Rendu public le 3 février, la 30e édition du rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre montre une nouvelle fois les conditions délétères d’habitation subies par des millions de ménages. Cette année, la fondation pointe aussi les difficultés rencontrées par les personnes en situation de handicap.
4,2 millions de personnes souffrent de mal-logement ou d’absence de logement. Les premiers chiffres publiés le 3 février dans le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement donnent le ton quant aux conditions précaires dans lesquelles sont contraints de vivre les publics les plus vulnérables.
Plus d’un million de personnes sans domicile
Sur la base de données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) ainsi que de l’actualisation de données administratives (1), le document décline une multitude de degrés aux situations de mal-logement :
- 12,1 millions de personnes sont concernées ;
- 15 millions sont touchées, à un titre ou à un autre par la crise du logement ;
- 1 118 000 personnes sont privées de logement personnel ;
- Sur l’ensemble, 350 000 vivent en hébergement généraliste, en centre d’accueil pour demandeur d’asile (Cada), à l’hôtel, dans un abri de fortune ou à la rue. Le dernier rapport estimait cette part de la population à 330 000 ;
- 643 000 sont hébergées chez des tiers de manière très contrainte.
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« Le recensement de la population dénombrait en outre, en 2017, 100 000 personnes en habitations de fortune, tandis que 25 000 personnes vivaient à l’hôtel en 2013 par leurs propres moyens », notent les auteurs du rapport.
La majorité des chiffres montre une dégradation du nombre d’individus touchés par le sans-abrisme :
- Le nombre de personnes sans domicile a plus que doublé depuis 2012 et même presque quadruplé depuis 2001 ;
- Celui des personnes en hébergement contraint chez des tiers a grimpé de 19 % entre 2002 et 2013 ;
- Les ménages en surpeuplement accentué sont de plus en plus nombreux, alors que la tendance jusqu'alors était plutôt à la baisse.
Près de 3 millions d’individus mal logés
Le nombre de personnes mal logées s’élève, quant à lui, à 2 874 000. Autant de ménages dont les conditions de logement se révèlent « très difficiles » du point du vue du confort. « 1 128 000 personnes vivent en surpeuplement dit "accentué", c’est-à-dire qu’il leur manque deux pièces par rapport à la norme de peuplement, d’après les résultats provisoires de l’Enquête nationale logement 2020 », souligne le rapport.
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En parallèle, 31 000 résidents de foyers de travailleurs migrants en attente de rénovation évoluent dans des conditions de vétusté parfois dramatiques. Pour leur part, les personnes en habitat mobile de mauvaise qualité sont au nombre 208 000.
La fondation observe par ailleurs des conséquences insidieuses à la crise du logement. Elle indique en effet qu’autour « de ce noyau dur du mal-logement, constitué de 4,2 millions de personnes, se dessine un halo beaucoup plus large, aux contours parfois flous, de personnes affectées par la crise du logement, de manière moins prégnante, mais avec de réelles répercussions sur la vie de famille, la santé, l’environnement quotidien, le confort ou les fins de mois ».
Impayés de loyers et précarité énergétique
Autre donnée : 1 210 000 personnes locataires étaient en situation d’impayés de loyers ou de charges au moment de l’enquête, s’exposant ainsi à une procédure d’expulsion.
3 558 000 personnes se trouvent confrontées à la précarité énergétique. « L’effort financier excessif concerne pour sa part les ménages modestes appauvris par des niveaux de loyers insoutenables, en particulier dans le parc privé ». 5 732 000 personnes consacrent plus de 35 % de leurs revenus à leurs dépenses de logement, ne gardant pour vivre qu’un revenu inférieur à 65 % du seuil de pauvreté, soit 650 € par mois et par unité de consommation.
Sur ces derniers points, les observations de la fondation sont toutes aussi inquiétantes :
- En 2013, les Français étaient 44 % de plus qu’en 2006 à se priver de chauffage à cause de son coût.
- 42 % de plus à subir un effort financier excessif pour payer son logement. Résultat, le nombre de personnes modestes ayant eu froid à leur domicile pour des raisons liées à la précarité s’est accru de 25 % entre 2006 et 2013.
- En 2023, 1 million de coupures d’énergie ou réductions de puissance ont été effectuées pour cause d’impayés (+ 81 % en trois ans).
- Le nombre d’expulsions locatives avec le concours de la force publique a atteint son record en 2023, avec 19 023 expulsions, un chiffre en hausse de 74 % par rapport à 2006.
Des logements inadaptés au handicap
Enfin, cette année, la fondation ajoute la catégorie du handicap aux formes de fragilité par rapport au logement. Ainsi, entre problèmes d’accessibilité à l’extérieur ou à l’intérieur du logement, 221 000 ménages subissent leurs conditions d'habitat quotidiennement. « D’après l’enquête nationale logement 2013, en attendant les résultats 2020, l’inadaptation de l’habitat au handicap au sens large toucherait environ 5 % des ménages en logement ordinaire comprenant une personne en situation de handicap, et 3 % des ménages déclarant quelques gênes ou difficultés dans la vie quotidienne », analysent les auteurs du rapport.
Conclusion, la gouvernance des politiques du logement dépend également de l’origine des financements. Les collectivités sont le deuxième contributeur des aides au logement après l’Etat, principalement via les subventions d’investissement. Cependant, l’effort budgétaire public reste insuffisant et parfois mal ciblé.
(1) Enquêtes nationales logement du ministère des Territoires, de l’Ecologie et du Logement.
>>> Découvrir l’intégralité du rapport 2025 sur l’état du mal-logement en France <<<
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