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Etablissements et services : la lutte contre les TMS, un investissement rentable

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Crédit photo auremar - stock.adobe.com
Alors que le secteur médico-social s’avère particulièrement touché par les troubles musculo-squelettiques (TMS), la prévention de ces risques demeure insuffisante. Cependant, sur le terrain, de plus en plus d’établissements et services mettent en place des démarches spécifiques. Un engagement de départ important et des bénéfices concrets.

Tous les voyants sont au rouge. Le secteur médico-social, et plus spécifiquement celui de l’aide et du soin à la personne, est particulièrement impacté par les troubles musculo-squelettiques (TMS). Leur évolution est constante depuis plus de dix ans. Ces TMS, qui touchent articulations, muscles, nerfs et tendons, constituent, selon une étude de 2019 de la Caisse nationale d’assurance maladie, 95 % des maladies professionnelles reconnues dans le secteur et 20 % des accidents du travail. Plus précisément, 60 % des arrêts de travail dans le secteur sont liés à des maux de dos. En 2020, les manutentions de résidents d’Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) représentaient 67 % des accidents du travail.

Lombalgies, tendinites, syndrome du canal carpien… Les conséquences des TMS sont lourdes pour les salariés comme pour les établissements : dégradation de la qualité de vie, douleurs chroniques, réduction des capacités physiques, absentéisme, handicap. « Les taux d’accidents du travail sont trois fois plus élevés dans le secteur médico-social (en institution comme dans l’aide à domicile) que dans le BTP, déplore Florence Millorit, experte “assistance, conseil, aide et soins à la personne” à l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité). Pourtant, dans le secteur, la culture de la prévention des risques est très faible. » Une situation aggravée par l’absence de réglementation spécifique sur cette question.

Néanmoins, sur le terrain, les pratiques évoluent. De plus en plus de directions mettent en place des démarches de prévention. C’est le cas, depuis longtemps déjà, de l’association Kervihan qui regroupe 400 salariés dans quatre instituts médico-éducatifs (IME), deux foyers d’accueil médicalisés (FAM), un Sessad (service d’éducation spéciale et de soins à domicile) et un Ehpad (établissement d’héber­gement pour personnes âgées dépendantes) dans le Morbihan. « Nous avons commencé à travailler sur ces problématiques il y a une quinzaine d’années, se souvient Catherine Morgenthaler, la directrice générale adjointe. Dans un premier temps, un peu comme tout le monde, nous avons organisé des formations “gestes et postures”, combinées à l’acquisition de matériels d’aide à la manutention, des lève-personnes par exemple. Mais nous avons rapidement constaté que cela ne portait pas ses fruits, qu’il était nécessaire d’aller beaucoup plus loin. »

Car les TMS sont la résultante de multiples dysfonctionnements : des situations de travail défavorables (manutention de personnes, postures contraignantes, gestes répétitifs, efforts importants…) couplées à une mauvaise organisation du travail (délais trop courts pour exécuter certaines tâches, déficit de temps de pause ou de récupération, absence de possibilité d’organiser son travail). Un climat social délétère, des relations de travail dégradées, une pénurie de moyens, des situations de stress… sont également des facteurs aggravants.

Les effets de ces contraintes varient en fonction de l’âge et de l’expérience professionnelle des salariés ainsi que du contexte de travail, d’où l’intérêt d’une approche préventive globale. Dans cette optique, l’INRS a initié, début 2021, le déploiement de sa démarche « Accompagner la mobilité de la personne aidée en prenant soin de l’autre et de soi ». Celle-ci implique de former tous les acteurs (la direction, l’encadrement et les soignants), d’aménager les locaux et de choisir le mobilier (lits, fauteuils…), de façon à favoriser les déplacements autonomes des patients, et enfin de s’équiper d’outils d’aide au déplacement (draps de glisse, lits médicalisés…) disponibles à tout moment et parfaitement entretenus. « C’est un changement de paradigme. L’idée est de prendre soin sans prendre physiquement en charge et de supprimer les actions néfastes pour la santé du soignant. En clair, le soignant ne doit pas porter plus de 10 kilos », explique Florence Millorit.

Moins d’accidents du travail

Mais la prévention a un coût : le prix d’un lève-personne varie entre 2 000 € et 4 000 €. Une dépense qu’il faut considérer comme un investissement au long cours. « En plus de l’achat de matériels sophistiqués tels les rails et tapis de glisse de transfert, j’ai fait installer des sols connectés dans toutes les chambres. Ils sont personnalisés et permettent de déterminer le niveau d’autonomie, de déplacement du résident s’il se lève la nuit, etc. Il s’agit d’une précaution supplémentaire visant à réduire les chutes », souligne Soizick Genouel, directrice de l’Ehpad Notre-Dame de Lourdes à Domalain (Ille-et-Vilaine). A ce dispositif s’ajoutent l’embauche d’une ergothérapeute à 80 %, la mise en œuvre de massages mensuels pour les salariés et d’ateliers d’entretien musculaire par un éducateur sportif, à raison d’une heure par semaine. Montant de la facture ? Des centaines de milliers d’euros. « Mais c’est rentable, assure la directrice. Ce que l’on paie à l’instant T engendre moins d’accidents du travail, d’arrêts maladie, de turn-over et une meilleure organisation du travail. In fine, la qualité des soins est améliorée et celle de l’accompagnement renforcée. » Résultat : on ne dénombre en moyenne qu’un accident du travail par an dans sa structure.

Au sein de l’association Kervihan, une personne a été désignée formatrice en prévention des risques liés à l’activité physique (Prap) après avoir suivi deux enseignements différents : Prap 2S (prévention des risques liés à l’activité physique en milieu sanitaire et social) pour les professionnels amenés à manipuler des usagers et Prap IBC (prévention des risques liés à l’activité physique dans les secteurs de l’industrie, du bâtiment, des bureaux et des commerces) pour ceux qui travaillent dans les services support (cuisine, blanchisserie, secrétariat…). « La problématique des TMS ne s’arrête pas à la chambre des usagers, pointe Catherine Morgenthaler. Par exemple, les lingères traitent environ 900 kilos de linge par jour. Elles chargent, remplissent les machines, les vident, etc. Ce qui n’est pas sans conséquence sur les articulations. De même, la secrétaire dont l’écran n’est pas à la bonne hauteur ou dont le siège est défaillant souffrira de tendinite. »

Evaluer les risques

Autre structure, autre méthode. A La Madeleine de Bergerac (Dordogne), un Ehpad qui compte 12 services annexes (un accueil de jour, un autre de nuit, une plateforme de répit, un centre de vaccination, un autre de télémédecine…), le directeur Sylvain Connangle fait figure de précurseur. Depuis le début des années 2000, il développe l’outil Smaf (système de mesure de l’autonomie fonctionnelle) venu du Québec(1). Alors qu’il s’en servait uniquement pour évaluer les résidents, il expérimente, depuis septembre 2021, la démarche « ERA Pro » (évaluation des risques des aidants) qui utilise la grille « Smaf » en direction des professionnels de son établissement. « ERA Pro est un instrument d’évaluation des risques TMS et des risques psychosociaux qui intègre une démarche et une culture visant à observer les risques encourus par les équipes dans le cadre de leur travail », précise Andrée Servolle, responsable « qualité et animation » de l’Ehpad.

L’idée est de composer entre les besoins du résident et les capacités du professionnel et d’assurer à la fois le confort du premier et le bien-être du second. Le salarié est évalué tous les six mois et, en fonction de la note finale attribuée, il sait ce qu’il doit changer ou améliorer dans sa pratique. « Cette conduite s’inscrit dans une logique d’attractivité des métiers, estime Sylvain Connangle. Aujourd’hui, les professionnels répondent aux attentes et besoins de l’usager. Mais il est de plus en plus important de répondre aussi à leurs attentes. Si nous voulons les garder, il faut améliorer leurs conditions de travail. Cet outil ne résoudra pas tout mais il peut aider à maintenir les personnes dans l’emploi, à la réinsertion professionnelle, à redonner du sens au travail. »

La sécurité sociale se saisit du sujet

L’assurance maladie estime que plus de 2,3 millions de journées de travail sont perdues dans le secteur de l’aide et du soins à la personne (l’équivalent de plus de 10 000 ETP) en raison de la fréquence des TMS. En octobre dernier, elle a donc décidé d’ouvrir son programme de prévention « TMS Pros » au secteur sanitaire et médico-social. Plus d’informations sur le site ameli.fr/entreprise.

Notes

(1) Voir ASH n° 3140 du 27-12-19.

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