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Management : s'organiser par pôle pour davantage d'efficacité

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Crédit photo stock.adobe.com
Issu de logiques gestionnaires, le management par pôles géographiques ou d’activités doit être aussi un moyen de répondre aux besoins des usagers. A condition d’introduire des formes d’horizontalité dans l’organisation hiérarchique.

Comment accueillir cette adolescente fragilisée par d’importants troubles du comportement ? Comment la recevoir lorsque l’idée même d’intégrer un lieu s’avère, pour elle, compliquée ? Comment lui faire une place lorsque les services de la structure sont déjà au complet ? Cas d’école tant ces jeunes en situation complexe percutent aujourd’hui l’institution. Pour y répondre, l’association L’Envol à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), sollicitée par l’aide sociale à l’enfance, s’est appuyée sur les forces de son organisation, restructurée depuis deux ans en cinq pôles distincts. « Au vu de ses troubles, le fait d’avoir un seul interlocuteur était persécutant pour cette adolescente. Il fallait prendre en compte sa réalité psychique, explique le directeur Yves Abernot. On lui a donc proposé une réponse plurielle, mêlant un accueil par le pôle éducatif et thérapeutique et par le pôle d’accompagnement à partir du domicile parental. » Le premier comprend un service, L’Esquisse, qui permet d’individualiser la prise en charge au sein de petits collectifs, d’être au plus près des besoins de la personne. Le second lui offre la possibilité d’être accueillie en famille d’accueil certains week-ends. Surtout, des éducateurs de différents services collaborent pour l’accompagner et répondre à ses besoins, de manière collaborative. « Avant, dans cette situation, un chef de service disait : “Je suis complet”. Aujourd’hui, le directeur prononce l’admission. Et impose aux responsables de pôles de se mettre autour de la table pour penser une solution », poursuit Yves Abernot. Et d’ajouter, convaincu : « De la qualité de notre collaboration naîtra la qualité de notre accueil et de notre accompagnement des enfants. »

Apparues dans les années 1970, développées dans le sillage de la loi de 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, les logiques de pôles n’impliquent pas nécessairement un renforcement de la transversalité. Bien au contraire. Elles répondent d’abord à un enjeu de gestion et d’économie d’échelle. Les démarches d’évaluation et de contrôle, les relations avec les tutelles, à travers notamment la contractualisation par les conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens (Cpom) ont conduit les associations à revoir leur organisation hiérarchique et à structurer leur direction générale avec des services administratifs plus conséquents et plus experts. Nombre d’entre elles, pour répondre notamment à une croissance de l’activité, ont remplacé les directeurs d’établissement par un responsable de pôle, à la tête de plusieurs structures. Ces pôles étant découpés selon une zone géographique ou selon des thématiques d’intervention, qu’elles soient différentes ou complémentaires. « Ces logiques ont plutôt tendance à ajouter de la verticalité, à créer une hyper-stratification, qui peut même devenir une usine à gaz, avec un transfert des managers de projets vers des gestionnaires, explique Jean-Michel Tavan, consultant à l’Andesi (Association nationale des cadres du social). En ce sens, ces logiques sont contradictoires avec les politiques d’inclusion et de désinstitutionnalisation qui, elles, recherchent une forme d’horizontalité des liens et vont dans le sens d’une réactivation du terrain. »

Plateformes et réseaux

Insuffler du sens, au-delà des logiques de rentabilité, apparaît comme un pré-requis. « La fin avant les moyens », plaide Jean-Michel Tavan dans un chapitre de l’ouvrage collectif Diriger au sein des nouvelles organisations sociales et médico-sociales(1). Priorité donc à la qualité de l’accueil, à la finalité sociale, éducative, thérapeutique de l’établissement. Autre prérequis : la nécessité d’articuler les dimensions verticales et horizontales des liens. Les logiques de plateformes de services et de réseaux apparaissent ainsi complémentaires de celles des pôles. « Si tout vient du haut, on ne s’adapte pas aux usagers, qui doivent être au cœur de nos préoccupations. Mais si tout vient du bas, on perd en cohérence et en cadre institutionnel », résume Jean-Michel Tavan. Introduire une forme d’horizontalité des liens suppose de favoriser l’expression des usagers et de leur savoir expérientiel. « Il est important également de ne pas attendre que le modèle vienne d’en haut, mais de créer de l’innovation par les acteurs de terrain, en suscitant des synergies entre professionnels et usagers, complète le consultant. La transversalité, aussi, suppose de dédier du temps à la création de réseau. »

A L’Envol, cette organisation par pôles a permis d’en finir avec un fonctionnement en tuyaux d’orgue. « Les services étaient enfermés sur eux-mêmes, dans les contours de leurs projets de structures. Il était difficile de les solliciter. Repenser les coopérations entre services nous a permis de fluidifier les parcours des jeunes, explique Yves Abernot. Alors qu’hier on pouvait prendre des décisions d’exclusion de certains jeunes, on cherche aujourd’hui des réponses au sein de nos établissements. Sans s’interdire des coopérations avec d’autres structures. C’est une organisation certes énergivore et chronophage, mais les bénéfices sont importants pour tout le monde… »

Des métiers aux territoires

Organisée jusque-là selon des pôles « métiers », l’association Aurore, qui a doublé de taille en quelques années, privilégie une logique territoriale depuis le 1er janvier 2019. « Avec les pôles “métiers”, on valorise une expertise au risque de freiner les interactions entre différentes fonctions. Et celles-ci sont très importantes pour les publics qui cumulent souvent des difficultés d’hébergement, de soins ou d’insertion, explique son directeur général Florian Guyot. Pour proposer des solutions aux publics, les expertises doivent se répondre. » La logique territoriale permet ici une transversalité dans l’accompagnement des personnes. Mais aussi vis-à-vis des pouvoirs publics : « Face à un maire, à un préfet, un directeur territorial a une vision complète des activités de l’association, des besoins du territoire et des publics. »

L’organisation territoriale est doublée d’une organisation par métiers. Trois des cinq directeurs territoriaux sont ainsi référents d’une activité (urgence hébergement, asile et logement accompagné). Une manière d’apporter un socle commun de pratiques, de bénéficier de retours de bons procédés et de favoriser une réflexion collégiale. A ces groupes métiers réunissant essentiellement les cadres s’ajoutent, au moins une fois par an, des « journées métiers », regroupant l’ensemble des professionnels de la branche. D’autres espaces, comme la convention annuelle, la cellule de gestion des risques ou le comité d’éthique, permettent d’apporter de la transversalité dans les modes d’action. L’association travaille également à la création d’un « laboratoire » pour encourager l’innovation.

L’histoire de l’association, qui s’est d’abord développée en Ile-de-France, a généré une répartition à première vue incongrue, quatre des cinq territoires se partageant un morceau de la région parisienne. « Paris concentre la moitié de notre budget. En fonction de cette donnée, on a cherché le découpage le plus cohérent, explique Florian Guyot. Mais il n’y a pas de bonne organisation. Il faut savoir évoluer – et on évoluera peut-être dans deux ou trois ans – en fonction du contexte. » Car c’est le propre de ces logiques managériales du secteur : toute organisation dépend des spécificités des associations et des environnements locaux.

Au PEP19, l’adieu aux pôles

L’organisation par pôles n’est pas une fin en soi. Bien au contraire. L’association des pupilles de l’enseignement public de la Corrèze (PEP19), qui compte 27 établissements et services, a choisi de rompre avec cette logique en 2019. Son objectif : retrouver de la transversalité et de la fluidité dans les parcours des usagers. « Les directeurs de pôle étaient directeurs d’un établissement. Happés par le quotidien, ils ne parvenaient pas à prendre de la hauteur et à envisager des perspectives d’avenir pour leur pôle. Cette organisation, qu’on a connue pendant une dizaine d’années, n’a pas permis de travailler le projet associatif, constate la directrice Sylvie Benoît. Elle n’a pas facilité la fluidité des parcours. Avec ces pôles, on repartait dans une forme de silo, sans avoir une vision globale de toutes les compétences d’une association. » Les PEP19 ont restructuré l’organisation hiérarchique en créant une direction adjointe et en comptant davantage sur des logiques de dispositifs et de plateformes. Une plateforme de coordination des troubles neuro-développementaux devrait bientôt voir le jour pour les moins de 6 ans. Au-delà de l’organisation, c’est un état d’esprit que revendique : « Je veux créer de l’intelligence collective pour répondre aux besoins des personnes accompagnées. »

Notes

(1) Diriger au sein des nouvelles organisations sociales et médico-sociales. Donner du sens à l’action. Sous la direction de F. Guélamine et V. Socirat – Ed. Dunod, 2021.

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