L’horloge tourne pour les partenaires sociaux de la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale (Bass). Selon le calendrier des négociations qu’ils ont fixé, il leur reste un peu moins de deux mois pour boucler les discussions sur l’élaboration d’une nouvelle grille des rémunérations et des classifications de la branche. Prélude de la future convention collective unique étendue (CCUE) censée entrée en vigueur à l’horizon 2026.
Critères classants : des visions opposées
Mais à ce stade, les négociations patinent toujours autour de la philosophie qui doit animer la future grille. Côté patronat, Axess (confédération d’employeurs regroupant Nexem et la Fehap) a prévu de la refondre autour d’un système de « critères classants » : la rémunération serait calculée à partir d’un socle minimum garanti, assorti d’un certain nombre d’items définis dans la future convention collective (autonomie dans le poste, complexité des tâches, responsabilité managériale…) permettant de caractériser les différents niveaux de qualification et de salaire en fonction de l’emploi exercé.
Côté syndicats, on estime qu'un tel système laisserait beaucoup trop de latitude aux employeurs pour définir l’échelle des rémunérations. « Dans ce schéma, le salaire n’est défini que par l’emploi, sans prise en compte de la qualification et de l’ancienneté du salarié », résume Michel Poulet, négociateur pour la Fnas-FO. Face à cela, les organisations syndicales ont fourbi leurs contre-propositions. Si Force Ouvrière demeure irrémédiablement attachée aux « grilles Parodi » faisant de l’ancienneté et du diplôme les premiers critères de rémunération, le projet de Sud n’écarte pas d’emblée la notion de « critères classants », mais intègre parmi eux l’expérience du salarié dans le poste exercé, son niveau de certification et l’organisation des filières.
Une vision assez proche de celle contenue dans le projet d’accord de la CFDT d'avril dernier, qui proposait d’établir la pesée de l’emploi à partir d’un système de points qui prendrait notamment en compte le niveau de qualification, la compétence requise pour le poste et la responsabilité associée à la fonction. « Entre nos deux projets, il existe des convergences possibles », juge François Gieux, négociateur cédétiste. Quant à la CGT santé-sociaux, elle pourrait à son tour dévoiler son contre-projet à l’issue de son congrès fédéral de la mi-octobre.
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Oubliés du Ségur : « une situation ubuesque »
L’autre question qui agite encore les débats est celle des oubliés du « Ségur pour tous ». Malgré la signature, l’agrément et l’extension de l’accord du 4 juin introduisant une revalorisation salariale de 183 € net (rétroactive depuis le 1er janvier 2024) pour les salariés qui en avaient été exclus jusqu’à présent, certains financeurs persistent à refuser d’accorder aux employeurs associatifs les fonds nécessaires. Départements de France a ainsi incité les collectivités de son réseau à ne pas payer tant que l’Etat ne leur débloquerait pas des fonds, mettant les employeurs dans l’embarras et leur trésorerie en danger. Ailleurs, certaines associations ont choisi d’appliquer cette revalorisation… mais pas de façon rétroactive.
Conséquence de cette conjoncture kafkaïenne : sur le terrain, certains syndicalistes poussent les salariés qui n’ont pas bénéficié des augmentations promises à attaquer leur employeur aux prud’hommes alors que, dans le même temps, les fédérations patronales – Nexem en tête – exhortent leurs adhérents à attaquer les départements mauvais payeurs devant la justice administrative… « La situation serait ubuesque si elle n’était pas aussi sérieuse », soupire Michel Poulet. Un sac de nœuds que les nouveaux ministres du Travail, de la Santé et des Solidarités pourraient être amenés à démêler dès la composition de leurs cabinets bouclée.
Horaires atypiques, alternants, emplois aidés...
Deux sujets, encore, persistent à crisper les organisations syndicales. Primo : la question de la revalorisation des heures travaillées le dimanche, les jours fériés et la nuit. Toujours ouvert à la signature, le projet d’accord d’Axess qui restreint le montant de ces heures supplémentaires à une enveloppe globale de 180 millions – insuffisante pour espérer concurrencer les hausses de 25 % de l’heure acquises dans la fonction publique hospitalière, selon les syndicats – n’a pour l’instant convaincu personne.
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Secundo, l’application du « Ségur pour tous » aux alternants et contrats aidés demeure toujours en suspens. La partie patronale, s’appuyant sur d’anciens accords de branche, persiste à ne pas les juger éligibles, alors que les organisations syndicales, brandissant celui du 4 juin 2024, affirment que son périmètre les englobe également. Sur ces deux plans, les partenaires sociaux se regardent toujours en chien de faïence. Tout au plus les organisations patronales ont-elles confié la rémunération des alternants et des emplois aidés à leurs services juridiques « pour examen ». Mais sans laisser davantage envisager une porte de sortie d’ici à la prochaine séance de négociation, le 15 octobre.
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