Genre, addiction et précarité. Une « triple problématique » que le projet MAAA’Elles (missions d’accompagnement et d’accueil-addictions pour elles) entend mettre en lumière. Lancé par la Fédération addiction et la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) en 2021, le dispositif expérimental vise à améliorer l’accompagnement des femmes à la fois en situation d’addiction et de grande précarité au sein des accueils de jour. « Il s’agit d’une toute petite niche, contextualise Fanny Guémert, ancienne chargée de projets « addiction et précarité » à la FAS. Dans les accueils de jour mixtes, les femmes représentent moins de 25 % du public, moins de 10 % dans certaines structures. Ce nombre se réduit encore lorsque l’on prend en compte les conduites d’addiction repérées. »
Nombreuses à ne pas recourir à l’hébergement pour se protéger des violences, les accueils de jour peuvent se révéler des lieux de contact plus propices pour ces femmes, souligne la FAS. Après avoir sondé les acteurs de terrain, les fondations ont sélectionné six centres mixtes et non mixtes pour participer au projet. Des formations ont été proposées aux professionnels et les structures ont pu mener les actions qui leur semblaient les plus pertinentes. Des outils autour de la médiation artistique ou de la médiation par le corps ont ainsi vu le jour. En plus d’un atelier boxe, l’accueil de jour du Groupe amitié fraternité à Toulouse a par exemple créé un espace artistique. « C’est un lieu où les femmes se retrouvent quand la salle d’accueil, où elles sont parfois confrontées à des regards insistants et à des remarques, devient trop oppressante », rapporte Valérie Gonzalez, la responsable. L’accueil de jour de l’association Paola Solidarités à Fréjus a, de son côté, mis en place une « journée cocooning » en collaborant avec un centre de formation d’apprentis. « Les femmes ont pu se faire coiffer et déjeuner au restaurant d’application », détaille Erica Roussel, la psychologue clinicienne.
Plus de légitimité
Le projet a vocation à sensibiliser les professionnels sur la spécificité des problématiques d’addiction chez les femmes. « Beaucoup ont pris conscience qu’il existe une différence entre aborder la question des consommations avec une femme et avec un homme, surtout s’il y a des enfants ou une grossesse, analyse Fanny Guémert. Le repérage est également différent car les signes sont davantage cachés chez les femmes. » Lors d’une conférence sur le bilan du dispositif, Marie-Alice Bougon, cheffe de service de l’accueil de jour et du CHRS Femmes de paroles à Strasbourg, pointe une « thématique relativement taboue auprès des femmes ». « Le projet nous a donné une légitimité pour aborder certains sujets, expose-t-elle. Nous avons aussi réalisé qu’il était temps de réactiver ou de renforcer certains partenariats. »
Si les actions mises en œuvre permettent aux professionnels de rencontrer ce public autrement, elles s’imbriquent parfois difficilement au travail quotidien. « C’est un beau projet, mais qui reste difficile à appliquer, confie Erica Roussel. Nos agents d’accueil sont des contrats aidés, il y a beaucoup de turn-over et nous sommes en sous-effectif. Nous avons souvent d’autres priorités à gérer avant de s’occuper du repérage. »
Afin de laisser une trace des « actions les plus probantes », les fédérations doivent réalisées des fiches détaillant le contexte de leur mise en place et les moyens déployés.