Pour celui qui est lui-même assistant de service social en hôpital psychiatrique, la campagne de France travail intitulée "Prendre soin", censée promouvoir des métiers du social en mal d'attractivité, est passée totalement à côté de son objectif.
ASH : Quelle a été votre réaction en découvrant la définition des métiers du social sur le site de France travail ?
Joran Le Gall : L’initiative en soi est intéressante : notre secteur a besoin d’une vraie campagne de communication, car nous souffrons d’une pénurie de professionnels du travail social dans tous les domaines. Conditions de travail difficiles, salaires peu attractifs et charge émotionnelle élevée... De nombreuses structures peinent à recruter. Mais j’ai été très déçu et même en colère quand j'ai découvert cette campagne. Le site est tellement confus que cela en devient décourageant pour un candidat qui voudrait s’orienter vers ces métiers. Nous-mêmes, en tant que professionnels, nous avons essayé de nous renseigner comme si nous étions un futur étudiant… et on ne comprenait rien ! Alors, imaginez quelqu’un qui ne connaît pas du tout le secteur ! Je suis en colère car nous n’avons pas été consultés. Et quand bien même, il aurait suffi d’aller voir les référentiels professionnels existants pour éviter ces erreurs.
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Vous soulignez la réduction du rôle des assistants sociaux à de la simple gestion administrative…
Oui, et c’est un vrai problème. Notre métier ne se résume pas à de la paperasse. Il y a une véritable approche humaine et sociale qui est complètement passée sous silence. Le livre blanc sur le travail social avait pourtant bien mis en avant ces spécificités, et là, on se retrouve avec un discours flou et réducteur. Sans parler des CESF [conseillers en économie sociale et familiale], quasiment absents… Et quand ils sont mentionnés, c’est pour les assimiler à des conseillers en insertion professionnelle, ce qui n’a rien à voir ! On mélange tout, on brouille les pistes, pour finalement faire l’inverse que valoriser la diversité des métiers du social.
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On n’a de cesse de parler d’un secteur en crise. Comment expliquer ce raté de France travail ?
Honnêtement, je suis perplexe. On a un secteur qui étouffe, qui manque de moyens, et on nous propose un site mal conçu. J’aurais aimé qu’on y trouve des portraits, qu’on mette en avant les professionnels, qu’on valorise leur travail. Mais là, on se retrouve avec des codes ROME et des descriptions d’activités floues, parfois incompréhensibles. Ce n’est pas sérieux. Cela ne reflète pas le travail réel, c’est juste un dispositif administratif sans âme. On aurait pu mettre en avant de vrais professionnels, avec leurs prénoms, leurs fonctions… Cela aurait donné du sens à cette communication. Là, tout est standardisé, lisse, et finalement, manque totalement d’impact.
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Demandez-vous la suppression du site « Prendre soin » de France travail ou une refonte ?
L’outil pourrait être utile, mais il doit être amélioré très rapidement. Actuellement, il est erroné et incomplet : il manque les chefs de service, les éducateurs techniques spécialisés, les directeurs… Il faut que toutes les professions du social et du soin soient représentées. Et surtout, que les informations soient claires et accessibles. Aujourd’hui, même nous, professionnels, avons du mal à comprendre certains contenus du site.
Nous avons aujourd’hui besoin de reconnaissance des diplômes et des statuts. C’est fondamental. Par exemple, avec la bascule vers le RPPS [répertoire partagé des professionnels de santé], nous avons a dû rappeler aux assistants de service social de s’inscrire pour que leur diplôme soit bien reconnu. C’est un travail de fond, qui montre bien que même sur ces aspects-là, il y a encore du flou.
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