C’est parfois dans l’adversité que naissent les meilleures recettes. Sous le coup d’un redressement judiciaire, en 2009, l’association Aide à domicile pour tous (ADT 44) a su relever la tête jusqu’à devenir un exemple de réussite. Un succès incarné par un homme, Geoffroy Verdier, avide de challenges humains et investi dans les réseaux de l’économie sociale et solidaire. Un détail… pas vraiment. Car c’est bien de l’extérieur que viendra l’inspiration décisive.
En 2017, alors que l’horizon économique s’éclaircit, ADT demeure contrainte par des rémunérations faibles et une organisation des plannings complexe. Geoffroy Verdier rencontre le directeur de Chronoflex, chantre de l’entreprise libérée (aussi nommée « modèle de Buurtzorg »), spécialisée dans un tout autre domaine : les flexibles hydrauliques. Malgré son scepticisme initial, il se laisse convaincre de l’adapter.
Son projet « Libérons nos énergies » s’écrit dès lors avec l’ambition de « faire sauter les verrous et d’encourager les salariés à prendre de l’autonomie ». Première étape : les équiper de Smartphones pour leur permettre d’accéder en temps réel à leur planning et de le co-construire avec le responsable de secteur. « A eux, s’ils le souhaitent, de l’améliorer pour avoir moins d’interruptions de travail ou parcourir moins de kilomètres », explique Geoffroy Verdier. Deuxième étape : la diversification des missions. Une auxiliaire de vie peut recruter sa responsable, représenter l’association à un forum de l’emploi, voire monter en compétences pour assurer des prestations de coiffure ou de socio-esthétique. D’abord expérimentales, ces deux innovations deviennent en 2020 une organisation de travail, inscrite dans un accord collectif. « Le fait de diversifier les missions est très valorisant et permet, grâce à des plannings qui s’enchaînent bien, de tendre vers des temps pleins », souligne le directeur d’ADT. A la clé : de meilleures rémunérations et la possibilité de concilier vie personnelle et vie professionnelle tout en tenant compte du besoin des usagers.
Capacité de recrutement
En plus des volontaires qui jouent le rôle d’ambassadeurs, une cadre veille à la marque employeur, accompagnée de deux assistantes RH, chargées de diffuser les annonces. Le bouche à oreille des salariés, qui peuvent percevoir une prime de 150 € en cas de recrutement, favorise la cooptation. Résultat : si le turn-over, marqué par de nombreux départs à la retraite, demeure important, l’association a renoué avec sa capacité à recruter. L’an dernier, 287 salariés l’ont rejointe. « Il y a 13 ans, on recrutait pour le lendemain. Aujourd’hui, on recrute dans la perspective d’un départ », remarque Geoffroy Verdier.
L’innovation prend un nouveau tournant en 2021 avec la création des « ADTeams ». Dans chacune des 60 équipes de secteur, un intervenant à domicile est nommé par ses pairs pour être l’interlocuteur privilégié entre les équipes et la direction et travailler sur des projets liés à la rémunération ou à la prévention. Une boucle WhatsApp diffuse les informations. « C’est spontané, moins formel qu’une communication officielle et bien relayé », constate Geoffroy Verdier. Nouvelle étape en 2022 : ADT travaille à la déclinaison du projet d’établissement en projet de territoire, adapté aux réalités de chacun d’entre eux. « L’autonomie des équipes n’a pas de plafond de verre », assure le directeur. Quitte à ce qu’elles prennent le pouvoir, dans le cadre par exemple d’une coopération.
Une vision pragmatique
Plus qu’un modèle appliqué à la lettre, la force de « Libérons nos énergies » réside dans « une vision pragmatique, faite d’inspirations et d’innovations permanentes, en acceptant que les individus ne s’impliquent pas de la même manière, constatent les chercheurs Stéphane Michun et Cyrille Ferraton, du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq). Deux limites toutefois : le financement de ces temps collectifs – même si ADT a su bien négocier – et le fait que ces modèles soient incarnés par une personne. »
Mais les équipes savent aussi incarner l'esprit du groupe. Très sensibles aux enjeux environnementaux, les salariés ont réduit les kilomètres parcourus, privilégié la mobilité douce, opté pour des trajets en hybride, recyclé des bouchons, des piles, du papier, multiplié les ateliers pédagogiques et ils en ont été récompensés par un trophée départemental (photo). L'ADN d' ADT n'a pas fini d'évoluer.
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