85 millions d’euros. C’est le montant du coup de pouce budgétaire que les sénateurs ont choisi d’accorder aux employeurs de la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale (Bass) afin de leur permettre de débloquer les fonds nécessaires aux augmentations salariales décidées par l’accord conclu le 4 juin dernier par les partenaires sociaux de la branche dans le cadre de leur négociation salariale sur le « Ségur pour tous ».
Dans le détail, c’est par la voie de deux amendements au volet « solidarités, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances 2025 (le premier portant sur une enveloppe de 53 millions d’euros ; le second sur un supplément de 32 millions) portés par la sénatrice socialiste Annie Le Huérou (Côtes-d’Armor) que le Palais du Luxembourg a choisi de muscler les moyens de la Bass pour permettre aux employeurs associatifs de respecter leur part de l’accord en assurant à leurs salariés « oubliés du Ségur » des augmentations mensuelles nettes de 183 € rétroactives à compter du 1er janvier 2024.
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Péril pour les départements...
On s’en souvient : faute de financements suffisants de la part des collectivités départementales, de nombreux établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux à but non lucratif s’étaient retrouvés incapables de respecter les termes de l’accord salarial du 4 juin 2024. D’autres avaient dû puiser dans leur trésorerie pour le faire, mettant ainsi leur propre existence en danger.
Du côté des départements, on chiffre à près de 400 millions d’euros le surcoût des augmentations salariales du « Ségur pour tous » : des fonds que la plupart des collectivités ne peuvent engager dans un contexte de baisse constante depuis deux ans des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), leur principale ressource financière « autonome », et l’absence de dotations d’Etat compensatoires. Au sein de l’association des Départements de France, un clivage s’est même créé entre collectivités à exécutif de droite ou du centre appelant à un « gel du Ségur » et collectivités de gauche acceptant de payer le surcoût des augmentations de salaires, mais en rognant sur d’autres pôles budgétaires.
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Une situation dont le caractère kafkaïen a franchi un cap supplémentaire à la rentrée avec des employeurs, encouragés par leurs fédérations patronales Fehap et Nexem, menaçant de traîner les départements devant les tribunaux administratifs pour les obliger à respecter les termes de l’accord. Cependant que leurs salariés, poussés par leurs syndicats, hésitent pour leur part à réclamer l’augmentation promise devant les prud’hommes.
Tout cela parasitant, au passage, les négociations en cours sur la future convention collective unique étendue (CCUE) de la Bass dont le volet sur les rémunérations et les classifications est étroitement lié à cette question des financements publics.
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... Péril pour les structures
Dans ces conditions, les 85 millions débloqués par le Sénat ont toutes les chances d’être les bienvenus, même s’ils ne compenseront pas à eux seuls les montants des augmentations prévues par l’accord du 4 juin. A condition cependant qu’ils survivent à l’examen du projet de loi de finances par une commission mixte paritaire mêlant députés et sénateurs qui se tient ce 29 janvier.
Parmi ceux qui espèrent que l’exercice n’aboutira pas au retrait des amendements, on trouve notamment l’Uniopss qui appelle les parlementaires à les conserver. Pour cause, l’absence de financement des structures en met un certain nombre « en péril », explique l’association. « Péril financier lorsque les établissements et services doivent engager ces revalorisations sur leurs fonds propres ; péril social, avec des tensions internes, lorsque cette augmentation salariale met en danger les équilibres d’équipes », précise-t-elle.