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Comment accompagner les usagers de drogues

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Antoine Ruel, coordinateur du programme Tapaj à l’association Oppelia Le Triangle, à Nantes,

Crédit photo DR
[TUYAUX DE PROS] Les injonctions traditionnelles ont peu de prise sur les consommateurs de crack. De la posture au vocabulaire, Antoine Ruel, coordinateur du programme Tapaj (1) à l’association Oppelia Le Triangle, à Nantes, partage ses pratiques professionnelles pour aider les publics souffrant d’addictions.

Le Problème

On le sait : l’injonction à cesser de consommer ne fonctionne pas. Face à des publics précaires, que l’usage de drogues marginalise davantage encore, adopter la bonne attitude ne va pas toujours de soi. Un constat valable pour les travailleurs sociaux comme pour les institutions, dont les règles peuvent s’inscrire en contradiction avec les principes de réduction des risques. Ces dernières années, l’Observatoire français des tendances addictives relève, entre autres évolutions des pratiques, une forte hausse de la consommation de crack. Autrement appelée « drogue du pauvre », ce dérivé de la cocaïne touche souvent les publics les plus vulnérables, en situation d’errance, et difficiles à mobiliser.

Mes conseils

→ Ne pas juger. « C’est un des grands principes de la réduction des risques : accepter la personne et ses usages. Elle doit pouvoir parler sans se sentir jugée. Plutôt que de lui expliquer ce qui est bien ou mal, on s’inquiètera pour elle, on lui demandera comment elle consomme, comment elle lie ses objectifs à sa consommation, etc. Accepter l’autre tel qu’il est demande parfois un temps d’adaptation et une forme de tolérance. Mais s’il n’a pas envie d’arrêter, c’est son droit, il faut savoir l’accepter. »

→ S’adapter. « Accompagner la non-demande implique de créer du lien pour ensuite construire avec la personne, en fonction de sa temporalité, de ses besoins et de ses envies, réelles. On l’invite à proposer ses objectifs en fixant ensemble une temporalité en la confrontant à la réalité : on ne trouve pas un logement du jour au lendemain… A nous d’insuffler l’idée que le changement est possible à travers des discussions et des tentatives d’hameçonnage – “T’as pensé à ça ?”. Cette posture peut être limitée par l’institution. Dans beaucoup de structures sociales, la relation se noue à travers un contrat qui recense les règles et les objectifs. »

→ Trouver les bons mots. « Certains professionnels ont des difficultés à aborder ces sujets. L’idée, c’est d’en parler le plus naturellement possible, de manière assez frontale. Mieux vaut dire : “Pour info, t’en es à combien de bières” plutôt que “J’ai remarqué que tu étais souvent dans un état second” … Là encore, la capacité du travailleur social à aborder ces sujets peut être limitée par les règles de l’institution. »

→ Adopter la bonne posture. « Je cherche la posture appropriée et à l’instant T. Je manie beaucoup l’autodérision. Les usagers, comme moi, on s’autorise à se “charrier” les uns les autres. Le rapport est avant tout humain et peu protocolaire. L’informel tient une place importante. Pour les entretiens, je m’assois à côté de mon interlocuteur. J’observe le comportement non verbal. La personne bouge, paraît mal à l’aise ? Je propose de prendre l’air. »

→ S’appuyer sur les spécialistes. « Bien connaître l’éco-système local est essentiel pour orienter vers un Caarud, un Csapa(2) ou encore les consultations jeunes consommateurs, un service que doivent connaître les partenaires de l’aide sociale à l’enfance, très concernés par les problématiques d’addictions. Pour éviter les relations interpersonnelles, on fait en sorte à Oppelia de mener nos réunions d’équipe dans les locaux d’autres structures, ce qui nous permet d’échanger avec elles et d’optimiser les partenariats. »

→ Favoriser le pouvoir d’agir. « La reconnaissance des savoirs profanes est importante. L’usager étant expert de ses consommations, il faut lui faire confiance pour lui redonner le pouvoir d’agir. Cela passe par sa participation dans les instances de décision de l’association, mais aussi comme bénévole. A Oppelia, il peut par exemple se joindre aux maraudes ou à la distribution de kits à injection. »

 

Notes

(1) Travail alternatif payé à la journée.

(2) Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues et centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie.

 

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