Recevoir la newsletter

Gouvernement Attal : inquiètes, les associations attendent la suite

Article réservé aux abonnés

Le gouvernement Attal est « attendu sur ses actes » par les acteurs du secteur. 

Crédit photo Capture écran France Info
Le secteur du social et de la solidarité s'interroge sur l'absence de nomination pour le moment d'un ministre du Logement et l'étendue du portefeuille ministériel de Catherine Vautrin face à l'ampleur des chantiers engagés. 

Les réactions du monde associatif n’ont pas tardé à la suite de la nomination du nouveau gouvernement le 11 janvier. Beaucoup demeurent dans l'expectative, espérant que la finalisation du gouvernement sera à la hauteur de leurs attentes. 

 

« Quelle va être sa bande passante ? » (Cnape)

« Nous avons été surpris par l'étendue du portefeuille ministériel de Catherine Vautrin, dont je n’ai pas souvenir d’équivalent dans l'histoire de la Ve République. Même si elle a une personnalité politique forte et beaucoup de volontarisme, la ministre ne pourra pas être partout à la fois. Or elle va occuper l'équivalent de trois portefeuilles, dont l’un concerne les enjeux essentiels qui aujourd'hui frappent le monde des solidarités. A savoir une crise d'attractivité historique, l'explosion des précarités, particulièrement aujourd’hui avec les vagues de froid que subissent les familles et les enfants, notamment pour ceux qui sont à la rue.

Quelle va être sa bande passante pour les solidarités en général, et en particulier pour les familles ? A ce stade, le gouvernement n’étant pas entièrement constitué, nous restons dans l’attente de voir s'il y aura à minima le maintien d’un secrétariat à l'enfance, ou mieux, un ministère d’un rang protocolaire supérieur. Si le fait de rattacher l’ancien secrétariat d’Etat au Premier ministre avait effectivement une portée symbolique forte, l’existence d’une administration propre serait la garantie d'une force de frappe administrative et politique qui serait bien plus importante que celle d'aujourd'hui. »

Pierre-Alain Sarthou, directeur général de la Cnape (Convention nationale des associations de protection de l’enfant).


« Les motifs d'inquiétude ne manquent pas » (FAS)

« Plus que les noms des ministres ou les organigrammes, ce qui nous importe ce sont les actes. Et c'est vrai qu’ils sont particulièrement attendus parce que l'inquiétude est très forte. Les motifs d'inquiétude ne manquent pas. D'abord, évidemment, cette loi immigration qui, dans l’attente de ce que décidera le Conseil constitutionnel, constitue d'ores et déjà un choc dans les associations et pour les personnes concernées. Ensuite, nous sommes aussi fortement préoccupés par les propos gouvernementaux, qui en stigmatisant les étrangers, les pauvres, font peser un climat très lourd pour les personnes, les bénévoles, les travailleurs sociaux et les associations.

Il y a urgence pour que les associations puissent affronter la dégradation des conditions de vie des personnes en précarité. Nous avons d’ailleurs écrit au Premier ministre, dès le 9 janvier, pour obtenir des réponses rapides sur la détermination du gouvernement à lutter efficacement contre la pauvreté et avoir la conviction qu’il considère avec nous que la lutte contre la pauvreté reste une priorité absolue, avec des moyens d'action, notamment du point de vue de la crise du logement social, de l'hébergement des gens à la rue, mais aussi du travail social dont la crise est vraiment très profonde et aggravée par ce climat général.

Un livre blanc a été remis : nous attendons maintenant des réponses. D’ici là, nous ne participerons plus à des réunions ministérielles ou avec des préfets pour marquer le choc dans lequel nous sommes. »

Pascal Brice, président de la Fas (Fédération des acteurs de la solidarité).

 

« Ces changements de personnes ne sont pas gage d'efficacité pour mener à bien les réformes d'ampleur » (Uniopss)

« Je connais personnellement l'engagement ancien de Catherine Vautrin sur le sujet des solidarités par son passé ministériel, par son ancrage territorial à Reims et par son intérêt pour des discussions que j'ai pu avoir avec elle par le passé : son profil est rassurant. Mais avec son arrivée, nous en sommes à la troisième ministre chargée des solidarités en 20 mois. Dont un renouvellement total de l'équipe du pôle social pendant le remaniement de juillet dernier, ce qui fait beaucoup. Surtout au regard du domaine très large qui lui incombe, protection de l'enfance, grand âge, lutte contre les exclusions et j'en passe. 

Ces changements de personnes ne sont pas gage d'efficacité pour mener à bien les réformes d'ampleur dans la durée dont chacun de ces secteurs a éminemment besoin. Même en espérant que certains acteurs seront encore présents dans ce nouveau gouvernement, on assistera forcément à une forme de rupture dans la continuation des chantiers déjà engagés. Espérons que les projets qui sont sur la table depuis très longtemps maintenant ne vont encore attendre deux mois que la nouvelle équipe gouvernementale pose ses valises pour que des décisions soient prises.

Comment dans ces conditions maintenir un dialogue à peu près constant avec l'Etat ? Et qu'adviendra-t-il, pour ne citer qu'eux, des engagements pris par Aurore Bergé sur le grand âge, ou  ceux d'Elisabeth Borne sur la loi de programmation des finances publiques dans le champ des solidarités ? »

Daniel Goldberg, président de l'Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux).

 

« L’architecture gouvernementale annoncée ne traduit pas de volonté de changements » (Unafo)

« Que personne ne soit en charge des sujets relatifs à l’hébergement dans un moment où, en période de grand froid, des milliers de personnes dorment à la rue s’avère très inquiétant et étonnant pour les acteurs du secteur. D’autant plus qu’il y a quand même eu un Conseil national de la refondation Logement et que l’élaboration d’une loi sur le sujet était annoncée pour le premier semestre 2024. Mais l’architecture gouvernementale annoncée ne traduit pas de volonté de changements.

Pourtant, depuis des mois et des années, nous répétons que la crise du logement est réelle et qu’il faut porter une autre politique. Le fait qu’il n’y ait pas, pour l’heure, de ministre attitré sur ce secteur prouve que cette politique ne constitue pas une priorité. C’est regrettable. Mais c’est « presque » une tradition depuis l’élection du chef de l’Etat Emmanuel Macron en 2017. Les ministres du Logement successifs ont parfois été nommés plusieurs mois après la mise en place des portefeuilles gouvernementaux. Cela confirme bien qu’au sommet de l’Etat, on considère que ce n’est pas un sujet.

Plus globalement, ce remaniement ne couvre pas des pans entiers d’enjeux. Je travaille aussi sur la question du handicap et les commentaires pourraient être les mêmes. Nous ne disposons d’aucune visibilité sur la question qui s’avère désormais attachée à un très grand ministère : Travail, Santé et Solidarités. »

Arnaud de Broca, délégué général de l’Unafo (Union professionnelle du logement accompagné).

 

« Nous appelons à un Grenelle du secteur des aides humaines » (APF)

« Nous prenons acte de la nomination de Catherine Vautrin à la tête d’un “super ministère” qui rassemble les ministères qui comptent parmi nos interlocuteurs privilégiés. Nous espérons que la ministre saura entendre l’urgence, y compris vitale, de la crise du secteur de l’aide humaine pour les personnes en situation de handicap. Un enjeu central pour la réussite du virage domiciliaire. C’est pourquoi nous appelons à un Grenelle du secteur des aides humaines.

Nous notons par ailleurs avec inquiétude la disparition du terme “autonomie” dans l’intitulé de ce ministère et nous nous interrogeons sur l’évolution des ambitions du gouvernement sur cette question. »

Pascale Ribes, présidente d’APF France handicap.

 

« Ce n'est pas en changeant de ministre tous les ans qu'on y arrivera » (Paralysie cérébrale France)

« Nous avons besoin de stabilité. On vit avec des entrées et des sorties de ministres qui sont trop rapides. S’il devait y avoir encore un changement de ministre déléguée ou de secrétaire d’Etat – j’espère que nous conserverons un ministre de plein exercice pour le handicap –, cela annoncerait de grandes difficultés.

Parmi les sujets de fond qui restent hyper préoccupants, il y a bien évidemment les graves difficultés des métiers du social, de l’humain et de l’accompagnement. Des milliers de postes sont vacants et nous n’avons pas eu la moindre avancée sur une nouvelle convention qui nous permettrait de rendre ces métiers plus attractifs. Quel que soit l’argent que l’on mettrait sur la table, il n’y a pas de main-d’œuvre, pas de bras, pas de jambes, pas de têtes pour mettre en place la transformation de l’offre que tout le monde appelle de ses vœux.

Il faut continuer sur le dossier de l’école inclusive avec des enfants et des jeunes qui ont des handicaps plus complexes. C’est ça l’acte 2, aller plus loin dans l’accueil. On peut aussi parler de l’habitat inclusif, il y a une loi concernant les Esat avec des avancées mais il faut des gens qui connaissent le dossier, il y a l’accès aux soins… Tout le parcours de vie est interrogé.

Depuis la Conférence nationale du handicap, on parle des 50 000 solutions : il faut les mettre en œuvre. On attend du concret. Ce n’est pas en changeant de ministre tous les ans qu’on y arrivera. »

Jacky Vagnoni, président de Paralysie cérébrale France.

 

« Depuis quelques années, on est en disque rayé » (Unapei)

« Est-ce que tout le monde est nommé ? On a un petit doute sur le devenir de Fadila Khattabi, parce qu’on ne l'a pas vu pour le moment dans le nouveau gouvernement… Nous félicitons tout de même Catherine Vautrin qui devient ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités : c’est un lourd ministère ! Sans présumer de ses capacités, nous demandons comme toujours une politique publique du handicap qui soit cohérente, chiffrée et plus ambitieuse qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Il y a un retard tellement important, que tout est prioritaire. Permettre une véritable éducation inclusive, par exemple, sachant que 23 % des enfants en situation de handicap n’ont pas accès à la scolarisation. Il faut également rassurer les familles, les premières aidantes, de plus en plus inquiètes pour l’avenir de leurs enfants, permettre l’effectivité des droits, soutenir les professionnels ou accompagner le vieillissement.

Depuis quelques années, on est en disque rayé. Lundi dernier, j’étais avec Aurore Bergé pour aborder la protection juridique des majeurs et la loi « Bien vieillir » : qui reprend le flambeau ? C’est un peu lassant de toujours redire les mêmes choses, mais on s’y attellera comme d’habitude… En espérant que ce sera un nouveau souffle de la politique du handicap. »

Luc Gateau, président de l’Unapei.

 

« Il n’y a pas de dialogue avec les associations » (ATD quart monde)

« Je suis inquiète. Trois portefeuilles pour une personne n’est pas un bon signe. On ne peut pas traiter les questions de travail, de santé et de solidarités seul. Surtout dans un contexte d’augmentation de la grande pauvreté. Pour ce qui est du logement, au regard de l’état du secteur, la situation est pire puisque, pour l’instant, personne n’est nommée sur cette question-là. Et le fait qu’à chaque remaniement, la désignation de ce ministre arrive tardivement donne l’impression qu’il s’agit d’enjeux de seconde zone. Le Premier ministre et le président de la République ne montrent pas la volonté d’avancer sur les sujets cruciaux pour notre « vivre ensemble » et notre démocratie.

Au sein d’ATD quart monde, nous considérons par ailleurs que la culture est intrinsèque à la personne, c’est quelque chose d’aussi fondamentale que de se nourrir. Le choix de la nouvelle ministre est méprisant et me sidère. Plus globalement et sur l’ensemble des secteurs que nous couvrons, c’est inquiétant pour l’avenir. Bien que des actions soient menées, il n’y a pas de dialogue avec les associations. Les choses ne sont pas organisées. On expérimente un peu partout et on étend un peu les dispositifs. Nous aimerions quand même savoir comment les choses se mettent en place et s’il y a une ligne directrice. Par exemple, nous ne savons pas quelle directive valide les 15 à 20 heures de bénévolat contractuel prévues pour les allocataires du RSA (revenu de solidarité active) instaurées par la loi pour le plein emploi. Tout est un peu « brouillon ».

Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD quart monde.

>>> D'autres réactions à venir dans la journée

Protection de l'enfance

Insertion

Autonomie

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur