Alors que le nombre de personnes mal logées s'élève à 4 millions en France, « le logement n’aura pas été une priorité de l’exécutif au cours de ce mandat », a déploré Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre (FAP) lors de la conférence de presse de présentation du 27e rapport sur l’état du mal-logement en France. Publié le 1er février, le document dresse un bilan alarmant du quinquennat présidentiel. En premier lieu, une baisse dans la construction de logements sociaux : 87 000 HLM agréés en 2020 contre près de 125 000 en 2017. « L’année 2021 ne semble guère meilleure, avec environ 95 000 logements sociaux financés », précise le rapport. A minima, il en faudrait 400 000 pour couvrir les besoins.
Cette pénurie explique, en grande partie, l’engorgement de l’hébergement d’urgence, et ce malgré la création de 40 000 places supplémentaires durant la crise sanitaire. En décembre 2021, près de 4 000 personnes appelaient chaque soir en vain le 115 faute de places. « Ce chiffre important ne reflète pas le besoin réel, puisque d’après la dernière enquête de la Fédération des Samu sociaux, 80 % des personnes à la rue rencontrées par les maraudes n’avaient pas appelé le 115 ce jour-là », souligne le rapport.
Plus de 2 millions de personnes en attente de logement
Actuellement, 2,2 millions de ménages sont en attente d'un logement. Aussi, la Fondation Abbé-Pierre rappelle l’importance d'une loi de programmation pluriannuelle, budgétée par la prochaine loi de finances. Afin de lutter contre le sans-abrisme, qui touche 300 000 personnes, elle souhaite voir se généraliser le plan pour le Logement d’abord, mis en place par le gouvernement en 2018. « Chez les professionnels, le dispositif ne génère pas de grand enthousiasme. Il reste sur un rythme d’expérimentations qui ne sont pas toujours pérennisées. Souvent, le Logement d’abord est présenté comme une filière supplémentaire », pointe Manuel Domergue, directeur des études de la fondation.
Hausse de la pauvreté et des inégalités
Le mal-logement tient aussi à l’évolution de la précarité. Entre 2017 et 2020, 300 000 personnes sont entrées dans la pauvreté (1) et 10 % d’inscriptions supplémentaires sont enregistrées pour les distributions d’aide alimentaire aux Restos du cœur pour l’hiver 2022. Si les effets de la crise sanitaire sont aussi responsables de la tendance, « la hausse de la pauvreté et des inégalités en 2018 s’explique clairement par les premières mesures fiscales et budgétaires de la nouvelles majorité, avec des coupes dans les prestations sociales des classes populaires, d’un côté, et des cadeaux fiscaux pour les plus aisés, de l’autre », rappelle la FAP.
Revoir prestations et minima sociaux
Si les mesures de soutien prises durant la crise ont bien protégé les salariés en emploi stable, les travailleurs précaires ont été lésés. « En cinq ans, les mesures fiscales et budgétaires ont amélioré le niveau de vie de tous les Français sauf les 5 % les plus pauvres », rapporte une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP). Les jeunes, les habitants des quartiers populaires et les personnes exilées représentent les personnes majoritairement concernées. « Une situation aggravée par le renchérissement du coût du logement et la récente réforme des aides personnalisées au logement (APL), qui a surtout pénalisé les jeunes actifs dont les revenus sont proches du Smic, et de l’assurance chômage qui affecte particulièrement les titulaires de contrats courts. »
La Fondation Abbé-Pierre recommande de réformer les prestations et les minima sociaux en prenant appui sur les travaux de préfiguration du revenu universel d’activité (RUA) qui n’a jamais vu le jour. Elle préconise, par ailleurs, une réévaluation du montant des APL.
(1) Chiffre Insee : Institut national de la statistique et des études économiques.