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La gestion des MNA relève-t-elle de l’Etat ?

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Florian Bouquet (LR), président du Conseil départemental du Territoire de Belfort et Jean-Luc Gleyze (PS), président du Conseil départemental de Gironde

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[C’EST EN DEBAT] En matière de protection de l'enfance, c’est devenu un véritable clivage gauche-droite. Pour Jean-Luc Gleyze, président socialiste du Conseil départemental de Gironde, un mineur non accompagné est un enfant à protéger comme les autres. La politique de l’immigration est la compétence exclusive de l’Etat, rétorque Florian Bouquet son homologue républicain du Territoire de Belfort.

Quelles que soient leurs étiquettes politiques, les présidents de départements sont dans l’ensemble unanimes pour dénoncer le manque de places en protection de l’enfance et les carences de l’Etat vis-à-vis de certaines de ses prérogatives régaliennes (justice, psychiatrie, handicap). Mais le clivage gauche-droite les oppose frontalement lorsqu’il est question des MNA et de leur prise en charge.

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La récente décision de Jean Deguerry, Président LR du Département de l'Ain, de suspendre temporairement l'accueil des "arrivées directes" de MNA remet ce débat sur le devant de la scène.

Pour les uns, plutôt à gauche, ces jeunes doivent être protégés comme n’importe quel autre enfant en danger. Pour d’autres, plutôt à droite, ils font partie d’une problématique migratoire qui incombe au ministère de l’Intérieur.

Les  positions semblent irréconciliables entre Jean-Luc Gleyze, président socialiste du Conseil départemental de Gironde et Florian Bouquet président républicain du Territoire de Belfort dont le conseil départemental a voté – à l’unanimité - le refus de prendre en charge des mineurs étrangers non accompagnés dès le 28 septembre.

 

Jean-Luc Gleyze : "La protection de l’enfance est universelle"

Un MNA est un enfant à protéger comme les autres. Le droit à la protection est universel, sans distinction de parcours, d’origine ou d’histoire personnelle. Il n’y a qu’une seule protection de l’enfance qui s’exerce au niveau de la solidarité nationale via les départements. En annonçant une enveloppe globale de 100 millions d’euros pour accueillir ces mineurs isolés, Elisabeth Borne a choisi une entrée fortement portée par le président de l’Assemblée des départements de France, François Sauvadet (ndlr : UDI) et un certain nombre de ses collègues du même bord que lui.

Mais ce qu’il faut, ce sont des moyens pour la protection de l’enfance en général, et pas spécifiquement pour ces enfants-là. Dans mon département, ce budget est le plus important de la collectivité avec 310 millions d’euros. Il m’en faudrait 50 de plus pour remplir complètement ma mission. Cette enveloppe de 100 millions, à l’aulne de tout le territoire, est totalement insuffisante.

La question n’est pas de recentraliser la gestion des MNA, encore moins celle de la protection de l’enfance. Si la Ddass avait été meilleure que les départements, ça se saurait et si le régalien fonctionnait mieux que le décentralisé, ça se saurait aussi. Le vrai sujet est celui des moyens accordés aux départements pour pouvoir assumer correctement leur mission de protection de l’enfance. C’est tout un écosystème qui ne fonctionne pas.

Nous sommes face à une déficience fondamentale en pédopsychiatrie, compétence de l’Etat, à des problèmes de places en protection judiciaire de la jeunesse, compétence de l’Etat, à une incapacité de l’Education nationale à intégrer les enfants de la protection de l’enfance, encore un sujet Etat… Certains enfants en situation de handicap, pris en charge au titre de la protection de l’enfance, et ayant des orientations en instituts médico-éducatifs par la MDPH, se retrouvent sans places en IME parce que l’Etat n’en crée pas.

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Sans parler des amendements Creton, ces jeunes en situation de handicap âgés de 21 ans qui devraient déjà être partis en établissements gérés par l’Etat. Si ce dernier assumait ses prérogatives, nous aurions peut-être les moyens de faire ce qui nous incombe et de libérer des places pour accueillir plus d’enfants.

Nous demandons de longue date des états généraux, le CNPE souhaite un plan Marshall, ce que nous soutenons aussi, nous ne sommes par arc-boutés sur l’un ou l’autre, à partir du moment où les choses avancent. Mais dans tous les cas, si on doit travailler sur l’évolution de la protection de l’enfance, il faut le faire avec l’ensemble des acteurs.

Jean-Luc Gleyze (PS), président du Conseil départemental de Gironde

 

Florian Bouquet : "Les MNA relèvent de la politique d’immigration"

Imaginer, comme on a pu l’entendre, de recentraliser la protection de l’enfance est une idée complètement à côté de la plaque. Si Charlotte Caubel veut reprendre l’Ase, qu’elle commence déjà par le faire avec les MNA. La politique de l’immigration est la compétence exclusive de l’Etat.

Nous avons une capacité d’accueil de ces mineurs non accompagnés qui a été fixée à 61 places dans un foyer sous contrôle du conseil départemental. Aujourd’hui, je suis obligé d’en accueillir 89, il y a donc un surnombre de 28 de ces jeunes, parfois déjà majeurs, dans mon département. Je suis prêt à les confier à la ministre et lui restituer la soulte financière de 62000 euros qui s’y rattache.

J’ai attiré l’attention des pouvoirs publics – à savoir le préfet et le procureur – parce que si demain il y a un incendie ou un autre problème dans ce foyer en surnombre, c’est ma responsabilité qui est engagée. Plutôt que de proposer 100 millions d’euros aux départements, j’aurais préféré qu’Elisabeth Borne se demande quelles anciennes casernes militaires ou de gendarmerie seraient susceptibles d’accueillir des enfants placés relevant de la politique MNA.

Quelle France veut-on pour demain ? Une France de RSA et de MNA ou une France qui travaille, solidaire, fraternelle et qui agit au profit des plus fragiles ?

Je ne suis pas contre les MNA, j’ai de très beaux modèles de réussites parmi eux. C’est une problématique de places : je n’ai pas de locaux vacants et je ne peux pas les placer dans un hôtel, ce n’est pas possible humainement pour moi. Je suis pour une immigration maîtrisée où on identifie, département par département, la jauge d’accueil possible.

>>> A lire aussi : Une pétition pour sauver la protection de l'Enfance

Aujourd’hui, j’ai 38 enfants qui ne sont pas protégés et 334 situations préoccupantes, dont 80 ne sont pas traitées. La loi Taquet nous oblige par ailleurs à protéger jusqu’à 21 ans, ce qui contribue à accroitre encore le phénomène d’embolisation de nos structures. Entre 18 et 21 ans, ces jeunes sont maintenus dans le champ de l’enfance, alors qu’ils devraient relever des dispositifs d’insertion, d’accès à l’emploi et d’accès au logement.

Le Territoire de Belfort été le premier département de France à alerter sur le phénomène de saturation des différents dispositifs d’aide sociale à l’enfance. Nous avons très peu d’opérateurs qui œuvrent pour le conseil départemental et je ne peux guère jouer sur la souplesse et l’élasticité de ces structures pour assurer un volume d’accueil suffisant.

Outre les missions régaliennes de l’Etat qui ne sont pas assurées - adolescents délinquants qui relèvent de la PJJ, enfants subissant des troubles psychiques non traités – il y a un accroissement des phénomènes de violences dans les familles qui saturent complètement tous les dispositifs d’accueil de l’aide sociale à l’enfance. Si demain un drame vient à se produire, que ce soit un problème t’attouchements ou un coup de fusil, ce sera ma responsabilité pleine et entière.

Florian Bouquet (LR), président du Conseil départemental du Territoire de Belfort

 

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