C’était l’une des inconnues de la séance de négociation de la Bass du 2 avril. Après la grande mobilisation contre les bas salaires de la veille, qui a réuni plusieurs dizaines de milliers de salariés de l’aide à domicile et du secteur sanitaire et médico-social à travers une centaine de villes de France, les partenaires sociaux allaient-ils se retrouver le lendemain autour d’un projet patronal sur la durée du travail, les rémunérations et les classifications dans la branche, d’ores et déjà jugé inacceptable par les organisations syndicales ? « Certaines organisations ont effectivement été tentée de quitter la table, mais elles ne l’ont finalement pas fait. Ce n’est pas parce qu’une proposition ne nous satisfait pas que la négociation doit s’arrêter », résume François Gieux, négociateur CFDT.
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« L'application bête et méchante des ordonnances Travail de 2017 »
Pour autant, la démonstration de force dans la rue du 1er avril n’aura pas infléchi la position patronale. Axess, la plateforme des employeurs regroupant la Fehap et Nexem, s’est présentée porteuse du même projet d’accord initial qu’elle avait transmis aux syndicats pour examen la semaine précédente. Un texte qui, pour rappel, prévoit de réduire sensiblement le nombre de jours de congés trimestriels dont disposent aujourd’hui les salariés couverts par la convention collective 66 (celle du « périmètre Nexem ») ou par celle des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) pour les aligner sur ceux de la Fehap, bien moins généreuse en la matière. Suivant la proposition des employeurs, les salariés « Nexem » passeraient ainsi d’un capital de 24 jours de congés trimestriels par an à 6 et ceux du périmètre CHRS de 9 à 6.
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Côté salaires et classifications, le projet d’accord n’est guère plus encourageant. Pour l’instant, Axess se contente d’une proposition de CCUE « socle » qui verrait les emplois de la branche répartis en 15 catégories d’emplois pondérés par 4 critères classants – dont les syndicats, exception faite de la CFDT, ne veulent pas entendre parler – à la main des directions d’établissements. « C’est l'application bête et méchante des ordonnances Travail de 2017 qui inversent la hiérarchie des normes sociales et placent la négociation d’entreprise au-dessus de la négociation de branche. On ne peut vraiment pas engager une négociation sérieusement en partant de si bas », assure Michel Poulet, négociateur FNAS-FO.
Les revalorisations salariales liées à l’ancienneté prennent également un sérieux coup dans le projet porté par Axess puisque, selon cette première mouture d’accord, les augmentations salariales se limiteraient à 1 % par an, bloquées au bout de dix années pour le catégories cadres. Quant à la pénibilité du travail, très présente dans certains secteurs comme ceux des soins palliatifs ou de la protection de l’enfance, elle n’apparaît tout simplement pas dans le texte patronal.
Absence de chiffrage
Si les discussions du 2 avril n’ont pas permis d’avancer, l’absence du chiffrage du coût de la future CCUE pèse aussi sur les débats, particulièrement dans un secteur non lucratif dépendant presque entièrement des fonds publics. En clair, si aujourd’hui la masse salariale des quelque 1,2 million d’employés relevant des conventions collectives Nexem (66), Fehap (51), CHRS et Croix-Rouge s’élève annuellement à 40 milliards d'euros, la prochaine convention collective unique étendue élargira son périmètre à 200 000 ou 300 000 salariés supplémentaires. Lesquels, aujourd’hui, sont sans convention collective ou imparfaitement couverts. Soit un coût supplémentaire pour les financeurs publics de 12 milliards d'euros selon l'estimation de la CFDT.
Or, sur ce plan-là, la situation est toujours floue, Axess n'ayant rien présenté lors de la dernière réunion de négociation. « On ne leur demande pas forcément d’apporter un nouveau texte, mais au moins un chiffrage précis du coût de la CCUE qui nous permettra de ne pas avancer dans le noir », indique François Gieux. Prochaine séance planifiée le 24 avril.
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