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Maltraitance financière : la mission Koskas appelle à rompre le silence

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Qu’il s’agisse d’escroqueries organisées par des réseaux ou d’abus commis par des proches ou des aidants professionnels, les maltraitances financières envers les personnes âgées sont difficiles à repérer, à dénoncer et à sanctionner. Une mission présidée par Alain Koskas formule 19 recommandations dans un rapport publié lundi.

Vols, escroqueries, abus de procuration, détournement d’aides sociales, emprise exercée par des "gourous" ou des pseudo-thérapeutes... la maltraitance financière a de multiples visages, souligne un nouveau rapport. Il résulte des travaux d’une mission pilotée par Alain Koskas, président de la Fédération internationale des associations de personnes âgées (FIAPA) et de la Fédération 3977 (qui gère ce numéro de téléphone d’alerte et d’information).

Ce document a connu quelques péripéties. Il avait été commandé en septembre 2016, sous l’ancienne majorité, par Pascale Boistard, alors secrétaire d'Etat chargée des Personnes âgées et de l'Autonomie. Alain Koskas lui a rendu ses conclusions (sans les constats) en mars 2017. Cette fois, le rapport complet a été remis officiellement lundi 19 février à la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, ainsi qu’au Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), qui a inscrit la maltraitance – financière notamment – à son programme de travail pour 2018.

Agnès Buzyn a fait savoir lundi, lors de l'installation de la nouvelle commission de promotion de la bientraitance des personnes vulnérables, qu'elle présenterait fin mars une stratégie sur le grand âge couvrant notamment la lutte contre les maltraitances.

Besoin d’un observatoire

Si les professionnels du secteur savent décrire le phénomène de la maltraitance financière et ont le sentiment d’une "constante augmentation", les chiffres manquent, déplore la mission. Elle appelle donc à lancer une série d’enquêtes publiques. Au-delà, "nous avons besoin d’un véritable observatoire", assure Alain Koskas aux ASH.

Comme dans d’autres formes de maltraitance, les personnes âgées sont souvent réticentes à dénoncer les abus dont elles sont victimes, par crainte de représailles, par peur de ne pas être crues, ou encore en raison de la complexité des procédures… et ce d’autant plus si elles sont dépendantes. La personne peut ne même pas se rendre compte de la gravité de la situation, excuser le comportement de l’"abuseur", voire se sentir responsable de la situation.

La mission constate aussi "l’hésitation des aidants professionnels à dénoncer une situation de maltraitance, alors que les textes de loi ont évolué [ces dernières années] pour leur assurer une meilleure protection". En particulier, la loi du 9 décembre 2016 "relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique", dite "Sapin II", a mis en place un statut protecteur pour les lanceurs d'alerte. Malgré cela, les professionnels "continuent à s’interroger et s’inquiètent des conditions de leur protection et de la levée du secret professionnel, ainsi que des atteintes possibles au respect de la vie privée", regrettent les auteurs.

L’une de leurs 19 propositions vise donc à "empêcher les poursuites et les pressions exercées sur les alerteurs par l’instauration d’une immunité provisoire durant la première phase de l’enquête, tant qu’il n’a pas été établi que le signalement était abusif avec intention de nuire". En parallèle, un guide "de signalement" serait rédigé à l’intention des alerteurs potentiels, leur précisant les procédures à suivre et les autorités à contacter. Enfin, la mission réclame une campagne de communication sur les numéros d’appel contre la maltraitance (le 3977 et le numéro de France Victimes, 08 842 846 37). "Ils restent très peu connus", y compris des professionnels, "et c’est grave", regrette Alain Koskas.

Le rapport invite aussi à lancer des formations sur la maltraitance financière auprès de tous les professionnels concernés. Par exemple, en formant mieux à la gestion comptable les personnes qui exercent une tutelle ou une curatelle. Autre piste identifiée : mieux contrôler les comptes de gestion que les tuteurs et curateurs déposent chaque année au tribunal d’instance, et que les greffiers peinent à analyser faute de temps ou de savoir-faire en ce domaine.

Davantage de travailleurs sociaux dans les commissariats

Une fois l’alerte donnée, quelles réponses apporter ? Afin de faciliter le recours de la personne âgée ou de ses proches aux forces de l’ordre et à la justice, la mission se prononce pour une présence systématique de travailleurs sociaux dans les commissariats. Pour éviter que la personne âgée doive prouver elle-même tous les éléments de la maltraitance financière alléguée, elle invite à "évaluer la faisabilité d’un aménagement de la charge de la preuve […] en vue de faciliter l’aboutissement du procès".

Pour régler certains conflits, Alain Koskas et ses collègues suggèrent de créer "un corps de médiateurs qualifiés et habilités en gérontologie sociale, formés au traitement des emprises" sur les personnes âgées. Ils interviendraient auprès de la victime et de l’auteur présumé de la maltraitance lorsqu’ils font partie d’une même famille.

Enfin, ils plaident pour des mesures spécifiques aux maisons de retraite. "Constatant que les pratiques de facturation des journées ne sont pas harmonisées, ni réellement régulées par les autorités de contrôle des établissements publics ou privés", la mission recommande la production d’une instruction ministérielle récapitulant "les règles et bonnes pratiques de facturation et d’élaboration du contrat de séjour, ainsi que l’intégration de ces items dans les programmes et calendriers des corps d’inspection". Les auteurs appellent aussi à engager "de façon urgente une réflexion décisionnelle sur la place de l’argent de poche" en institution.

 

A lire dans notre n°3049 du 23 février prochain : une analyse détaillée du rapport et l'interview d'Alain Koskas.

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