C'est la refonte des blocs de compétences vers un modèle plus homogène qui a mis le feu aux poudres. Soit, expliquent les représentants syndicaux dans un communiqué daté du 14 avril 2025, une « standardisation des compétences » qui conduirait à la disparition progressive de leurs métiers. Explications avec leur porte-parole *, Julie Marty, également co-présidente de la FNEPE (fédération nationale des éducateurs de jeunes enfants).
ASH. Comment la réforme des diplômes du travail social a-t-elle été annoncée et quelles en sont les grandes lignes ?
Julie Marty. Il y a un peu moins d’un an, en juillet 2024, la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) nous a fait part de son projet de refonte globale des diplômes d’Etat dans le champ du social. Cela concerne celui d’Assistant de Service Social (DEASS), de Conseiller en Économie Sociale Familiale (DECESF), d’Éducateur de Jeunes Enfants (DEEJE), d’Éducateur Spécialisé (DEES) ainsi que celui d’Éducateur Technique Spécialisé (DEETS).
Avec cette réforme, trois des quatre blocs de compétences seraient désormais communs et transférables à l’ensemble des diplômes d’Etat. Cela va à l’encontre du livre blanc du travail social, qui insistait sur la nécessité, pour les personnes accompagnées, de bien identifier le professionnel qui les suit.
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Nos métiers sont très spécifiques : je suis éducatrice de jeunes enfants, pas assistante sociale, et ce choix répond à des motivations et une formation précises. Même si nous partageons certains fondements – posture, éthique, travail en équipe – nos missions ne sont pas interchangeables. Nous ne pouvons concevoir que le travail social s’inscrive dans des logiques de productivité et d’uniformisation, au mépris de sa richesse humaine et de sa complexité.
Comment cette réforme se traduirait-elle en pratique ?
A ce jour, nous ne savons malheureusement pas grand-chose. Il a fallu attendre le mois de février 2025 pour obtenir des rendez-vous avec la DGCS. Rendez-vous au cours desquels on nous a seulement présenté le tableau Excel des nouveaux blocs de compétences.
On ne connait pas encore le nombre d’heures allouées à chaque bloc à la spécificité de chaque métier. Mais s'il se réduit, on risque d’assister à un appauvrissement des qualifications et, à long terme, à la disparition de nos métiers. C’est pourquoi nous demandons d’urgence une audience à la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, Catherine Vautrin, pour faire entendre notre voix et défendre l’importance des formations différenciées, en lien avec la réalité du terrain.
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Quelles solutions proposez-vous en retour ?
Nous demandons de conserver deux blocs de compétences spécifiques à chaque métier, notamment les blocs 3 et 4, et de ne pas les diluer dans des compétences transversales. Nous revendiquons des formations exigeantes, un accès à la formation continue pour répondre aux évolutions de notre société et aux réalités de terrain, des conditions de travail dignes et des salaires à la hauteur de nos compétences et responsabilités.
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Si elle nous est vendue comme une solution apportée à la crise d’attractivité des métiers du social, nous pensons sincèrement que cette réforme n’attirera pas davantage de candidats. Ce n’est pas en uniformisant les intitulés ou en réduisant la spécificité des formations que la reconnaissance et la valorisation viendront. Au contraire, cela pourrait mener à la disparition de nos métiers.
J’insiste, il y a une grande différence entre être « travailleur social » et « éducateur de jeunes enfants », notamment en termes d’identification et de reconnaissance. Pour nous, qui sommes attachés à notre identité professionnelle, c’est un véritable crève-cœur. Avant de réformer la formation, il faudrait d’abord améliorer les conditions d’exercice, qui sont au cœur de la crise d’attractivité du secteur.
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* les signataires sont l’AFORMEJE, l’ANAS, la CGT, France ESF, FNEJE, l’Interrégionale des formatrices et formateurs en travail social, le SNPPE, le SNUASFP FSU, Sud Santé sociaux.