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Détention : flambant neuf, l’établissement de Mulhouse-Lutterbach déjà surpeuplé

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FRANCE-JUSTICE-PRISON

Un an après son ouverture, l'établissement pénitentiaire de Mulhouse-Lutterbach recense de nombreux dysfonctionnements.

Crédit photo Sébastien Bozon / AFP
Ouvert le 10 novembre 2021, le centre pénitentiaire de Mulhouse-Lutterbach connait les mêmes dysfonctionnements que d'autres prisons plus anciennes. A commencer par la surpopulation.

Les situations se suivent et se ressemblent. Un an jour pour jour après l’ouverture du centre pénitentiaire de Mulhouse-Lutterbach (Haut-Rhin), la surpopulation des deux maisons d’arrêt de l’établissement entrave déjà les droits fondamentaux des détenus comme en témoignent le taux d’occupation (évalué à 155% au 1er octobre) et les matelas posés sur le sol.

Yaourts périmés et assiettes sales

Ce n'est pas mieux côté alimentaire. « La gestion des repas et des cantines, déléguée à des entreprises privées, ne fonctionne pas », souligne Odile Macchi, responsable du pôle « enquête » de l’Observatoire international des prisons (OIP). « La nourriture se prépare trois jours à l’avance. Elle est ensuite stockée dans des frigos. Souvent, les plats sont entreposés sur des chariots puis remis à chaleur ambiante. La distribution de yaourts périmés est fréquente et les personnes incarcérées dénoncent des contenants mal nettoyés dans lesquels restent des morceaux de nourriture de la veille ».  Le sous-rationnement des repas est également d'actualité comme dans d’autres prisons (lire notre article).

Au sein de l'établissement, plus de 1 000 incidents liés à des tensions ont été recensés ainsi que deux suicides. « Une Conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation (Cpip) a confirmé les alertes de personnes incarcérées concernant le nombre élevé de tentatives de suicides », indique Odile Macchi. Selon l’OIP, la prise en charge psychologique des individus contraints de venir en aide à leur co-détenu est inexistante.

Au ministère de la Justice, rien à signaler

Contactée par la rédaction des ASH, le ministère de la Justice affirme que diverses actions sont menées. « A notre niveau, nous orientons régulièrement les personnes condamnées vers les centres de détention de la région pour lutter contre le surencombrement […] Les problèmes liés à la quantité de nourriture ont également été résolus depuis plusieurs mois », assure-t-il. Des réponses difficilement compréhensibles au regard de leur inadéquation avec les signalements listés début novembre.

Pour ce qui est des suicides, l’Administration pénitentiaire (AP) souligne que les personnes incarcérées et témoins sont reçues en entretien par l’officier référent de la structure concernée et par l’unité sanitaire. Elle précise que l’établissement travaille aussi sur un projet de mise en place du dispositif de "codétenus de soutien" : des détenus sélectionnés sont formés pour permettre l’accompagnement de codétenus et alerter l’administration si besoin. Il s’agit, en somme, de responsabiliser la population pénale et de la rendre garante de la prise en charge psychologique de ses homologues.

La moitié des agents demandent une mutation

« C’est un échec. Il y a des problèmes importants en termes de bâtiments, de sécurité, et d’effectifs», pointe pour sa part Jean-Claude Roussy, secrétaire général du syndicat Ufap-Unsa(*) Justice Grand-Est. Outre les problèmes de gestion, la construction laisse aussi à désirer. « Si le cadre est agréable avec une décoration apaisante agrémentée de bois avec vue sur la montagne, les moyens sont totalement insuffisants. Pour preuve, la moitié des agents surveillants demandent une mutation ».

Le choix de matériaux de construction « bas de gamme » freine par ailleurs le respect des conditions de détention et d’exercice des professionnels. L’instabilité des bâtiments a, par exemple, entraîné la destruction de serrures pour parvenir à ouvrir certaines portes. Impensée, la mauvaise qualité de l’acoustique induit de nombreux sons parasites qui s'ajoutent au contexte très bruyant pourtant bien connu dans les prisons.

Face aux dénonciations répétées du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et de plusieurs associations concernant l’inflation carcérale, en avril 2021, lors de l’inauguration, le ministère de la Justice laissait présager que de nouvelles formes de détention étaient possibles. « Mulhouse-Lutterbach a été conçu pour proposer de meilleures conditions de travail pour le personnel et de meilleures conditions de détention et de mise en œuvre des parcours de réinsertion », assurait-il sur son site.

Le « tout carcéral » dénoncé par les associations

Pourtant, ici comme ailleurs, de nombreux postes de Cpip, de personnel soignant et de surveillants manquent. Le calcul des budgets s’effectue, en effet, en adéquation avec la capacité théorique de la prison. « Face à cette réalité, les incarcérations augmentent. Nous savons pourtant que la politique de construction coûte cher et n’assure pas l’accompagnement vers la réinsertion (lire notre article) », rappelle la responsable du pôle « enquête » de l’OIP. Diverses associations revendiquent l’aménagement d’autres types de peines pour contrer la logique du « tout carcéral ».

« Les caractéristiques matérielles et architecturales prises en compte pour l’ouverture de la maison d’arrêt de Troyes-Lavau (Aube) prévue l’an prochain, sont inspirées de ceux de Mulhouse-Lutterbach, conclut Jean-Claude Roussy. C'est effarant ! ».

(*) Ufap [Union Fédérale Autonome Pénitentiaire] -Unsa représente les services judiciaires et pénitentiaires, toute catégorie professionnelle confondue.

 

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