« C’est la première fois que je manifeste. Je suis en colère ! Il faut plus de moyens pour les personnes que l’on accompagne. Nous ne voulons plus être seuls face à la précarité. Nos salaires doivent être revalorisés de 300 € au minimum pour vivre dignement. Nous sommes stressés, les burn-out s’enchaînent. Il manque du personnel. Nous sommes insatisfaits du métier que nous exerçons », énumère Daria Hillnhutter, assistante sociale pour l’association Basiliade.
Alors que depuis plusieurs mois, les travailleurs sociaux alertent sur la tension à laquelle ils sont confrontés, l’ampleur de la mobilisation, organisée le 7 décembre partout en France, signe leur volonté de ne pas se résigner.
Initiés à l’issue des rencontres nationales du travail social en lutte et lancés par la Commission de mobilisation du travail social d’Ile-de-France, ralliée à plusieurs syndicats (CGT, FSU, SUD...), des rendez-vous ont été donnés et honorés dans une centaine de communes.
« Discrimination historique »
A Paris, où 8 000 manifestants se sont réunis devant le métro Saint-Jacques, situé dans le XIVe arrondissement, le ton est donné. Scandés ou imprimés sur des affiches, les messages et les revendications fusent : « La précarité n’est pas un métier », « L’envie d’avoir envie d’exercer nos métiers », « Souffrance au travail et perte de dignité », etc. Handicap, protection de l’enfance, hébergement, gérontologie... Les constats sont unanimes, quel que soit le secteur d’activité.
« Le secteur médico-social est touché par une discrimination historique. La situation était catastrophique mais là nous atteignons le point de non-retour. Nos salaires n’ont pas augmenté depuis 20 ans. A présent, le gouvernement menace de casser nos conventions collectives. Nous pourrions perdre nos acquis sociaux », témoigne Inès Ben Hadj, aide médico-psychologique (AMP) à l’institut médico-éducatif (IME) Jean-Paul d’Evry (Essonne). En cause, le projet du gouvernement et des employeurs de réduire le nombre de branches (lire notre article).
Le mépris ressenti dans le cortège qui transite vers le ministère des Solidarités et de la Santé, au son des haut-parleurs et des sifflets, est palpable. Les inégalités générées par les mesures prises à l’occasion du Ségur de la santé (lire notre article), la perte de sens et l’épuisement renforcent encore ce sentiment.
Inquiétude des étudiants
L’appel à manifestation a aussi rassemblé des étudiants. L’Union nationale des acteurs de formation et de recherche en intervention sociale (Unaforis) avait d’ailleurs fait part de son soutien et de ses inquiétudes quant à l’avenir. Les instituts de formation font, en effet, face à un manque d’attractivité des métiers et à une pénurie de candidats. « Nous revendiquons une revalorisation de nos diplômes et de nos futurs salaires. Nous rencontrons déjà des difficultés pour faire rémunérer nos stages. Il y a une dualité entre ce que l’on veut apporter et ce qu’il est possible d’accomplir », s’inquiète Capucine Winter, étudiante en deuxième année de formation d’éducateur spécialisé à l’Institut régional du travail social (IRTS), d’Ile-de-France de Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), et en stage au sein d’un service d’aide sociale à l’enfance (ASE) de Sarcelles (Val-d’Oise).
« Le diagnostic est dans la rue »
Pour sa part, Alexandre Reynaud, moniteur-éducateur pour l’IME Armonia de l’association Arisse, situé à Limeil-Brévannes (Val-de-Marne), assure que « cette journée n’est qu’un début ». Une délégation syndicale, composée de la Fédération syndicale unitaire (FSU), de la CGT Services publics, de l’Union fédérale de l’action sociale (Ufas) et de Sud santé-sociaux, a été reçue par deux membres du ministère des Solidarités et de la Santé. Sans succès. « Nous n’avons même pas été reçus par le cabinet d’Olivier Véran. Pire, on nous a seulement proposé un diagnostic mené par des personnes extérieures au secteur, affirme Thibault Nachin, éducateur de rue et membre de la délégation. Le diagnostic est déjà dans la rue ! » D'autres manifestations sont prévues.