« Ces prochaines semaines, il sera beaucoup question des retraites dans le débat public. Mais nous, ce sont des jeunes dont on veut parler ». Preuve que le futur débat sur le budget 2025, toujours marqué par un impératif de réduction de la dette publique comme François Bayrou l’a rappelé lors de son discours de politique générale du 14 janvier, inquiète toujours, l’Union nationale des missions locales (UNML) n’a pas attendu l’examen du futur projet de loi de finances à l’Assemblée Nationale pour tirer la sonnette d’alarme sur la situation de son réseau.
Réduction des financements
Il faut dire que tous les voyants financiers sont au rouge pour ces opérateurs du service public de l’emploi, dont les 437 établissements, les 6800 lieux d’accueil, les 15 000 salariés et les 1,1 millions de jeunes accompagnés sont désormais passés avec armes et bagages sous la bannière de France Travail depuis l’année dernière, au vu de la cure d’austérité budgétaire qui risque de lui être imposé cette année. « Lors de nos échanges avec le gouvernement, on nous a présenté l’hypothèse d’une réduction des financements d’Etat de l’ordre de 5,8% » explique Stéphane Valli, président de l’UNML, le 14 janvier à l’occasion d’une rencontre avec la presse.
PACEA divisé par 2, CEJ plafonné
Si cette prévision venait à se réaliser, le montant des dotations d’Etat aux missions locales pourrait se voir réduit de 30 millions d’euros, passant de 630 à 600 millions pour 2025. Auxquels il faut cependant ajouter d’autres coups de rabot comme la baisse, en 2024, de 100 à 47 millions en 2024 des ressources allouées sur le parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (PACEA), le plafonnement l’an dernier à 200 000 du nombre de bénéficiaires du contrat d’engagement jeunes (là où les missions locales en avaient signé 210 000 en 2023). Et surtout, la baisse annoncée – et parfois radicale - des dotations dans plusieurs régions (qui représentent 15% des ressources totales du réseau) à l’image des Pays-de-Loire qui ont réduit leurs financements à zéro cette année ; de l’Ile-de-France, où la division par quatre des dotations depuis trois ans s’ajoute à la substitution d’un nouveau système d’appels à projets mettant missions locales et opérateurs privés en concurrence pour le placement des jeunes en formation ; de PACA où la baisse des dotations devrait tutoyer les 30% ; d'Auvergne-Rhône-Alpes et Hauts-de-France où la casse devrait se limiter à des financements amputés de 10%...
>>> A lire aussi: Pays de la Loire : la coupe budgétaire sans précédent pour les missions locales
A contrario, d’autres exécutifs régionaux se sont engagés à ne pas toucher au budget des missions locales comme la Normandie, la Bretagne, le Centre-Val-de-Loire ou la Nouvelle Aquitaine. Des engagements qui demeurent pour l’heure au stade de la promesse, ces conseils régionaux n’ayant pas encore procédé au vote de leurs budgets 2025.
Bref, un sacré trou dans la caisse à venir, d’autant que les autres financeurs publics des missions locales que sont les communes, les intercommunalités et les départements (qui, à eux trois, financent les structures à hauteur de 15%) ne disposent pas de l’assiette financière suffisante pour compenser les baisses de dotations étatiques et régionales. « Nous allons peut-être devoir nous tourner davantage vers les donateurs privés, mais même si nous en attirons davantage qu’auparavant, cela reste une source de financement très marginale pour le réseau », soupire son délégué général, Ahmed El Khadiri.
10 à 20% d'effectifs en moins
Sauf changement de braquet, ces réductions budgétaires pourraient entraîner de sérieuses conséquences pour les missions locales et leurs agents. « Si ces orientations se confirment, on pourrait connaître une réduction des effectifs de l’ordre de 10 à 20% » grince Martin David-Brochen, vice-président de l’UNML et président de la mission locale de Lille. Une implication aussi pour le service rendu aux jeunes dans le cadre de sa nouvelle appartenance à France Travail. Car si, depuis les deux premières semaines de 2025 marquées par une multiplication par 5 du nombre de jeunes venant directement s’inscrire en mission locale sans passer par la case France Travail, une baisse des effectifs pourrait se traduire par un accompagnement de moindre qualité et, surtout, une augmentation sensible d’attente de ces jeunes avant leur entrée dans un dispositif de soutien social.
« Ce serait une très mauvaise chose alors que nous sommes confrontés à de nouvelles catégories d’usagers qui, au-delà de leurs difficultés d’insertion dans l’emploi, présentent d’autres problèmes en matière de logement, de santé et même de santé mentale », déplore Stéphane Valli. Par la bande, d’autres opérations pourraient subir des coups d’arrêts faute de financements. A l’image de la convention passée entre l’UNML et l’association des Départements de France afin de favoriser les rendez-vous de pré-majorité dont bénéficient les jeunes de 17 ans de l’ASE, parmi lesquels de nombreux mineurs non-accompagnés (MNA) afin de leur éviter une « sortie sèche », sans perspective d’insertion, des dispositifs d’accompagnement.
#Alerte16-25
Au vu de la situation, l’UNML a décidé de prendre les devants en sensibilisant les décideurs publics et les relais d’opinion via une campagne d’information digitale destinée à sonner l’alarme sur la situation du réseau. Avec un hashtag, #Alerte16-25 et un slogan : « sécurisons les budgets pour les jeunes dans les territoires ». Conçue pour être déclinée en vidéos et en bannières présentes sur les sites Internet partenaires entre la mi-février et la mi-mars, la campagne cherche à infléchir les coupes budgétaires attendues. Pas sûr que cela suffise à jouer sur un budget 2025 placé sous le signe de la rigueur et sous haute surveillance des instances européennes…
>>> Sur le même thème: RSA : comment France travail se prépare à inscrire plus d’un million de bénéficiaires le 1er janvier