« À la suite de l’entrée en vigueur de la réforme de l’évaluation des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) portée par la Haute Autorité de Santé (HAS), 28 associations, fédérations et unions des solidarités coordonnées par l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux) ont alerté, en février dernier, la Première ministre et le ministre des Solidarités sur le besoin urgent de compenser les surcoûts liés aux nouvelles modalités d’évaluation. Impliquée depuis la loi du 24 juillet 2019 dans les travaux de conception du référentiel commun aux 44 000 ESSMS, coordonnés par la HAS, l’Uniopss déplore qu’aucune solution ne soit apportée par les pouvoirs publics.
Dans un contexte critique pour les équipes et les gouvernances (augmentation des dépenses contraintes, pénurie des métiers de l’humain…), les établissements n’ont pas à assumer les coûts supplémentaires de cette réforme, d’autant plus que d’autres décisions ne se sont pas traduites par des abondements de budget, notamment de la part de certains départements.
Une bonne réforme mais des inquiétudes
En 2019, nous alertions déjà le gouvernement sur ce sujet sensible, dans un courrier co-signé : “L’évaluation de la qualité des prestations et la démarche d’amélioration continue de la qualité est un des grands acquis de la loi 2002-2 que le secteur social et médico-social s’est progressivement approprié. Nous ne pouvons, 20 ans après, faillir sur le sujet : nous le devons aux personnes âgées, en situation de handicap, aux personnes jeunes ou adultes en difficultés sociales, aux enfants protégés que nos établissements et services adhérents accompagnent au quotidien.”
Si nous approuvons le principe de cette réforme, nous plaidons depuis le début des travaux pour que cette évolution permette une amélioration de l’accueil et de l’accompagnement des publics.
Cependant, l’augmentation des coûts pèsent sur les seuls acteurs de terrain. Conséquence : une diminution d’autres postes de dépenses, qui impactera immanquablement le fonctionnement même des structures. Alors que l’objectif de ces évolutions était justement d’améliorer la qualité des services et de l’accueil, il serait paradoxal que cette réforme se traduise concrètement par une dégradation de l’accompagnement des usagers ! D’autant que ces surcoûts viennent empirer une situation d’ores et déjà alarmante. Notre union ne cesse d’interpeller les pouvoirs publics sur les conditions d’exercice difficiles des ESSMS, cantonnés dans un rôle de sous-traitants de mesures décidées loin d’eux, dans un fonctionnement visant le moins-disant en termes de coûts.
Organismes évaluateurs plus chers
Les nouvelles modalités d’évaluation des ESSMS prévues dans le décret du 28 avril 2022 impliquent de nouvelles conditions pour les organismes habilités à évaluer : le marché des organismes évaluateurs est restructuré. En effet, la nécessité d’une double accréditation par le Comité français d’accréditation (Cofrac)et la HAS entraîne une diminution du nombre d’organismes évaluateurs et, par conséquent, l’augmentation du coût moyen des évaluations. Quelques exemples : avant la réforme, les évaluations externes coûtaient 8 000 € en moyenne, en fonction de la taille de l’établissement et d’un éventuel contrat-cadre(1). Aujourd’hui, les premiers retours de terrain nous indiquent un montant des prix de journées pouvant aller jusqu’à 1 700 € HT.
Ces modalités d’évaluation entraînent une mobilisation plus importante en nombre et en durée pour les professionnels. Le temps passé sur place des évaluateurs, le nombre d’entretiens pour chaque évaluation, tout comme leur fréquence (tous les cinq ans au lieu de sept précédemment) ont augmenté. Tout cela implique, dans la durée, plus de moments consacrés aux évaluations, à la préparation et aux échanges par les services des ressources humaines. Enfin, le référentiel d’évaluation contient de nouvelles attentes et exigences, que l’ensemble des équipes doit s’approprier, ce qui suppose donc du temps supplémentaire consacré à la compréhension et à la mise en œuvre de ces nouveautés. Et parmi celles-ci figure le logiciel Synaé, désormais utilisé pour l’ensemble des évaluations.
Trop d’inégalités territoriales
Si, par le passé, des crédits non renouvelables pouvaient être mobilisés pour compenser ces coûts, tel n’est plus le cas aujourd’hui. Certes, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 un amendement adopté au Sénat prévoyait l’intégration de la charge financière des évaluations au contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (Cpom) mais il ne figure pas dans le texte définitif. Ainsi, la compensation des surcoûts relatifs aux évaluations ne fera pas l’objet d’une politique nationale et sera donc à la discrétion des autorités de tarification. Avec le risque d’entraîner des inégalités entre les territoires et entre les établissements d’un même territoire. Il en va pourtant de la responsabilité de l’Etat d’assurer l’égalité entre les ESSMS, seuls garants d’un égal accès à l’accompagnement et aux soins des personnes.
Plus de deux mois maintenant après l’envoi de notre courrier, nous sommes toujours en attente d’une réponse du gouvernement. Nous demeurons fortement mobilisés, avec nos adhérents et partenaires, pour que ce sujet majeur soit traité. Alors que les différents conseils nationaux de la refondation thématiques s’approchent de leurs conclusions, il en va du respect des acteurs de terrain, en particulier de ceux relevant du champ non lucratif, entièrement dépendants des dotations publiques. »
(1) Le dernier bilan de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm), fin 2014, indiquait des prix moyens variant entre 3 519,60 € TTC, correspondant à 3,7 journées par personne pour un service d’aide et d’accompagnement à domicile, et 7 718,50 € TTC, correspondant à 7,3 journées par personne pour un Ehpad.
Pour aller plus loin :