La tendance observée ces dernières années au sein des centres de rétention administrative (CRA) se poursuit. Dans leur 13e bilan annuel publié le 26 avril, cinq associations (1) pointent une nouvelle augmentation du nombre de personnes retenues en 2022 : + 8,3 % par rapport à 2021. Ainsi, 15 922 individus, dont 94 % d’hommes, ont été enfermés en CRA dans l’Hexagone et 27 643 dans les territoires d’outre-mer, majoritairement à Mayotte. Les nationalités les plus représentées sont les Algériens (23 %), les Albanais (11,6 %) et les Marocains (8,9 %). L’Albanie est le premier pays de renvoi, via des vols « Frontex ». Plus globalement, sur l’ensemble de l’Union européenne (UE), plus d’un quart des mesures d’éloignement se prononcent en France.
Une rétention caduque
Autre fait marquant : moins de la moitié (44,6 %) des décisions d’expulsion sont rendues effectives. « La France a donc largement eu recours à l’enfermement des étrangers sans que cela se traduise en termes d’éloignement », note le rapport qui souligne le caractère illégal de la privation de liberté dont la mesure de justice ne peut prendre effet. A fortiori pour ce qui concerne les 819 Afghans retenus sur l’année.
Avec une durée moyenne d’enfermement chiffrée à 12,8 jours en 2017 contre 23 jours l’an dernier en France métropolitaine, le temps de rétention augmente. Par ailleurs, 472 personnes ont vécu en centres de rétention administrative plus de trois mois, dépassant le temps maximal légal. « Nos associations constatent quotidiennement l’impact de périodes d’enfermement de plus en plus longues (et parfois successives) sur la santé mentale des personnes enfermées et sur le niveau de tension dans les CRA », précisent les auteurs du rapport.
80 % d’anciens détenus supplémentaires
Le document souligne également l'accroissement des placements en rétention au terme de périodes de détention. Ainsi, 26 % des pensionnaires de CRA sortent de prison, soit une hausse de 80 % par rapport à 2021. Ce phénomène intervient à la suite de la publication, en août dernier, d’une circulaire du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, prévoyant un placement prioritaire en centres de rétention administrative des étrangers représentant une menace pour l’ordre public. Résultat : « le nombre de personnes placées en vue de l’exécution d’une peine d’interdiction du territoire français (ITF) connaît une augmentation supérieure à 10 % en 2022 », souligne le rapport.
Un projet de loi présenté en conseil des ministres le 1er février dernier prévoit de réformer le contentieux en droit des étrangers et de lever, entre autres, certaines protections contre l’obligation de quitter le territoire français (OQTF). Enfin, l’ouverture de nouvelles places dans ces centres est actée : leur nombre devrait atteindre 2 178 fin 2023 et 3 000 en 2030.
>> Le rapport « Centres et locaux de rétention administrative »
(1) Le rapport est publié par les associations Forum Réfugiés-Cosi, la Cimade, France terre d’asile, Groupe SOS et Solidarité Mayotte.