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Discriminations, non-recours, dématérialisation : le rapport accablant de la Défenseure des droits

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Claire Hédon dénonce la recrudescence alarmante des discriminations

"Je regrette un essoufflement des politiques publiques en matière de lutte contre les discriminations depuis une vingtaine d’années, ces dernières se résumant à des actions ponctuelles et sectorielles (concernant certains domaines et critères). Or le caractère systémique des discriminations résulte d’un ensemble de facteurs cumulés (socio-économiques, politiques, culturels…)." Claire Hédon, Défenseure des droits

Crédit photo Hans Lucas via AFP
Face à la montée des inégalités, Claire Hédon, Défenseure des droits, dénonce dans son rapport annuel paru ce mardi 25 mars la recrudescence alarmante des discriminations.

Accès au logement, à l’éducation, accès aux soins ou encore à l’emploi, « les discriminations persistent », alerte la Défenseure des droits. Plus de 225 000 sollicitations, près de 141 000 réclamations. Une lutte contre des inégalités « qui souffre encore, au niveau national, d’un manque de cohérence et de visibilité », poursuit Claire Hédon.

Malgré une diminution des plaintes due au « non-recours », « les saisines pour discriminations fondées sur l’origine, la religion ou la nationalité représentent encore 27 % des réclamations ». Discriminations déployées dans l’intégralité des sphères de la vie sociale, « engendrant des effets durables et délétères pour les victimes ».

Une explosion des discriminations

Parmi les 225 000 sollicitations, 140 996 réclamations et 84 196 appels sur la plateforme téléphonique « traduisent de nombreuses atteintes aux droits et libertés en France », alerte la Défenseure des droits. S’appuyant sur des études réalisées entre 2022 et 2024, dont celle de l’Insee, les appels liés aux discriminations d’origine ont bondi de 49%. Et lors des périodes électorales, les actes racistes et islamophobes ont grimpé de 53%, nous apprend le rapport. 74% des médiations ont abouti à un règlement à l’amiable, « mais ces succès restent bien en deçà du nombre de cas rapportés », regrette l' organe indépendant chargé de veiller au respect des libertés fondamentales.

Thématiques principales des réclamations en 2024

  • Droits des étrangers : plus d’un tiers des réclamations (37 % ) reçues concerne le droit des étrangers, principalement des demandes de renouvellement de titres de séjour, « illustrant l’impact concret de la dématérialisation » ;
  • 17 % des réclamations concernent la protection et sécurité sociales ;
  • Viennent ensuite la justice : 9 %, le droit routier : 7 %, les Services publics : 5 % ;
  • En matière de fiscalité, environnement, logement, emploi, santé : entre 1 et 3 % des réclamations ;
  • Le rapport souligne une forte hausse des signalements de lanceurs d’alerte (+70 %).

>>> à lire aussi : Titres de séjour : la FAS dénonce les méthodes du ministère de l’Intérieur

Le non-recours

Le rapport révèle une baisse de 15% des réclamations en matière de discrimination, traduisant « la difficulté des victimes à faire valoir leurs droits ». Les raisons relevées par la Défenseure des droits :

  • 43% des victimes pensent que rien ne changera
  • 36% ne savent pas vers qui se tourner
  • 26% craignent les représailles

Le logement : un droit encore bafoué

L’accès à un logement digne reste un parcours semé d’embûches pour les personnes issues de l’immigration ou en situation de précarité. Alors qu’il est censé protéger les plus démunis, le logement social exclut paradoxalement les populations les plus fragiles. Une étude de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) démontre que les étrangers économiquement précaires obtiennent moins d’attributions malgré leur éligibilité. « Le droit au logement ne saurait être conditionné par l’origine ou la situation économique des demandeurs », rappelle la Défenseure des droits.

Les discriminations persistent aussi dans le parc locatif privé. Une femme s’est récemment vu refuser un appartement après que le propriétaire l’a aperçue portant un foulard. Grâce à un enregistrement clandestin, la Défenseure des droits a pu prouver le caractère religieux du refus.

Accès aux soins : des pratiques inquiétantes

Le secteur médical n’échappe pas aux discriminations. Des patients précaires ou étrangers sont encore trop souvent écartés des soins. Un cardiologue a refusé de soigner une patiente bénéficiant de l’Aide Médicale de l’État (AME), arguant qu’il n’acceptait pas ce type de couverture sociale. « Chaque professionnel de santé engage sa responsabilité pénale, civile et disciplinaire lorsqu’il commet une discrimination », rappelle la Défenseure des droits.

L’emploi : un champ miné pour les discriminations

Selon le dernier baromètre des discriminations dans l’emploi, 17 % des actifs déclarent avoir été victimes de discriminations ou de harcèlement en raison de leur origine, de leur religion ou de leur nationalité.

Par ailleurs, les "micro-agressions" en milieu professionnel – blagues racistes, propos humiliants – peuvent constituer un véritable harcèlement d’ambiance. La jurisprudence récente reconnaît désormais ce phénomène comme une forme de harcèlement discriminatoire, même en l’absence d’intention manifeste de nuire.

>>> à lire aussi : "Il faut qu’une nouvelle loi pérennise Territoire zéro chômeur de longue durée" (Laurent Grandguillaume)

Quand le numérique creuse les inégalités

La Défenseure des droits alerte « sur les risques d’une dématérialisation excessive », notamment lorsqu’elle se substitue aux guichets physiques et aux contacts téléphoniques, rendant les démarches inaccessibles à certains usagers ». Loin de simplifier l’accès aux services publics, la dématérialisation à marche forcée creuse les inégalités et fragilise les plus vulnérables. Qu’il s’agisse de l’obtention de titres de séjour, de prestations sociales ou de l’accès à la justice, de nombreux citoyens se heurtent à une administration devenue virtuelle et injoignable. « Un fossé numérique qui, au lieu de rapprocher, discrimine et exclut », souligne le rapport.

>>> à lire aussi : Dématérialisation des services : Emmaüs Connect alerte sur l’impact pour les travailleurs sociaux

Une nécessité de réformes structurelles

Face à ces constats accablants, la Défenseure des droits plaide pour des mesures fortes :

  • Création d’une amende civile pour sanctionner les discriminations
  • Mise en place de testings massifs dans l’emploi et le logement
  • Harmonisation du cadre juridique pour les actions de groupe
  • Meilleur financement des associations de lutte contre l’antitsiganisme et le racisme

L’État a un rôle central à jouer selon Claire Hédon : « Lutter contre les atteintes aux droits et les dynamiques d’exclusion, qui affaiblissent notre cohésion sociale et aggravent les fractures de notre société, par le traitement des réclamations individuelles et la promotion des droits et libertés ». 

>>> Retrouvez ici le rapport complet de la Défenseure des droits 

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