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Apprentissage : les établissements s'adaptent à l'alternance

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Crédit photo Marta NASCIMENTO
Il s’agit d’une véritable explosion. Longtemps marginal dans les secteurs sanitaire, social et médico-social, l’apprentissage s’y développe à la vitesse grand V. Faisant naître à la fois espoirs et craintes.

La situation semblait paradoxale. Dans les secteurs du social et du médico-social, en forte recherche de personnel formé et diplômé et où, qui plus est, la transmission du savoir par le « faire » représente la règle, les formations en alternance se montraient peu présentes jusqu’à ces dernières années. Promulguée en 2018 puis suivie d’accords de branche favorisant l’alternance, la réforme de la formation professionnelle opérée par la « loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel » a levé la plupart des freins bloquant l’accès à ce mode d’enseignement dans des ESMS (établissements sociaux et médico-sociaux) confrontés à une crise de vocation et de fidélisation sans précédent. Et ce, en faisant sauter un verrou essentiel : celui du financement.

Non assujetties à la taxe d’apprentissage, les associations à but non lucratif ne pouvaient pas, avant la loi, bénéficier de la prise en charge des coûts pédagogiques. « Nous comptions très peu d’apprentis. La branche avait labellisé certains centres de formation d’appren­tis (CFA) préparant plusieurs diplômes (assistants sociaux, infirmiers, moniteurs-éducateurs…), et des établissements finançaient des formations essentiellement sur leurs fonds propres, explique Sylviane Leclercq, responsable de l’alternance et des partenariats à l’ Opco Santé, l’un des opérateurs de compétences du secteur. Avec la réforme, le nombre de contrats a considérablement augmenté. » Autre « coup de pouce » de taille : votées dans le cadre du plan de relance post-pandémie, les aides à l’alternance sont passées de 5 000 € à 8 000 € par apprenti, en fonction de son âge. Autant de soutiens qui se traduisent dans les chiffres. « Le recours à l’apprentissage dans les métiers de la cohésion sociale a explosé. Nous avons enregistré une hausse de 320 % des contrats entre 2019 et 2021 », constate Jean-Christophe Boulanger, chargé de l’alternance pour Uniformation, l’Opco des métiers de la cohésion sociale.

Au-delà du volet financier, d’autres obstacles persistaient. En premier lieu, l’image de l’apprentissage, toujours victime de certains préjugés. Pour beaucoup d’employeurs, cette voie reste réservée aux métiers de bouche ou de l’industrie et/ou à des jeunes qui ne réussissent pas à l’école. Un frein qui, à grands renforts d’une communication orchestrée par les branches professionnelles et les opérateurs de compétences concernés, semble se lever peu à peu.

Formation et employeurs se rapprochent

Compte aussi la création de formations mieux réparties sur le territoire et donc davantage accessibles, y compris dans des zones rurales. La réponse aux besoins de recrutement des employeurs de petite taille, qui ne peuvent pas accueillir des bataillons d’apprentis, est une des préoccupations du secteur. La tendance étant de faciliter la gestion administrative et de ressources humaines en créant une structure centralisée et en proposant des unités de formation d’apprentis (UFA) dans une région donnée ou réparties sur le territoire national. C’est le cas du CFA sanitaire et social de Montpellier, créé en 2007. Géré par l’Adapss (Association pour le développement de l’apprentissage dans les professions sanitaires, sociales et médico-sociales), labellisé par la branche et bénéficiant du soutien du conseil régional d’Occitanie, il accueillait jusqu’à ces dernières années environ 200 apprentis par an. Il en intègre aujourd’hui 800, avec « le gros des troupes en formation d’éducateur spécialisé », précise Florence Breitwieser. La formation est dispensée en grande majorité « hors les murs », dans des UFA créées en partenariat avec bientôt 20 organismes de formation répartis dans la région. « Certains se rapprochent également des groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification (Geiq), qui gèrent les contrats d’apprentissage pour plusieurs établissements », note Sylviane Leclercq.

Pour les plus grands employeurs, l’idée est de créer des CFA « internes » pour former leurs propres troupes et/ou des salariés d’autres structures. Une possibilité offerte par la réforme de la formation de 2018, qui a libéralisé le marché en permettant à tout organisme de formation ou entreprise privée de proposer des cursus en apprentissage. Ce qui, tout en représentant un gage de développement, pourrait engendrer des risques – encore difficiles à cerner au vu de la nouveauté – de concurrence et de déstabilisation de l’offre. La Croix-Rouge a ainsi choisi, en janvier 2020, de créer son propre CFA et d’étendre peu à peu son offre d’apprentissage dans toutes les régions. Jusqu’alors impliquée par l’intermédiaire de partenariats avec des CFA régionaux, elle a ouvert dans ses instituts régionaux de formation sanitaire et sociale (IRFSS) des sections d’apprentissage pour former à 22 métiers. « En 2020, nous avons ouvert cette possibilité dans trois régions, avec 130 apprentis. Dès 2021, nous avons déployé l’apprentissage dans neuf régions et avons un effectif actuel de 740 jeunes en formation », détaille Marie-Luce Rouxel, directrice déléguée à la formation de la Croix-Rouge. Pour ses propres besoins mais surtout pour ceux d’autres structures.

S’adapter aux exigences des métiers

L’intégration des apprentis ne peut s’effectuer du jour au lendemain dans des établissements pas toujours suffisamment préparés. D’autant que des limites existent pour les professions dites « réglementées », qui constituent le gros des effectifs. « Pour occuper certains métiers, il faut déjà avoir le diplôme, constate Jean-Christophe Boulanger. Or, pour les métiers de l’aide à la personne par exemple, les professionnels interviennent souvent seuls. Les apprentis n’en ont pas le droit et doivent toujours être accompagnés. Il faut donc prévoir un doublon obligatoire, quand le maître d’apprentissage n’est pas présent. Cela représente un coût supplémentaire pour les structures. »

Une contrainte qui n’a échappé ni au réseau APA, spécialisé dans les services et soins à domicile, ni à l’organisme de formation Irfa-Est. Ensemble, ils ont créé le CFA Domicile Valley, implanté à Mulhouse, qui prépare une quarantaine d’apprentis aux diplômes d’assistant de vie aux familles et d’accompagnant éducatif et social. « Les apprentis doivent être en binôme en permanence, et ils travaillent également un week-end par mois, explique Marine Béringer, responsable du développement des ressources humaines du réseau. En plus du maître d’apprentissage, il fallait identifier un collaborateur dans chaque établissement pour accompagner chaque jeune, afin qu’il ait toujours un professionnel à ses côtés. Nous n’avions pas assez réfléchi à cette donnée dans nos premières promotions. » Avant de recruter de nouveaux apprentis, le CFA doit donc s’assurer que suffisamment de volontaires se proposent dans les antennes concernées. « Ils suivent une formation spécifique avant cette prise de fonction, puis ils doivent confirmer leur motivation », précise Habib Mohammedi, directeur général adjoint d’Irfa-Est.

Autre contrainte à prendre en compte : le rythme de l’alternance, qui doit anticiper les exigences des métiers de l’accompagnement. « Certains directeurs d’associations nous demandent d’adapter toujours plus nos plannings aux réalités du terrain, témoigne Yannick Moureau, directeur de l’institut de formation aux métiers éducatifs (IFME) de Nîmes. Il faut par exemple, pour les éducateurs de jeunes enfants, prévoir moins de cours à la rentrée de septembre, les apprentis devant être à ce moment décisif sur le terrain, pour prendre leurs marques et connaître les équipes. D’une manière générale, ils ne peuvent être absents de leur poste de travail sur de trop longues périodes ». Des ajustements qui nécessitent une bonne cohésion et une étroite collaboration entre l’organisme de formation et des employeurs.

Attirer des profils différents

Les bataillons d’apprentis en formation représenteront-ils demain une réponse suffisante aux besoins de recrutement des ESMS ? La question est brûlante, mais le secteur compte sur une meilleure fidélisation des nouvelles recrues, considérées comme plus « volatiles » que les précédentes générations. Réservé aux personnes âgées de 16 à 29 ans révolus, l’apprentissage permet également d’ouvrir une voie d’accès intéressante pour d’autres publics, comme les personnes ayant la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), auxquelles la loi n’impose pas de limite d’âge. Ainsi, Sébastien Lapalus, 44 ans, jusqu’alors moniteur-éducateur dans un foyer d’hébergement de l’Unapei 34, a signé un contrat d’apprentissage avec son employeur pour préparer le diplôme d’éducateur spécialisé en octobre 2021 : « Pour moi, c’était une occasion de vivre une progression professionnelle en obtenant un nouveau diplôme. Des postes d’éducateurs spécialisés devraient être proposés d’ici à trois ans, à la suite de départs en retraite, donc j’ai bon espoir de pouvoir exercer ce métier, même si rien n’est acté pour le moment. » Dans tous les cas, son contrat de travail initial n’est que « suspendu » pendant le temps de sa formation.

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