Au Foyer Duquesne, association de prévention spécialisée à Dieppe, c’est en fouillant dans les archives que les salariés, profitant en pleine crise sanitaire d’un temps d’accalmie, ont fait resurgir un projet vieux de plus de quarante ans. A l’époque, les éducateurs avaient initié, un « terrain d’aventures ». Nés dans l’après-guerre sur les friches d’une Europe bombardée, ces programmes invitaient la jeunesse à aménager les espaces, à construire jeux et cabanes, en valorisant le « faire ». Dans le sillage du mouvement d’éducation populaire des Ceméa, qui expérimente leur renouveau, l’association dieppoise a l’intuition de « remettre au goût du jour » ces espaces.
L’été dernier, pour la troisième édition, quatre terrains d’aventure ont été ouverts pendant six semaines au pied des immeubles. Près de 1 000 personnes de tous âges y ont participé. « On a pour mission de cibler les jeunes de 11 à 25 ans et leurs familles, souligne le directeur, Alexis Douala Moudoumbou. Mais quand on mène une action collective, il n’y a pas de tickets d’entrée. On intervient sur le milieu de vie. » A travers le projet, mené avec une quinzaine de partenaires, l’association entend « amener les jeunes à élaborer leurs propres solutions aux problèmes posés par leur environnement et à se sentir responsables de leur propre sécurité ».
Loin d’une simple animation estivale, l’association défend le positionnement d’une structure de prévention spécialisée. « L’ensemble des modalités de ce champ sont convoquées » à travers ce projet, détaille-t-elle dans son bilan 2023. Les dynamiques collectives de territoire y sont favorisées et la posture du travailleur social, sans cesse interrogée : « Il développe une écoute particulière, une confiance en ce que l’autre peut apporter, en s’appuyant sur la notion de capacité à construire ensemble. Il va plutôt s’agir de mettre en place des contextes où la personne peut se vivre comme sujet de parole, favoriser l’émulation et les interactions, développer la créativité du groupe. » Les actions collectives menées permettent ainsi aux participants « d’être fiers de leur parcours sans se sentir redevables ». Et les éducateurs, notamment ceux qui viennent d’être embauchés, « gagnent deux ans de travail avec les jeunes », explique le directeur de la structure.
Notre dossier sur l'approche communautaire :
1. Pourquoi l'approche communautaire peine à prendre son envol en France ?
2. « L’action collective est potentiellement subversive »
3. A Bordeaux, Médecins du monde au chevet des livreurs ubérisés
4. Solidarités International et la bataille de l’eau
5. A Marseille, justice sociale et bidonville
6. A Dieppe, l’aventure dans les quartiers
7. A Lille, ATD quart monde recrée les liens avec l’école
8. Graines de HLM
9. Développer une action collective en 4 étapes