Une opération de sauvetage de dernière minute ? Sur l’agenda de Gabriel Attal transmis en début de semaine aux rédactions, la rencontre, mercredi 14 février, entre le nouveau locataire de Matignon et François Sauvadet, président de la Côte d’Or et de Départements de France – l’association qui regroupe les collectivités départementales – ne figurait nulle part.
Le tête-à-tête entre les deux hommes, organisé en toute fin de journée, aurait, selon nos sources, été improvisé. Il faut dire que, pour le porte-parole des départements, il y avait urgence à rencontrer le nouveau Premier ministre deux semaines après un discours de politique générale dans lequel celui-ci annonçait vouloir plomber les comptes des collectivités départementales de 2,1 milliards supplémentaires.
La raison ? La suppression annoncée de l’allocation de solidarité spécifique (ASS), jusqu’à présent allouée aux chômeurs en fin de droit, et le basculement de ses quelque 321 000 bénéficiaires (fin 2023) vers le revenu de solidarité active (RSA) à la charge des départements. Coût annoncé de l’opération : 2,1 milliards d’euros en moins à payer pour le régime d’assurance chômage… mais autant de plus à débourser pour les collectivités départementales !
Les départements tirent la langue
Une facture à laquelle s’ajoutera peut-être, à terme, 1,4 milliard supplémentaire si la réforme France travail aboutit – comme le gouvernement en a le projet – à faire bénéficier du RSA l’ensemble des populations qui y auraient légitimement droit, y compris les 34 % qui n’y recourent pas. Et ce, alors que les finances de nombre de départements sont déjà dans le rouge, notamment à cause de la faiblesse des dotations d’Etat sur le RSA qui ne compensent qu’environ la moitié des dépenses départementales (10 milliards chaque année).
« Les dépenses sociales explosent et les départements ne pourront pas faire face à moyen constant. A ce rythme, presque un tiers des départements sera dans le rouge en 2025 ! », a prévenu François Sauvadet. D’autant que la décision de l’exécutif a été prise, à l’en croire, « sans concertation » avec les instances départementales. Alors même que les Assises de Départements de France, organisées en octobre 2022 à Agen, avaient vu la Première ministre d’alors, Elisabeth Borne, s’engager à davantage co-construire les politiques territoriales avec ces mêmes collectivités…
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Un an et demi plus tard, les départements tirent la langue. En cause, une baisse globale de leurs revenus de 8 milliards due au refus de l’Etat d’indexer ses dotations sur l’inflation, à la baisse de 23 % des droits de mutation à titre onéreux (DTMO) – taxes que les collectivités perçoivent lors de la vente de terrains immobiliers – et les différentes revalorisations du RSA. « Maintenir à niveau les prestations sociales mises en œuvre par les départements se fait désormais au détriment de l’investissement et donc de l’activité économique », indiquait Départements de France en amont de la rencontre de son président avec Gabriel Attal.
Une liste de propositions
Que faire alors pour redonner un peu d’oxygène financière et de liberté d’action aux collectivités départementales ? François Sauvadet est venu à cet entretien avec sa liste de propositions. Y figurent notamment :
- la suggestion d’une prise en charge à 100 % par l’Etat des bénéficiaires du RSA qui ne relèvent pas de l’insertion professionnelle ;
- l’augmentation, dès le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, de la part de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) aux dépenses départementales en faveur de l’autonomie : actuellement, l’Etat ne compense qu’à 40 % les sommes allouées à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et à 30 % celles liées à la prestation de compensation du handicap (PCH) ;
- une redistribution des cartes en matière de fiscalité. En permettant notamment aux départements de pouvoir à nouveau bénéficier du produit de la taxe sur les immatriculations transférée, en 2000, à l’Etat, aux régions et aux sociétés d’autoroute ;
- la nouvelle co-construction des politiques territoriales que Départements de France appelle de ses vœux pourrait également prendre la forme d’une responsabilité accrue des collectivités départementales en matière d’économie de proximité ;
- actuellement, le développement économique relève des régions. Une co-construction qui passerait aussi par l’octroi d’un véritable rôle de pilotage des politiques liées à l’aide sociale à l’enfance (ASE) et à la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) permettant aux départements de mieux coordonner les acteurs impliqués sur ces dossiers : santé, justice, éducation, etc.