Sale temps pour l’IAE ! Les structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) ont beau avoir échappé à la menace d’une hausse des cotisations sur les bas salaires, qui planait lors de la précédente itération du budget devant le Parlement en novembre 2024, elles n’en sont pas moins ressorties douchées de leur rendez-vous du 12 février avec Astrid Panosyan-Bouvet, la ministre déléguée du travail.
La raison ? Les sévères coups de rabot qui se profilent en 2025 pour les quelque 4 600 entreprises, ateliers, chantiers et autres structures de l’IAE qui accompagnent annuellement près de 300 000 personnes éloignées de l’emploi.
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Les aides au poste amputées de 50 millions
Dans le détail, le ministère du Travail – lui-même déjà fortement affecté par les réductions budgétaires prévues en 2025, avec une enveloppe amputée de 4,2 milliards par rapport à 2024 – devrait réduire la voilure sur les aides au poste des SIAE de 50 millions d’euros cette année.
Si, au premier regard, cette économie peut sembler dérisoire par rapport au 1,36 milliard dédié à l’IAE dans le projet de loi de finances (PLF) 2025, la réalité est plus complexe. « 50 millions en moins, ce sont 11 000 entrées en parcours d’insertion en moins », traduit Laurent Pinet, président du réseau Coorace.
La situation est d’autant plus critique pour les structures employeuses que les dotations pour l’IAE inscrites au budget de cette année ne devraient pas leur permettre, selon le calcul des têtes de réseaux, de compenser la dernière hausse du Smic (+ 2 %) survenue en novembre 2024, à l’heure où, par ailleurs, aucune solution de consolidation n’est pour l’instant prévue au titre du fonds de développement pour l’inclusion (FDI). Et que, elles-mêmes impactées par des budgets en baisse, de nombreuses collectivités départementales ou régionales ont déjà sabré dans les budgets qu’elles consacrent habituellement au reliquat de la compensation de ces aides au poste.
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Cerise sur le gâteau, à la suite de cette rencontre entre le collectif IAE et la ministre du Travail, l’incertitude demeure toujours sur l’usage à venir du « fonds de réserve » de l’IAE que son ministère conserve habituellement chaque année en guise de poire pour la soif. Son montant pourrait se situer, cette année, quelque part entre 70 et 125 millions dont les structures de l’IAE et les associations risquent de ne pas voir la couleur...
Moins 30 % sur le PIC IAE
L’autre coupe franche annoncée concerne le volet du plan d’investissement dans les compétences dédié à l’IAE. Cette année, les structures d’insertion devront vraisemblablement se contenter de 70 millions d’euros. Soit 30 % en moins par rapport aux 100 millions dont elles avaient bénéficié en 2023.
Et, là encore, la baisse risque de se payer cash, avec une chute des entrées de formation d’environ 30 000, tous réseaux confondus. « A cause de l’incertitude qui a pesé sur le PLF ces derniers temps, tous les budgets relatifs au PIC IAE [plan d'investissement dans les compétences de l'IAE] sont bloqués, de nombreuses structures ne peuvent pas engager de nouvelles formations depuis janvier. Par ailleurs, il existe souvent un délai entre le vote du budget et les versements aux associations. Cette année, on demande au ministère qu'elles aient lieu le plus rapidement possible avec rétroactivité sur les dépenses déjà engagées par les associations sur leurs fonds propres », plaide Antoine Laurent, délégué général de la Fédération des entreprises d’insertion (FEI). Une requête qui vise surtout à ne pas empirer la situation financière des structures d’insertion, dont près de la moitié rencontrent déjà des difficultés économiques et se retrouvent ainsi en danger de disparition. L'an dernier, ce sont ainsi près de 856 structues de l'ESS qui ont ainsi mis la clé sous la porte, laissant plusieurs milliers de bénéficiaires sur le carreau.
Une place incertaine
« Le gouvernement veut lutter contre le chômage avec la loi sur le plein emploi, mais il néglige le secteur de l’IAE qui constitue pourtant un outil précieux, c’est un paradoxe », soupire Nathalie Latour, directrice générale de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). L’incompréhension règne également sur la place que l’IAE pourra occuper dans la réforme de France travail, notamment en soutien des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), automatiquement inscrits dans les fichiers de l’opérateur public de l’emploi depuis le 1er janvier.
En dépit de son expérience auprès des publics en décrochage, l’IAE ne représente que 6 à 7 % de l’accompagnement des allocataires du RSA. Et les dernières rencontres entre les têtes de réseaux et la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) confirment qu’elle ne fait pas partie des acteurs identifiés pour accompagner les signataires d’un contrat d’engagement durant les 15 heures d’activité obligatoires auxquelles ils sont soumis. Même si par ailleurs, elle est bien reconnue comme l’une des « solutions structurantes » de la réforme France travail aux côtés d’autres structures, comme les écoles de la deuxième chance ou l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » (TZCLD).
Au sein du collectif IAE, on redoute d’ailleurs que les structures d’insertion ne soient, à terme, mises en concurrence avec France travail… sans disposer des mêmes budgets, ni du même périmètre.
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Nouvelle proposition politique
Il y a donc, selon ses acteurs, urgence pour l’IAE à retrouver sa place dans le champ de l’insertion, voire à renouveler sa définition de ce que doit être l’insertion par l’activité économique. C’est un travail auquel se sont attelées les différentes têtes de réseaux, dont les résultats sont attendus les prochaines semaines.
De ces cogitations devrait naître « une nouvelle proposition politique pour l’IAE », annonce Dominique Hays, président du Réseau Cocagne. « Rien de forcément révolutionnaire », à l’en croire. Mais, à minima, la production d’un certain nombre d’orientations stratégiques sur le positionnement de l’IAE et son rôle dans le développement territorial, environnemental et social.
Un corpus doctrinal que les différents réseaux entendent bien porter au niveau des pouvoirs publics et des grandes directions de l’Etat comme les DREETS et des DEETS, mais aussi des collectivités territoriales, au cours d’actions de lobbying qui pourraient bien commencer dès les municipales 2026…