Les coupes budgétaires imposées au secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) mettraient en péril ses 4 600 structures et pourraient avoir de lourdes conséquences en termes d'emploi. Explications avec Adrien Rivière, chargé de mission plaidoyer chez Coorace, appartenant au réseau national de l’ESS qui rassemble 600 entreprises d'utilité sociale territoriale.
ASH : Quelles sont les conséquences concrètes des réductions budgétaires annoncées pour les structures d'insertion par l'activité économique ?
Les chiffres communiqués par le gouvernement, qui nous demande de réaliser des économies supplémentaires, suscitent de vives inquiétudes. Et ce, à plusieurs niveaux. Le premier concerne le budget relatif aux équivalents temps plein (ETP). Le niveau d'ETP accordé ne suit pas celui de l'inflation, ni de la revalorisation du Smic de novembre ; ce qui entraînera nécessairement une baisse d’au moins 2 % du nombre de personnes qu’on pourrait recruter. Beaucoup de structures sont actuellement sur le fil, et cette réduction, même minime à l'échelle nationale, peut menacer leur viabilité.
>>> A lire aussi : 9 recommandations pour simplifier l'insertion par l'activité économique
La baisse de 800 millions sur le budget de la mission Travail-Emploi a des répercussions directes sur les aides au poste allouées par l'État. Sur 100 000 ETP, cela représente 2 000 ETP en moins, soit potentiellement 5 000-6 000 nouveaux entrants en insertion qui ne seront pas pris en charge. Nous sommes aussi très inquiets concernant la formation. Celle-ci est cruciale pour le public accompagné dans les structures d’IAE. Or ces dernières dépendent fortement des fonds publics pour la formation. Leurs modèles économiques ne sont pas du tout faits pour encaisser ces coûts qui peuvent être importants. Problème, au cours de l’année dernière, le PIC-IAE (plan d'investissement dans les compétences dédié à l'IAE) est passé de 100 millions à 80 millions, et pourrait encore baisser cette année à 60-70 millions. Concrètement, cela signifie 20 à 30 % de personnes formées en moins.
Quel est l’impact de la suppression du Fonds de développement de l’inclusion (FDI) ?
Ce fonds, qui jusqu’ici permettait d’aider les structures en difficulté, ne sera doté d’aucun crédit pour la troisième année consécutive, alors même que les besoins de consolidation des SIAE sont criants. Cela risque de mettre en péril de nombreuses structures, notamment dans les zones rurales où leur disparition peut peser fortement sur le bassin de vie.
>>> Sur le même sujet : Missions locales : alerte sur la baisse annoncée des financements
Sans filet de sécurité pour les aider sur un an ou deux, à priori, elles mettront la clé sous la porte. Il faut savoir que 60 % des associations intermédiaires (AI) connaissent une baisse de chiffre d'affaires, certaines jusqu'à 30 %. A l’heure de la mise en œuvre de la réforme de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA, cette situation est incompréhensible pour les directeurs et directrices de ces structures. Et pour les équipes permanentes qui, à peine mieux payées que les salariés en insertion qu'elles accompagnent, expriment un vrai ras-le-bol.
Comment le secteur réagit-il face à ces coupes budgétaires et quelles solutions envisage-t-il ?
Nous sommes potentiellement à un point de bascule. Il faut de la cohérence dans le message du gouvernement : ce n'est pas le moment de réduire les budgets. Notre communiqué de presse du 20 janvier 2025 et notre lettre à la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, Catherine Vautrin, le 15 janvier 2025 visent à alerter et à ouvrir un dialogue pour trouver des solutions. Il est clair qu'avec moins de moyens, nous ne pourrons pas accompagner plus de bénéficiaires du RSA. Quant aux solutions, elles sont limitées. La baisse de l'enveloppe globale signifie inévitablement moins de formations. Notre seule marge de manœuvre sera d'optimiser l'attribution des postes pour permettre aux structures en développement de continuer leur croissance tout en préservant celles qui existent. Nous serons clairement dans une optique de « limiter la casse ».
>>> A lire aussi : Manager à contre-courant avec les plus éloignés de l'emploi