Alors que la maladie d’Alzheimer nécessite une prise en charge pluridisciplinaire, la place des aidants reste, pour l’heure, primordiale. Au risque qu’ils s’épuisent comme le montrent de nombreuses études. L’association France Alzheimer des Alpes-Maritimes, répondant à un appel à projets de l’Agence régionale de santé-Paca, expérimente, depuis avril 2021, le dispositif « Temps libéré ». Entièrement gratuit (hors l’adhésion à l’association de 40 € annuels), il s’appuie sur la plateforme de répit et l’accueil de jour existante. Mais à l’inverse de ces deux services, le dispositif vise le proche, et non le patient. « Le but est d’offrir un espace de liberté à l’aidant en venant sur place », précise Maéva Mahieux-Caccamo, coordinatrice du projet.
Une psychologue réalise un état des lieux social, psychologique et comportemental de la situation du binôme aidant/aidé, lors d’un entretien à domicile. Ce diagnostic lui permet de dresser la liste des activités qu’il sera possible de réaliser durant le « temps libéré ». « Nous sommes déjà intervenus chez des personnes en soins palliatifs parce que l’aidant n’a jamais voulu être accompagné, assure Maéva Mahieux-Caccamo. Le premier entretien a aussi pour but de rassurer l’aidant sur la prise en charge à venir de son proche malade. » Le binôme reçoit par la suite la visite d’une aide médico-psychologique, à raison de dix séances renouvelables, d’une durée de deux à quatre heures. L’objectif est double : proposer du répit à l’aidant et « agir » sur la maladie de l’aidé en tentant de réduire ses troubles.
« L’accompagnement est le plus personnalisé possible. Je m’adapte aux goûts et aux capacités restantes de chacun [cela va du stade léger à la fin de vie, ndlr], explique Karine Moitry, accompagnante éducative et sociale. Je peux ainsi proposer une balade, une séance de cinéma ou encore des activités cognitives : quiz, jeux de mémoire, peinture, mandala… Mais je ne me substitue pas au service d’aide à domicile. » La différence avec un accompagnement en accueil de jour ? « Elle réside dans la gestion de la famille. Si elle n’est pas tout le temps présente, elle a souvent du mal à laisser son proche malade. Dans ce cas, je dois venir en aide aux deux, poursuit la professionnelle. D’autant plus que, souvent, l’aidant est une personne âgée qui a besoin de parler et d’être rassurée. »
Le dispositif s’étend
Limité à Nice et ses environs, le dispositif a rencontré un tel intérêt qu’il a été élargi à l’est du département : Villefranche-sur-Mer, Menton, Beaulieu… Avec plus de 155 demandes depuis son lancement et une file active dépassant 75 patients, les plages horaires de prise en charge ont aussi évolué. Depuis janvier 2022, le « Temps libéré » est ainsi ouvert à des horaires atypiques (18 h-23 h) pour soutenir spécifiquement les jeunes aidants. « Ne disposant que d’une professionnelle, ce service est ponctuel, à raison d’une fois par mois. Et nous ciblons les bénéficiaires, détaille Maéva Mahieux-Caccamo. Dernièrement, nous sommes intervenus pour un fils qui a récupéré sa maman il y a deux ans chez lui. Il ne voyait plus ses amis. Nous lui avons donc libéré une soirée pour qu’il se change les idées. »
L’expérimentation se termine à la fin de l’année, et l’équipe espère une pérennisation du dispositif. « Son seul défaut est d’être victime de son succès, vante Karine Moitry. Il faudrait que l’ARS budgétise l’embauche d’une aide-soignante supplémentaire. »