Un contrat d’hébergement de deux mois renouvelables pour le « public de droit commun ou en situation régulière ». Et un même contrat de deux mois, mais cette fois non renouvelables, pour « les personnes en situation irrégulière et les demandeurs d’asile ». Telles sont les modalités de prise en charge dans les hébergements d’urgence du Calvados.
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Elles émanent d’une instruction de la Direction départementale de l’Emploi, du travail et des solidarités (DDETS), adressée au service intégré accueil orientation (SIAO) en vue d’être transmises aux opérateurs en charge de la veille sociale. Des extraits de cette instruction ont été communiquées à la presse par l'association de soutien aux exilés de Normandie, Vents contraires. Si la date n’est pas mentionnée, elle l’estime au mois d’août 2023.
Les doutes du député
Depuis quelques temps déjà, des soupçons pesaient sur l’existence de ces dispositions particulières. Le 27 février dernier, le député (PS) du Calvados, Arthur Delaporte, avait interpellé le ministre Patrice Vergriete. Celui qui venait tout juste de troquer le portefeuille du logement contre celui des transports avait alors répondu : « Soyez assuré que la procédure de prise en charge des demandes auprès du 115 est la même pour tous les publics en situation de vulnérabilité et en demande d’hébergement, quelle que soit leur situation administrative. »
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Quelques mois plus tôt, en novembre, Vents contraires avait sollicité la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) pour obtenir les instructions de la DDETS. « Malgré un avis favorable de la Commission, la préfecture ne nous a jamais communiqué les informations demandées », explique l’association. Qui s’est donc procurée elle-même un des documents.
Un texte contraire, selon elle, aux dispositions du Code de l’action sociale et des familles. L’article L345-2-2 stipule que « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence ».
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Le 29 février dernier, le tribunal administratif de Toulouse s'était appuyé sur ce même texte pour annuler une série de décisions de la préfecture de Haute-Garonne. Le juge considérait que « la régularité ou l’irrégularité du séjour en France ne [pouvait] être prise en compte ».
Vents contraires rappelle également que le Conseil constitutionnel avait retoqué, le 25 janvier dernier, les passages de la loi immigration portant atteinte au principe d'inconditionnalité de l'accueil.
Le précédent du Pas-de-Calais
Dénonçant les conditions générales de l’hébergement d’urgence dans le département, l'association demande à la préfecture l’abrogation de la mesure litigieuse. Sollicitée par les ASH, la préfecture n’a pas répondu à notre demande.
Cette forme de discrimination rappelle un précédent, cet hiver, dans le Pas-de-Calais. Dans deux enregistrements révélés par Mediapart, des agents du 115 rétorquait à des bénévoles de l’association Utopia 56, qu’en vertu d’une directive de la préfecture, leur association n’avait pas vocation à accueillir les étrangers.