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Projet personnalisé : un boost pour les animateurs en Ehpad (3/4)

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« Animer des grands groupes permet aux personnes de s’inscrire dans une dynamique. Elles n’ont pas besoin de savoir faire de la pâtisserie ou de savoir citer les cinq derniers présidents. Ce qui compte : être dans une ambiance. » estime David Séguéla, coordonnateur général du GAG (Groupement national des animateurs en gérontologie)

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Dans le secteur de la dépendance, la généralisation du projet personnalisé a permis de sortir d’une vision strictement sanitaire pour privilégier des activités collectives.
 
 

« L’animation peut englober toutes les capacités, toutes les attentes et tous les désirs, estime le sociologue Richard Vercauteren. C’est une sorte de rassemblement des possibles. » A l’échelle des Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), la loi 2002-2 et sa logique de projets ont surtout eu comme conséquence le développement du métier d’animateur. Jusque-là méconnu, cantonné à de l’occupationnel sans visée thérapeutique, il s’est professionnalisé, permettant de diversifier le prisme unique du tout-médical.

« Un vrai vent d’optimisme et de fraîcheur dans le secteur », reconnaît David Séguéla, coordonnateur général du GAG (Groupement national des animateurs en gérontologie), qui voit dans l’émergence de cette profession – appliquée au grand âge – une plus grande attention portée aux aspirations de chacun. Un début de réelle coopération entre médecins, aides-soignants, moniteurs-éducateurs et animateurs.

 

Le deuil du domicile

Pour la plupart des résidents, l’entrée dans une structure de type Ehpad est un déchirement. Chacun d’eux doit faire le deuil de son domicile et d’une certaine conception de sa liberté. La mise en place d’un projet d’accompagnement personnalisé (PAP), dans les premières semaines de son admission, est une manière de requestionner son avenir et sa capacité à décider. « A être tout simplement », ajoute Sylvain Connangle, directeur de l’Ehpad et centre de ressources territorial La Madeleine, à Bergerac (Dordogne). « Plus on travaille l’autonomie, plus on permet à quelqu’un de révéler son potentiel. Il s’agit de voir ce que la personne peut encore faire toute seule, afin d’éviter qu’elle ne tombe dans le handicap. » Dans cette optique, le directeur de maison de retraite explique préférer l’utilisation de l’outil Smaf (système de mesure de l’autonomie fonctionnelle) plutôt que la plus traditionnelle grille Aggir, évaluant le degré de perte d’autonomie.

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Recettes de cuisine d’antan, jardinage, visites au musée, espace aménagé dans la buanderie pour faire soi-même son repassage en toute sécurité… Le projet – aussi modeste soit-il – est un levier pour ralentir la dépendance. « L’animation individualisée permet de continuer à avoir le choix, mais aussi de s’inscrire dans une sociabilité », précise Richard Vercauteren. A contrario de ceux qui voient dans le projet un risque de repli sur soi, le sociologue estime que, dans le secteur du grand âge, il s’inscrit essentiellement dans une dynamique collective. Les activités se déroulent la plupart du temps par petits groupes, en fonction des affinités et des habilités de chacun, et créent du lien social. Voilà pour le principe.

 

Une application entravée

« Après une phase d’euphorie, nous constatons que les effets positifs du départ sont en train de s’inverser, reconnaît David Séguéla. Alors qu’il y a vingt ans le paradigme changeait, plaçant les attentes avant les besoins et repoussant l’idée du soin comme point de départ de l’accompagnement, il a aujourd’hui tendance à reprendre sa logique initiale. » Le coordonnateur analyse ce revirement par une inertie, un manque d’évolution méthodologique dans certains établissements. « Si certains sont arrivés à se saisir de ce nouvel outil, d’autres se sont contentés de mettre en place des documents destinés aux inspections ou ont monté des usines à gaz. A vouloir trop bien faire avec des exigences normatives exagérées, ils se sont déconnectés du terrain. »

Alors que l’avènement du projet personnalisé a d’abord dynamité la prise en charge des personnes dépendantes, deux « pentes culturelles » semblent aujourd’hui entraver son application concrète : une remontée de la sanitarisation du secteur et la multiplication des dictats administratifs. « A chaque fois qu’un scandale secoue les Ehpad, on en profite pour rajouter des tonnes de papiers et d’évaluations normatives, regrette David Séguéla. Certaines sont nécessaires, mais l’idée doit être d’accompagner pour fluidifier, et non pas d’asphyxier les structures. » Le responsable du GAG va plus loin : après deux décennies de projets – impulsés par « convictions humanistes » ou par « peur du gendarme » – il estime que la plupart sont en fait des plans de soins.

 

Faire preuve d’agilité

Sylvain Connangle estime pour sa part que le projet d’accompagnement personnalisé doit se diriger résolument vers la notion de santé. « Intégrer le care et pas que le cure. » Pragmatique, il explique néanmoins qu’un écart est inévitable entre le projet de départ (le « devis » ) et sa réalisation concrète (la « facture » ). « Entre le moment où l’on décide de faire quelque chose et celui où cela se met en place, il y a forcément un décalage. » Une personne peut se casser le col du fémur, tomber en dépression, perdre son petit-fils dans un accident de moto, avoir une diminution de ses facultés cognitives… Autant d’aléas qui obligent à concevoir le projet comme un élément mouvant, évolutif, qu’on ne peut surtout pas sanctuariser. « Le plus important est d’avoir de l’agilité face à un événement, précise le directeur. Une bonne aide-soignante ou une bonne aide médico-psychologique doit être capable de voir si untel ne va pas bien et doit savoir, le cas échéant, jeter le PAP à la poubelle. »

A la fois artisan et pierre angulaire du projet individuel, l’animateur en Ehpad se retrouve bien souvent en sous-effectif. Alors que le GAG préconise, a minima, un poste pour 30 usagers, la plupart des structures ne disposent que d’un salarié ETP et, éventuellement, d’un deuxième en contrat d’accompagnement ou de formation. « A partir du moment où l’on déshumanise, la mort sociale précède la mort biologique, conclut David Séguéla. Moins on porte d’attention à cette dimension collective, plus les personnes s’usent et abandonnent leur pulsion de vie. »

 

Une profession à cursus multiple

Ne faisant pas partie d’une profession réglementée, les animateurs peuvent exercer grâce à différents diplômes, dont ceux de la fonction publique hospitalière et le BPJEPS (brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport) « animation sociale ». La création, il y a trois ans, d’un bac professionnel « animation-enfance et personnes âgées » – dont la première promotion vient d’arriver sur le marché du travail – permet désormais de poursuivre des études supérieures via une filière IUT carrières sociales. « Nous souhaitons faire valoir l’approche singulière de l’animation sociale, qui est spécifique à l’accompagnement des personnes fragilisées en perte de liens sociaux », précise David Séguéla.

 

>>> A retrouver toute notre enquête sur les limites du projet personnalisé

 

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