Quel est le principal changement de la nouvelle méthode d’évaluation ?
L’innovation majeure – ou, tout du moins, la philosophie qui sous-tend le référentiel et à laquelle la formation entend sensibiliser les professionnels – est avant tout méthodologique. L’évaluation s’appuie sur une méthode d’analyse de la qualité nommée « acteur-traceur ». Concrètement, dès son arrivée dans la structure, l’évaluateur va identifier des acteurs qui vont devenir des traceurs – des témoins – pour chacun des trois chapitres de l’évaluation : les usagers, les professionnels et la gouvernance de l’établissement. Durant sa visite, l’évaluateur va les suivre au quotidien, observer leurs missions et s’entretenir avec eux autour des attendus du référentiel. Evidemment, notre objectif n’est pas de former les professionnels aux bonnes réponses à apporter lors de ces entretiens, ce qui ne présenterait aucun intérêt, mais plutôt de s’assurer qu’ils comprennent les attendus de ce nouveau document et qu’ils se saisissent du temps de préparation qui précède l’évaluation externe pour se montrer réflexifs sur leur pratique. En ce sens, notre formation s’appuie sur les quatre valeurs fondamentales définies par la Haute Autorité de santé (HAS) : le pouvoir d’agir de la personne accompagnée, le respect de ses droits fondamentaux, l’approche inclusive de son accompagnement et la réflexion éthique des professionnels. La fréquence d’évaluation change également, passant de sept à cinq ans. Un rythme davantage porteur de sens pour les ESSMS, car il correspond notamment à celui de la réécriture du projet d’établissement.
Comment la formation se déroule-t-elle ?
Cette formation relève d’une logique institutionnelle donc elle s’adresse à tous les professionnels qui œuvrent au quotidien auprès des publics à titre thérapeutique, éducatif et pédagogique. Nos formateurs se rendent directement sur place pour animer des ateliers avec des groupes de 10 à 20 personnes. Le coût et la durée des sessions dépendent de la taille de l’institution et de son niveau d’avancement dans l’élaboration de sa démarche qualité. A l’évidence, les besoins sont très différents entre un établissement et service d’aide par le travail (Esat), un institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (Itep) et un service d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad). Notre philosophie est de faire du sur-mesure en s’adaptant à la taille des équipes et à leurs spécificités (ambulatoire, internat, milieu ouvert…). En revanche, si les projets de services varient selon les structures, les éléments de méthode pour l’évaluation sont les mêmes pour toutes car ce socle commun va permettre d’harmoniser la qualité de la prise en charge partout sur le territoire.
L’amélioration de la prise en charge, justement, est souvent associée au développement du pouvoir d’agir des usagers. Comment le garantir ?
En premier lieu, l’émancipation d’une personne, quelle qu’elle soit, passe par la connaissance de ses droits. C’est pourquoi il est fondamental que les droits de la personne accompagnée soient au cœur de son accompagnement et que les équipes s’assurent qu’elle en est informée. Ensuite, les travailleurs sociaux doivent garantir avec l’usager la co-construction de son projet. Concrètement, recueillir l’avis de l’usager ne suffit pas. Leur mission est de s’assurer de son adhésion tout au long de la prise en charge en effectuant des points d’étapes et en ajustant, si nécessaire, ses perspectives d’évolution. Pour finir, la réussite d’un projet d’accompagnement passe inévitablement par la fluidité et la continuité du parcours de la personne. Lesquelles dépendent des rapports entre les différents acteurs qui gravitent autour de l’usager : partenariat, réseau, famille. Les équipes doivent préparer au mieux les moments de rupture que l’usager rencontre (notamment lors d’une orientation), mobiliser les partenariats nécessaires pour favoriser la transition, et s’assurer du partage d’informations lors des réunions de coordination.
Comment impliquer davantage les professionnels dans la démarche qualité de leur institution ?
Leur participation à l’élaboration du projet d’établissement ainsi qu’à son évaluation permet de garantir que les travailleurs sociaux donnent du sens à leurs pratiques. Il est essentiel que les formes de management des ESSMS évoluent vers des méthodes plus participatives. C’est la raison pour laquelle le pouvoir d’agir des professionnels doit, lui aussi, être favorisé. La prise d’initiative tout comme la création de temps dédiés à la rétroaction et l’autoévaluation doivent être encouragées au sein de l’institution. A titre d’exemple, si une équipe décide, avec l’aval de sa direction, d’expérimenter un café des parents, elle doit avoir la possibilité de l’inscrire dans le projet de service si l’expérience est une réussite. Les récents travaux de Denis Piveteau sur la transformation du secteur social, et notamment son dernier rapport de février 2022 intitulé « Experts, acteurs, ensemble… pour une société qui change », démontrent la nécessité de développer la capacité d’entreprendre à tous les niveaux de l’institution.
Comment l’évaluation externe se déroule-t-elle, et qui en a la charge ?
Des cabinets externes d’évaluation sont accrédités par la HAS. A son arrivée dans la structure, l’évaluateur va prendre connaissance du système documentaire et de la littérature de l’institution (projet d’établissement ou de service, rapport d’activité, comptes rendus…). La méthodologie de l’« acteur-traceur » permet de se focaliser sur certains éléments. A titre d’exemple, avec l’ancien modèle, l’évaluateur cherchait à savoir s’il existait ou non un conseil de la vie sociale (CVS). Aujourd’hui, ce n’est plus suffisant. La méthodologie va permettre de définir un usager du CVS comme acteur-traceur pour l’explorer de l’intérieur : comment il s’organise, ce qu’en disent les usagers, quelle place occupe le pouvoir d’agir dans les décisions qui y sont prises… Neuf thématiques centrales organisent l’évaluation : l’accompagnement à la santé ; celui à l’autonomie ; la co-construction et la personnalisation du projet d’accompagnement ; les droits de la personne accompagnée ; son expression et sa participation ; la bientraitance et l’éthique ; la continuité et la fluidité des parcours ; la politique de ressources humaines ; et la démarche de qualité et de gestion des risques de l’ESSMS. Pour l’heure, il est impossible de préjuger des conséquences d’une évaluation non réussie. Le législateur indique qu’elles pourraient aller jusqu’à la perte de l’agrément pour les structures défaillantes. Mais l’objectif est davantage de fixer un cadre commun pour insuffler une mise au travail des structures. En ce sens, le référentiel comprend 18 critères dits « impératifs », correspondant à des exigences qui, si elles ne sont pas satisfaites, impliquent la mise en place d’actions spécifiques dans la continuité immédiate de la visite d’évaluation.
Comment les établissements perçoivent-ils ce nouveau référentiel ?
En l’occurrence, les directeurs généraux d’associations gestionnaires avec lesquels j’échange pour préparer la formation de leurs équipes apprécient d’avoir un calendrier clair pour pouvoir anticiper. L’autorité de contrôle a pris le soin de donner des dates à chaque établissement dans la plupart des régions. Conçu par une communauté composée de professionnels du secteur social et médico-social, de personnes accompagnées ou de leurs représentants, ce référentiel a mis trois ans à advenir. En conséquence, le processus qui mène à l’évaluation externe ne doit pas être abordé comme une contrainte administrative mais, au contraire, comme une formidable opportunité de penser autrement nos modes d’organisation et de s’approprier de nouvelles formes de gouvernance au sein des ESSMS.