Des étudiants qui bloquent l’entrée d’une école à quatre reprises. Voilà le mouvement étudiant très inhabituel qu’a connu l’IRTS Parmentier ces dernières semaines dans son établissement parisien. La direction peine à éteindre le mécontentement d’étudiants venant des filières d’éducateur spécialisé, d’assistant de service social et d’éducateur de jeunes enfants, qui dénoncent notamment, depuis février 2025, une dégradation de leurs condition de formation.
>>> A lire aussi: Moniteur-éducateur : quelles évolutions pour le diplôme ?
Parmi leurs revendications exprimées dès le 13 février, date du premier blocage, les étudiants, constitués en collectif, demandent notamment, dans un tract, d’« assurer une formation de qualité ». Ils organisent un deuxième blocage, le 19 mars, puis un troisième, le 27 mars. Un dernier blocage plus « symbolique » et limité dans le temps a eu lieu le 1er avril, jour de mobilisation des travailleurs sociaux à l’appel des organisations syndicales.
Cours annulés et conditions de formation « dégradées »
Dans une lettre ouverte en date du 29 mars résumant leurs nombreux griefs et revendications, ils font notamment état d’ « une profonde inquiétude » quant à des « conditions de formation dégradées » et un « accompagnement insuffisant ». Ils réclament aussi un « véritable suivi personnalisé » avec 10 heures d’accompagnement, ainsi que la limitation des cours en visioconférence après avoir entendu parler de possibles passages en distanciel.
Dans cette même lettre, le collectif pointe aussi des cours « annulés ». Depuis octobre 2024, non moins de 13 journées ou demi-journées ont été marquées par l’absence du formateur, de l’intervenant ou de l’accompagnant initialement prévu, témoigne une étudiante en première année en filière d’assistante sociale. Et certaines actions de formation ont pris du retard en raison d’absences. « Pendant quatre mois, on n’a eu aucun cours méthodologique sur le mémoire de fin d’études », témoigne une autre, en troisième année.
>>> Pour compléter: Julie Marty: "On risque la disparition de nos métiers!"
Des arrêts de travail en hausse chez les enseignants
De manière étonnante, les étudiants se font aussi le relais d’une situation de mal-être chez les formateurs. Dans leur lettre ouverte, ils signalent un « manque flagrant de moyens humains et matériels » aggravé par des départs, des démissions et des arrêts maladie répétés voire simultanés parmi les équipes permanentes sein de l’institut. Une situation confirmée par certains formateurs contactés par ASH mais souhaitant rester anonymes.
>>> A lire aussi: Sanitaire et social : les intentions d’embauche en hausse… les difficultés de recrutement aussi
« Il y a plein d’arrêts de travail, depuis un an et demi ou deux ans, avec une accélération ces derniers mois », témoigne une source, décrivant une situation globale de surcharge de travail. « On essaie d’être dans la proximité avec nos étudiants pour travailler au maximum leur savoir-être. C’est d’autant plus nécessaire que les profils ont changé ces dernières années », souligne une autre, qui redoute une diminution de l’effort d’accompagnement individualisé des élèves. Un malaise accru par la volonté de la direction, comprennent-ils, de réorganiser le travail des formateurs.
Difficultés financières
Contactée, la directrice générale de l’IRTS Parmentier, Claire Heijboer reconnaît qu’une partie des constats des étudiants sont fondés. « On est dans des difficultés financières +++ qui font qu’on ne peut pas faire de réembauche, qu’on est un peu à poil dès qu'il y a des arrêts maladie chez les équipes de formateurs, et qui font qu’on a finalement une équipe pédagogique qui est vraiment mise sous tension, ce qui est absolument juste et qui a des répercussions effectivement sur la formation des étudiants », répond-elle.
>>> A lire aussi: Nouvelles aides à l'embauche d'apprentis : la FNAPSS dénonce "une vision purement comptable"
Selon elle, les arrêts maladie au sein du personnel affectent d’abord leurs missions hors face-à-face pédagogique, le problème se situant du côté des intervenants ponctuels. « Quand un intervenant annule son cours le matin pour la journée, on a beaucoup de mal à faire du remplacement, ce n’est pas satisfaisant. On n’a pas demandé à ce qu’il y ait plus de cours en distanciel », répond-elle par ailleurs.
Claire Heijboer tient néanmoins à contextualiser: « L’IRTS a les mêmes difficultés que l’intégralité du secteur social, c’est-à-dire qu’on n’est pas en sous-effectif mais on a des difficultés d’effectifs ». Et évoque la non-prise en charge par la Région de la prime Ségur pour justifier les problèmes financiers de l’IRTS.
Elle annonce une réunion avec « des délégués » des étudiants afin de « réinstaller une forme de dialogue » et de prioriser les réponses à leurs demandes.
>>> A lire aussi: « Les professionnels, des passeurs et non des casseurs » (4/4)