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Mineurs isolés non reconnus : « En France, la dérive actuelle est la présomption de majorité » (Josiane Bigot, présidente de la Cnape)

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Josiane Bigot, présidente de la Cnape, dénonce le manque de respect des droits des mineurs non accompagnés non reconnus.

Crédit photo Flora Peille / ASH
La semaine dernière, le journal Libération révélait que, dans les Alpes-Maritimes, lorsque les services de l’aide sociale à l’enfance mettent fin à la prise en charge des mineurs non accompagnés, ils demandent à la police aux frontières de les interpeller. Ces derniers sont alors placés en retenue administrative puis livrés à eux-mêmes, munis d’une obligation de quitter le territoire français. Selon Josiane Bigot, présidente de la Fédération des associations de protection de l’enfant (Cnape), les pratiques entravant le respect des droits de ces jeunes sont courantes, surtout dans les territoires frontaliers.

Actualités sociales hebdomadaires : Les pratiques telles que les dénonciations et les mises en rétention administrative sont-elles légales ?

Josiane Bigot : Le décret du 30 janvier 2019 permet effectivement la mise en œuvre de ces pratiques. Je pense d’ailleurs que d’autres départements sont concernés. C’est une des dérives que de nombreux acteurs partisans des droits des enfants craignaient lors de sa mise en place. En effet, le texte donne la possibilité aux conseils départementaux, en charge de la protection de l’enfance et donc de son financement, de passer un protocole avec les préfectures. Le cas de Nice n’est pas isolé, la plupart des zones frontalières ont ce souci avec l’arrivée de nombreux jeunes étrangers non accompagnés. Par ailleurs, le texte a créé un fichier automatisé qui permet de conserver les empreintes digitales et une photographie des étrangers se déclarant mineurs.

ASH : Quelles en sont les conséquences ?

J. B. : D’abord, les jeunes ne veulent plus intégrer le système de protection. Par exemple, s’ils ont déjà déposé une demande d’asile dans un pays de l’Union européenne, comme en Espagne où être majeur constitue un intérêt, ils savent que la reconnaissance de la minorité en France est perdue d’avance. Dans de nombreux autres cas, ils ne connaissent pas leurs droits ni les démarches à effectuer pour déposer un recours ou une demande d’asile lorsque leur minorité est contestée par le juge des enfants. D’ailleurs, la plupart du temps, les travailleurs sociaux les orientent vers les associations susceptibles de les accompagner juridiquement. Selon moi, ces dérives existent depuis une dizaine d’années.

ASH : Pourquoi les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE) acceptent-ils d’informer les préfectures ?

J. B. : Les agents sont excédés. Ils recensent de nombreuses demandes auxquelles ils n’ont pas les moyens de faire face. Ils subissent aussi une pression des élus, qui eux-mêmes décident dans le sens de l’opinion publique. Ils sont également convaincus de la majorité des jeunes. De plus, de nombreux a priori existent, tant de la part des gestionnaires de l’ASE que de celle de certains magistrats, quant à la bonne foi attachée à la demande de reconnaissance de minorité. Pour preuve, l’authenticité des papiers d’identité provenant de certains pays est mise en doute, ceux-ci étant d’office considérés comme issus de filières organisées. Pourtant, l’article 47 du code civil stipule que, même provenant de l’étranger, ils font foi jusqu’à preuve du contraire. A certains endroits, pour faire face à l’afflux de dossiers, les juges statuent rapidement, avec la conviction que les jeunes sont, de toute façon, majeurs. La dérive en France est actuellement la présomption de majorité, au détriment des textes, qui affirment la présomption de minorité.

ASH : Quelles sont les solutions pour faire respecter le droit ?

J. B. : Normalement, un administrateur ad hoc devrait être désigné pour assister juridiquement les mineurs qui arrivent non accompagnés sur le territoire français. Le manque de moyens financiers actuel ne le permet pas. C’est pourtant le cas pour les procédures d’asile. Pour ce qui est des jeunes étrangers isolés, cela n’est quasiment jamais mis en place, à quelques rares exceptions près. Cet administrateur désignerait lui-même un avocat. Car, en l’état, ces jeunes sont dans l’incapacité de faire valoir leurs droits. En l’absence d’accompagnement, ils rejoignent des bandes et entrent dans la délinquance, alors que ce n’est pas le cas lorsqu’ils sont pris en charge et accompagnés vers l’intégration.

 

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