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Protection des majeurs : une nouvelle licence pour former les futurs mandataires judiciaires

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Sophie Lambert, directrice de la licence à l'Université d'Aix-Marseille: "le métier de mandataire judiciaire à la protection des majeurs demeure encore mal connu, mal reconnu et manque d’un statut clairement établi."

[INTERVIEW] Directrice du cursus « mandataire judiciaire à la protection des majeurs » à l’Université d’Aix-Marseille, Sophie Lambert revient sur cette nouvelle licence professionnelle enseignée dans dix établissements français. Tous proposent depuis la rentrée 2024 ce programme qui remplace désormais l’ancien certificat de compétences nécessaire à l’exercice de la profession.

Imaginée dans le cadre de travaux engagés en 2020, ce nouveau diplôme, dont l'inauguration officielle s'est déroulée le 14 janvier 2025, constitue un moyen d’harmoniser, sous la bannière de l’Université, un cursus de formation jusqu’alors effectué de manière hétérogène par divers organismes privés, comme l’explique Sophie Lambert, directrice de la licence à l’Université d’Aix-Marseille et ancienne membre du groupe de travail pluriministériel et pluridisciplinaire à l’origine de cette réforme. Entretien.

ASH. Comment est née la licence professionnelle « mandataire judiciaire à la protection des majeurs » (MJPM) proposée aux étudiants depuis septembre ?

Sophie Lambert : La création de cette licence professionnelle est l’aboutissement de presque quatre années de travaux débutés le 9 novembre 2020 avec la signature d’une lettre de mission par les ministres Eric Dupont-Moretti (Justice), Olivier Véran (Santé), Sophie Cluzel (Personnes handicapées) et Brigitte Bourguignon (Autonomie), chargeant un groupe de travail interministériel et interdisciplinaire piloté par l’ancien sous-directeur de l’enfance et de la famille, de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) Sylvain Bottineau de plancher sur une réforme de la profession de MJPM. Et notamment sur celle du diplôme menant à cette profession.

Aujourd’hui encore, le métier de mandataire judiciaire à la protection des majeurs demeure mal connu, mal reconnu et manque d’un statut clairement établi. On compte actuellement près de 10 000 MJPM en France, ce qui est clairement insuffisant au vu des besoins. Cela rend difficile la mise en œuvre de certaines mesures de protection. Pire : à l’horizon 2040, si la tendance ne s’inverse pas rapidement, nous risquons de connaître une aggravation de la pénurie de professionnels au regard du vieillissement de la population.

Les formations qui existaient jusqu’à présent ne répondaient-elles pas aux besoins ?

Insuffisamment. Il faut se souvenir que cette profession est relativement nouvelle. Avant 2009, elle n’existait pas en tant que telle. Les missions qu’elle recouvre étaient assurées par des « gérants de tutelles » dont l’activité ne nécessitait pas de formation particulière. Qui le souhaitait pouvait s’improviser gérant de tutelle, ce qui a donné lieu à toutes sortes de dérives.

La loi du 5 mars 2007 sur la protection juridique des majeurs a modifié cette situation en créant la profession de MJPM ainsi qu'un certificat national de compétences indispensable à l’exercice de ce métier.

C’était un bon départ, mais à l’usage, cette certification a montré ses limites. En premier lieu parce qu’essentiellement délivrée par des établissements de formation privés, elle était la résultante d'une grande hétérogénéité de contenus pédagogiques, de modalités de contrôle des connaissances, de qualité des enseignements et des formations, ou même de coûts d’un institut à un autre. Ensuite, elle s’est révélée insuffisamment valorisante en matière d’évolution de carrière, puisqu’il s’agissait d’une certification complémentaire à un diplôme de niveau Bac+2 non-intégrée dans le système LMD.

C’est ce qui a poussé les pouvoirs publics à charger ce groupe de travail interministériel (entre la DGCS, le DGESIP et la DACS)- qui regroupait les différentes fédérations de MJPM, des DREETS, des DDETS, des magistrats, des avocats, des mandataires judiciaires- à réformer le cursus de formation nécessaire à l’exercice de cette profession.

Les travaux du second groupe de travail interministériels sur la réforme de la formation, que j’ai piloté aux côtés de Gaetan Givel, chef du bureau de la protection des personnes et de Pierrick Ducrettet, chargé de mission protection juridique auprès de la DGCS, ont conduit à plusieurs évolutions majeures de cette formation.

D’abord, l’ancien certificat de compétences Bac + 2 est remplacé par une Licence professionnelle Bac + 3 intégrée au système LMD et permettant à ses titulaires d’entrer immédiatement sur le marché du travail ou de poursuivre sur un Master, ce qui n’était pas possible auparavant. Ensuite, là où l’ancienne formation reposait sur 300 heures annuelles de cours théoriques ponctués de 10 semaines de stage sur le terrain – ce qui est apparu comme insuffisant - nous l’avons repensée pour en faire un cursus de 402 à 450 heures par an, accessible par la voie de l’alternance afin de permettre aux étudiants de se confronter à une multiplicité de situations professionnelles.

Enfin, cette réforme instaure, pour tous les MJPM, une obligation de formation continue semblable à celle exigée des autres professions juridiques entérinée par la loi « bien vieillir » du 8 avril 2024 et dont les modalités doivent être précisées courant 2025.

Combien d’universités ont ouvert cette licence et combien d’étudiants y sont inscrits aujourd’hui ?

Dix universités se sont engagées : Aix-Marseille, Douai, Tours, Besançon, Reims, Toulouse, Caen, Rennes, Nimes et Angers. Deux autres étaient volontaires, mais ont pris du retard : Limoges et Montpellier. En 2026, entre 20 et 25 établissements universitaires devraient la proposer. Pour cette première année, nous recensons près de 1100 étudiants engagés dans le cursus depuis la rentrée de septembre.

Quel est le contenu pédagogique de cette licence ?

Elle comprend plusieurs modules consacrés au régime de la protection juridique des personnes, à la relation avec les familles ou l’institution judiciaire, mais aussi à l’accompagnement médical, social et médico-social, à la gestion patrimoniale et budgétaire, au logement, etc. Par ailleurs, la formation comprend des cours d’éthique professionnelle, de déontologie, de technique de communication alternatives ou de psychologie, afin d’apprendre aux futurs professionnels à se comporter en appui des personnes sous protection judiciaire et non de décider à leur place dans le but de préserver leur autonomie et respecter leur volonté.

A quel public s'adresse ce cursus?

Il peut s'agir d'étudiants dans le cadre de la formation initiale ou d'actifs en reconversion professionnelle. A l'heure actuelle, sur la dizaine d'apprenants inscrits dans cette licence à Aix-Marseille, environ 70% le sont au titre de la formation initiale.

Cette réforme de la formation s’accompagnera-t-elle d’une refonte de la profession ?

Depuis qu’il existe, le métier de mandataire judiciaire à la protection des majeurs peine à trouver sa place dans les nomenclatures de l’emploi et dans les grilles salariales des branches. Des discussions sont en cours entre les syndicats de la profession et Nexem afin d’intégrer cette profession à la convention collective « 66 », celle des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.

 

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