Passé au crible par le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), le fonctionnement du Centre national d’évaluation (CNE) gagne à être repensé. Dans son avis publié au Journal officiel du 7 décembre, l’autorité administrative dénonce les multiples défaillances de ce service de l’administration pénitentiaire. Décentralisé sur quatre territoires, il est chargé d’accueillir près de 800 détenus chaque année. Responsable de l’examen des situations des personnes incarcérées pour de longues peines, il a pour objectifs de les orienter vers un établissement adapté à leur profil et d’élaborer une synthèse du déroulement de l’incarcération, en fin de condamnation.
Droits fondamentaux bafoués
Or le CGLPL estime que les dispositifs d’évaluation portent atteinte aux droits fondamentaux des détenus. « Les ruptures qu’un placement au CNE entraîne, découragent parfois les condamnés au point de renoncer à demander un aménagement de peine, étape pourtant essentielle d’un parcours de réinsertion », souligne le rapport. Que ce soit pour intégrer le service ou à l’approche d’une fin de peine, les délais d’attente s’avèrent importants, ce qui alourdit les procédures et empêche la préparation d’un projet individuel à l’extérieur. « Il s’agit plus d’un outil de répartition de la population pénale sur le territoire que d’un outil d’individualisation des parcours », conclut le CGLPL. D’autant plus que de nombreux détenus ne comprennent pas l’intérêt du dispositif durant lequel il leur est impossible de travailler et à l’issue duquel ils n’ont pas accès au contenu de la synthèse pluridisciplinaire qui les concerne.
Nécessité de transmettre l'information
Par ailleurs, l’intérêt du parcours s’avère remis en cause, les Spip [services pénitentiaires d’insertion et de probation] et les psychologues de l’établissement de destination ne disposant pas du document d’évaluation initiale. Il en va de même pour ce qui concerne les aménagements de peine.
Pour leur part, les professionnels du CNE ne disposent pas des informations nécessaires pour assurer leur mission d’affectation : offres de formation, infrastructures adaptées aux personnes handicapées... « Chaque site se constitue artisanalement des fiches sur les établissements sans qu’aucune mutualisation n’en soit faite au niveau central, ni entre sites », détaille l’avis. L’évaluation de fin de peine permettrait aussi de constater que de nombreux individus effectuent leur incarcération sans amorcer le moindre travail sur les faits responsables de la condamnation ni sur un projet de sortie.
Coordination inexistante
Dans ce contexte et alors qu’un nouveau site spécialisé dans l’évaluation de fin de peine d’auteurs d’infractions terroristes est créé au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), le CGLPL appelle à l’évolution du dispositif.
Parmi les préconisations, la nécessité pour la direction de l’administration pénitentiaire de fournir au Centre national d’évaluation ainsi qu’aux détenus concernés des informations précises concernant les établissements de destination et les délais de disponibilité. Le pilotage de l’activité du service et la coordination des actions menées doivent être effectifs pour être transmis aux services pénitentiaires et aux chefs d’établissement.
Adressé aux ministres de la Santé et de la Justice, l’avis du CGLPL n'a fait, pour l’heure, l’objet d’aucune réponse.
>> L’intégralité de l’avis du CGLPL relatif au CNE
#Prison Le @CGLPL publie aujourd'hui au Journal officiel un avis sur le Centre national d'évaluation (CNE)https://t.co/YlPV7pc9I8
— CGLPL (@CGLPL) December 7, 2022