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Recrutement : les ESMS doivent se réinventer pour attirer

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Human Hand Attracting Human Figures With Horseshoe Magnet

Photo d'illustration.

Crédit photo Andrey Popov - stock.adobe.com
Alors que la crise sanitaire a placé sous les projecteurs les métiers du soin et conduit nombre de candidats à vouloir trouver du sens dans leur travail, les employeurs du secteur médico-social multiplient les initiatives pour rendre leurs offres plus attractives.

Dans les starting-blocks. Depuis plusieurs semaines, l’équipe de l’ADMR de Seine-Maritime est sur le pont : les réunions d’information s’enchaînent, au plus proche du terrain, et notamment dans les zones rurales. Objectifs ? Faire connaître les offres d’emploi du secteur qui manque cruellement de bras à l’approche du recrutement de la deuxième promotion des futurs diplômés de l’« Académie » créée par la structure. A partir de janvier prochain, les candidats sélectionnés sur leur motivation suivront une formation ad hoc de trois mois pour décrocher le titre professionnel d’assistant de vie aux familles, suivie d’un stage dans une des antennes du département. Avec, cerise sur le gâteau, un contrat à durée indéterminée (CDI) à la clé. « ça change tout, sourit Olivier Savier, le directeur, qui n’hésite pas à mettre en avant les témoignages des 30 diplômés de la première promotion en train de faire leurs premiers pas. J’ai notamment été touché par une femme de 45 ans qui vient de signer le premier CDI de sa vie professionnelle ! » Le développement de cette expérimentation pourrait à terme permettre de pourvoir une centaine de postes par an.

L’ADMR de Seine-Maritime n’est d’ailleurs pas la seule structure associative à chercher à réinventer ses méthodes de recrutement… En Indre-et-Loire comme dans l’Aube, des initiatives identiques voient le jour dans le cadre de partenariats qui associent organismes de formation et Pôle emploi. Une première étape vers la généralisation des académies poussée par l’organisation au niveau national. « C’est l’un des axes forts de toute notre réflexion autour de la marque employeur », explique Laurence Jacquon, directrice adjointe de l’Union nationale des ADMR, prête à dégainer ce concept clé déployé dans les entreprises privées mais encore très peu présent dans les structures associatives.

 

Lever les blocages

Les enjeux sont de taille : comment présenter ces métiers qui souffrent d’une mauvaise image mais parfois surtout d’un manque de connaissance auprès d’un public qui pourrait pourtant s’y accomplir ? « Partout, des Ehpad à l’aide à domicile en passant par l’éducation populaire ou la culture, nous n’arrivons pas à pourvoir les postes proposés », se désole Hugues Vidor, président de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes). L’urgence invite, plus que jamais, à s’affranchir des conventions… « A condition que ce soit tout sauf de la com’ », met en garde Charlotte Ballero, directrice des ressources humaines de la Croix-Rouge. Si elle souhaite prêter elle aussi main-forte à cet effort de conquête, elle se refuse à travestir la réalité de ces métiers et les conditions de travail qui, avec les questions salariales, constituent, selon les employeurs, les principaux points de blocage.

La revalorisation promise peine en effet à se concrétiser. Pire : tout le monde n’a pas bénéficié du coup de pouce salarial issu du Ségur de la santé… Dans l’attente d’un déblocage de la situation, l’Union nationale des ADMR a mis en place des dispositifs améliorant le pouvoir d’achat des salariés. « Nous avons par exemple conclu des accords avec des garages solidaires qui offrent à nos collaborateurs des prix attractifs. Nous proposons aussi une offre de services marchands pour lesquels les prestataires retenus proposent eux aussi des réductions », détaille Laurence Jacquon.

Dans un style très différent, façon coup de poing, la campagne de communication digitale « #Pourquoi pas moi ? » lancée sur Facebook et Twitter par Nexem et la Fehap, vise à sensibiliser le grand public à ce traitement inégalitaire… tout en faisant la promotion de tous ces métiers essentiels. Tout comme les vidéos diffusées par la Croix-Rouge sur son site ou les affiches placardées sur les Abripbus de Challans (Vendée) et ses environs qui mettent en évidence les besoins des Ehpad de proximité, une action mise en place par les responsables locaux de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa). Pour encourager les vocations, les employeurs sont aussi de plus en plus nombreux à miser sur l’accueil de stagiaires dès la classe de 3e et d’alternants en contrat d’apprentissage et de professionnalisation, nouveau champ de conquête du service médico-social.

« Ce travail, tout comme l’effort de formation du secteur qui dépense 2,4 % de sa masse salariale à la montée en compétences de ses salariés, est important mais il ne fait pas tout, reconnaît Stéphanie Duvert, directrice des affaires sociales de Nexem. Il faut aider les gens à se projeter, leur donner des perspectives de carrière qui vont au-delà de la possibilité de décrocher un premier contrat. » Dans cette optique, les spéculations vont bon train sur la construction de parcours professionnels qui permettraient, grâce à un accompagnement et à une formation adaptée, une évolution de carrière. Et si la proposition du rapport de Myriam El Khomri sur le grand âge rendu en octobre 2019(1) mettait l’accent sur la création d’un statut de cadre aide-soignant, force est de constater que les principales personnes concernées attendent toujours cette mesure… « Nous devons également prendre en compte de nouveaux paramètres dus à l’évolution de nos métiers : aujourd’hui, les postes d’encadrement sont, dans la plupart de nos structures, occupés par les collaborateurs qui ont souvent une première expérience dans un autre domaine ou qui ont des compétences pointues », observe Hugues Vidor.

 

Création de parcours

D’où le cheminement de ces dernières années vers la création de passerelles autorisant une évolution non plus hiérarchique mais horizontale. « L’idée serait de mettre en évidence des passerelles pour, après une première expérience par exemple dans le secteur de l’aide à domicile, rejoindre un Ehpad, illustre Stéphanie Duvert. Pour que cela devienne effectif, nous devons faire évoluer les classifications, ce qui n’est pas un mince chantier[2]. Nous sommes dans un secteur qui reste trop cloisonné et nous devons faire évoluer les mentalités. » Sans pouvoir s’affranchir complètement de ces limites, Adecco Medical expérimente la possibilité de mobiliser la validation des acquis de l’expérience (VAE) d’aides-soignants pour accélérer l’arrivée de professionnels dans les établissements de santé en tension en accompagnant les candidats qui ont une première expérience dans ce milieu des soins mais pas les diplômes requis. La reconnaissance de compétences déjà acquises permet en effet de gagner du temps. Et les 15 premiers volontaires, recrutés en CDI intérimaires, entrés dans ce nouveau dispositif le 2 novembre dernier devraient être opérationnels en janvier prochain.

« Au-delà de cette expérimentation, nous avons aussi réfléchi à la manière dont nous pourrions encourager les passerelles entre le secteur libéral et les établissements de soin, via l’offre de vacations temporaires ou régulières dans les hôpitaux, les cliniques ou les Ehpad, souligne Nicolas Vial, directeur général des opérations d’Adecco Medical. L’organisation professionnelle Nexem s’est elle aussi jetée à l’eau en proposant des offres de mobilité temporaire. « C’est une façon pour les volontaires de découvrir d’autres méthodes de travail, d’autres ambiances et donc de se sentir valorisés », pointe Stéphanie Duvert. A l’ADMR de Seine-Maritime, c’est la mobilité territoriale qui fait l’objet d’une réflexion approfondie avec en ligne de mire la possibilité de proposer un « package » complet aux candidats comprenant, outre une offre d’emploi, un logement et une aide au déménagement.

Renouveau managérial

Autre chantier qui fait l’objet de multiples attentions de la part des employeurs : la qualité de vie au travail. Cela passe par la possibilité de planifier à l’avance les emplois du temps afin de proposer un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, des formations dans les Ehpad aux gestes sur les postures ou à la gestion du stress. La qualité d’intégration des personnels est aussi au centre des réflexions. « Nous avons également initié une politique de reconnaissance du droit à l’erreur », poursuit la responsable de Nexem. Une façon d’encourager les salariés à prendre des initiatives, voire à assumer davantage d’autonomie.

Les travaux menés par deux chercheurs de l’Institut d’administration des entreprises de l’université Lyon III – Renaud Petit et Véronique Zardet – ont montré par exemple que dans les Ehpad, l’implication du personnel, et donc la mise en place de méthodes de management plus participatives, compte parmi les pistes pour améliorer le recrutement, mais aussi la fidélisation des personnels et principalement des aides-soignants. Ce que réclame depuis des années Guillaume Gontard, le président de la Fédération nationale des associations d’aides-soignants (Fnaas). « Nous demandons une définition de notre rôle en propre car aujourd’hui nous dépendons des infirmiers alors que nous souhaiterions avoir plus de responsabilité. »

Ces transformations débouchent généralement sur des changements de modèles managériaux, comme l’expérimentent au jour le jour de nombreuses structures. « Il nous faut faire preuve d’agilité », résume Murielle Jamot, directrice des métiers et opérations de la Croix-Rouge, qui, comme la totalité de ses confrères, espère que toutes les initiatives mises en place sur le terrain tout comme la redécouverte de l’importance de tous ces métiers des première et deuxième lignes pourront donner un nouvel élan à ces secteurs. « Je reçois aujourd’hui de nombreux professionnels qui envisagent de se reconvertir vers des métiers dans lesquels ils vont pouvoir se rendre utile », pointe Anne-Marie Lardreau, conseillère au centre d’information et de documentation jeunesse, plus habituée à orienter des lycéens que des salariés en activité. Un premier rayon de soleil ?

 

(1) Voir ASH n° 3135 du 22-11-19, p. 6.

(2) Voir notre « Evénement » sur les conventions collectives, p. 6.

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