associations à puiser dans leur trésorerie ou à effectuer des prêts bancaires en fin d’année. Par exemple, en 2020, faute d’anticipation, 100 millions d’euros n’ont pas été versés à plusieurs organismes en charge de l’accueil et de l’hébergement, majoritairement en Ile-de-France. Et, de fait, ces dépenses ont été décalées sur l’année 2021.
« Il est nécessaire que le prochain collectif budgétaire apporte rapidement les financements nécessaires, en refondant ensuite la budgétisation sur une estimation précise des besoins dans le cadre de la loi de finances pour 2022 », préconisent les auteurs. Ainsi, en matière de financement, une visibilité pourrait être apportée aux associations par le versement des crédits en début d’année.
Renforcer l’orientation vers le logement
Pour ce qui est de l’offre d’hébergement, alors que le maintien des 43 000 places supplémentaires mises à disposition durant la crise sanitaire est garanti jusqu’en mars 2022, le recours aux hôtels augmente et continue d’assurer un rôle de variable d’ajustement de la politique du secteur. De plus, de nombreuses personnes y sont hébergées durant de longues périodes. « Il importe donc de faciliter le passage de ces personnes vers une forme de logement plus pérenne, voire de reconvertir certains hôtels en structures d’hébergement ou de logement, ce qui pourrait correspondre également à l’intérêt de certains hôteliers qui risquent d’être confrontés à une baisse durable de leur fréquentation, notamment pour le tourisme d’affaires », recommandent les auteurs.
Par ailleurs, faute de moyens, des dysfonctionnements sont aussi dénombrés en matière de prise en charge des usagers. En cause, les difficultés pour les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) à assurer un accompagnement vers un logement pérenne.
Le rapport rappelle d’ailleurs que l’objectif de la politique d’hébergement doit être la sortie vers le logement, insuffisamment assurée, voire en régression. Entre octobre 2019 et septembre 2020, une baisse de 8,1 % d’obtention d’un logement par une personne sans abri ou en hébergement est enregistrée (chiffres du gouvernement). « Une progression nécessiterait d’abord une relance de la construction de logements sociaux qui est loin d’être acquise à l’heure actuelle », indique le document.
Autres points d’achoppement : en zone dense, la création de places d’hébergement se confronte aux coûts élevés de l’immobilier ainsi qu’à la réquisition de locaux. De plus, le recrutement de travailleurs sociaux s’avère de plus en plus complexe.
Manque de données qualitatives
Pour finir, le rapport pointe le manque d’informations répertoriées sur les publics à la rue. En effet, si les Nuits de la solidarité, organisées dans plusieurs grandes métropoles, permettent de mieux connaître leurs problématiques, les données recensées restent malgré tout insuffisantes. « Il est indispensable de mettre à jour l’enquête “Sans domicile” de l’Insee, qui apporte une information qualitative sur la population concernée au niveau national, et dont la dernière réalisation remonte à 2012. »
La population hébergée est, quant à elle, mieux connue : une augmentation de 60 % au sein des places permanentes est enregistrée entre 2009 et 2017. Les mineurs et les personnes étrangères non ressortissantes de l’Union européenne y sont de plus en plus nombreux.