Alors que 12 millions de personnes souffrent encore de précarité énergétique en France, une vingtaine d'organisations associée à des collectivités territoriales, des associations et des parlementaires, ont multipié les actions, mardi 12 novembre, pour mobiliser face à cette urgence sociale : « avec l’accroissement de la pauvreté, la mauvaise qualité thermique de millions de logements et l’augmentation des coûts de l’énergie et des loyers, de plus en plus de ménages n’ont pas les moyens ou ne parviennent pas à chauffer leur logement correctement. »
Une situation dont l’ampleur augmente au fil du temps. 30 % des ménages déclarent avoir souffert du froid en 2024, contre 14 % en 2020 (chiffres Médiateur national de l’énergie). 42 % des individus indiquent, quant à eux, avoir souffert de la chaleur au sein de leur domicile. Et 10 350 décès par an seraient imputés à la précarité énergétique (France Stratégie, 2022).
4,8 millions de « passoires thermiques »
En 2023, 4,8 millions de logements étaient qualifiés de « passoires thermiques », dont 60 % étaient en location. « Il s’agit de logements impossibles à chauffer ou à refroidir sans se ruiner. La sécurité, la vie sociale, la santé mentale ou l’isolement sont autant de conséquences subies par les résidents ! », affirme Christophe Robert, délégué général de la fondation Abbé Pierre, lors d’une conférence de presse organisée pour la journée nationale.
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- 1,6 milliards d’euros en 2025
Pourtant, le financement de la rénovation énergétique baisse. Alors que 4 milliards d’euros de budget étaient prévus par le Projet de loi de finances (PLF) pour 2024, le PLF en discussion actuellement réduit la voilure. Le gouvernement entend rogner de 1,6 milliards d’euros les crédits pour 2025, les montants alloués pour 2024 n’ayant pas été dépensés durant l’année.
« Cette façon de penser est illogique », argue Damien Barbosa, coordinateur du collectif Rénovons. « Pourquoi les ménages ne se sont pas saisis du dispositif gouvernemental Ma Prime Rénov’ ? Parce qu’ils sont perdus ! Il y a un manque de confiance envers ce marché où le « stop and go » est courant. Le niveau de financement doit être identique à celui de l’an dernier » !
Pour sa part, dans un communiqué de presse, l’Uniopss demande « la réintroduction dans le projet de loi de finances des 4 milliards d’euros initialement dédiés à MaPrimeRénov'(1) pour le parc privé en 2024 (réduits à 2,5 milliards d’euros dans le PLF 2025). Il convient également que le soutien prévu au départ par l’État aux bailleurs sociaux pour la rénovation énergétique de leur parc soit maintenu ».
Revoir les modalités du chèque énergie
Une réalité à laquelle s’ajoutent des modalités d’octroi inadaptées du chèque énergie, dont 5,6 millions de ménages bénéficient. D’un montant moyen de 149 euros, ce dernier est attribué aux familles modestes pour une aide au paiement de leurs factures d’énergie et permet de régler des travaux de rénovation énergétique. « Nous appelons au triplement du montant et à l’élargissement du nombre de bénéficiaires. Car même les classes moyennes inférieures souffrent », pointe Christophe Robert. « Son versement automatique pourrait disparaitre à la suite d’un arbitrage gouvernemental monté discrètement dans le PLF ». En clair, la suppression définitive de la taxe d’habitation empêche les services fiscaux d’identifier les nouveaux ménages qui pourraient être éligibles au chèques énergie. Dans ce contexte, en 2024, le gouvernement continue d’envoyer la prestation aux mêmes bénéficiaires qu’en 2023. Pour les autres, si une plateforme d’inscription en ligne a été ouverte, seuls 120 000 ménages ont demandé de l’aide.
Résultat : le taux de recours s’évalue entre 3 et 12 %, contre 83 % en 2023. « Nous demandons de ne tenir compte que d’un seul critère, celui de prendre en compte le revenu fiscal de référence pour obtenir le chèque énergie en attendant qu’une solution technique d’identification par le logement soit trouvée », poursuit Christophe Robert.
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600 000 logements rénovés chaque année
En parallèle, pour 2023, un million de coupures ou de réduction de puissance énergétique pour impayés de facture est recensé. Une augmentation de 40 % par rapport à 2019. Les préconisations des organisations engagées dans la lutte contre la précarité énergétique souhaitent voir inscrire dans la loi l’interdiction des coupures d’électricité durant toute l’année.
Plus globalement, lancé le 5 novembre par le gouvernement, la concertation publique sur la 3ème Stratégie nationale bas-carbone (SNBC 3) et la nouvelle Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) fixe une nouvelle priorité : décarboner le chauffage résidentiel et maîtriser le coût des projets d’autoconsommation solaire. Le document prévoit les rénovations d’ampleur de 600 000 logements par an en moyenne d’ici à 2030. « Coupler les politiques de lutte contre la précarité énergétique avec les politiques de lutte contre l’habitat indigne se révèle essentiel », conclut le délégué général de la fondation.
(1)Lancé en janvier 2020, le dispositif MaPrimeRenov’, a permis de réaliser 570 000 actions de rénovation énergétique parmi lesquelles 70 000 rénovations globales. Elles représentaient un budget de 2,7 milliards d’euros d’aides.
>> Découvrir le dossier de presse de la journée de lutte contre la précarité énergétique
[Mal-logement]
— ANIL (@Anil_Officiel) November 8, 2024
La @Fondation_AP et l’ADIL unissent leurs ressources pour mieux accompagner les personnes en situation de précarité dans l'accès au logement.
Matthieu Hoarau, Directeur de la Fondation Abbé Pierre à La Réunion nous en dit plus. pic.twitter.com/B5jgmcnABP