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Accompagnement : des fêtes de fin d’année propices à la mobilisation

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Les Petits frères des Pauvres organisent une soirée de Noël dans un restaurant à Paris en 2018    

Crédit photo François Guillot / AFP
Même hors crise sanitaire, Noël et le jour de l’An sont source de risques pour les personnes fragiles, qui peuvent souffrir d’un sentiment de solitude exacerbé, par contraste avec l’ambiance festive de rigueur. Pour les professionnels de l’accompagnement, c’est une occasion de vivre autrement leur métier.

Hedy Jerrari, à quelques jours du réveillon de Noël, est au taquet. C’est le 24 décembre 1992 que l’animateur salarié d’Apprentis d’Auteuil, devenu l’un des piliers de l’accueil Saint-Gabriel à Paris, a pris son poste. Une date qu’il commémore à sa façon, tous les ans, en coordonnant les festivités proposées ce soir-là. Accompagnant et soutenant les anciens suivis par la fondation, le service dans son ensemble est particulièrement mobilisé pendant la période de fin d’année. « Il s’agit d’un moment sensible, lors duquel les prises de contact sont plus denses, plus régulières, précise Céline Decohand, chargée d’insertion socio-professionnelle. Nous souhaitons déceler, avec une perception la plus fine possible, le sentiment d’isolement dont certains peuvent souffrir. » Chaque année, hormis en 2020 pour cause de crise sanitaire, les plus seuls et les plus motivés des anciens, une trentaine, sont conviés à un réveillon qu’Hedy Jerrari organise avec un enthousiasme qui ne tarit pas. Le rendez-vous a donc été maintenu en 2021, dans une salle plus grande, au siège de la fondation, avec les précautions sanitaires d’usage. « Nous nous retrouvons chaque année pour une messe, un repas et une remise de cadeaux. Il s’agit d’une soirée, dans la pure tradition de Noël, qui réunit des personnes seules. Les anciens bien sûr, mais aussi des salariés ou même d’autres personnes que nous connaissons qui peuvent aussi être isolés ce soir-là. »

Préparer avec soin ce rendez-vous : un leitmotiv pour les professionnels du social, qui ont dû au dernier moment s’adapter aux contraintes sanitaires peu compatibles avec les rassemblements. Un « crève-cœur » pour Bruno Morel, directeur général d’Emmaüs solidarité, qui a renoncé aux événements festifs d’ordinaire organisés. « Nous avons tout de même conservé, par exemple, une distribution de colis de Noël le 16 décembre dans notre nouveau centre d’hébergement de Saint-Maur [Val-de-Marne], porté par les professeurs et élèves du lycée Marcelin-Berthelot de la ville, avec des dons de boîtes-cadeaux confectionnées par les élèves. » Elles seront bien remises dans tous les centres, mais individuellement, et les repas « améliorés » pris dans les chambres. Dès le mois d’octobre, les équipes s’affairent pour préparer la période, également propice aux dons. « Notre service “mécénat”, tout d’abord, en amont, pour que l’on puisse distribuer aux familles des cadeaux neufs, signe de respect, ainsi que notre mission “culture”, qui a la charge des événements festifs dans les établissements. »

Un surcroît de travail ? Certes, mais surtout une occasion supplémentaire de donner du sens à ses missions, et de renforcer la cohésion des salariés des structures, qui associent les personnes accompagnées à la préparation des fêtes. « De plus en plus, l’organisation est mise au point par les conseils de la vie sociale, qui réunissent les équipes et les représentants des personnes hébergées. Il s’agit de moments forts, précise Bruno Morel, où l’on est dans le positif, dont les personnes qui ont connu des parcours de rue ne doivent pas se sentir exclues. »

Profiter d’une parenthèse

Focalisés sur l’organisation et le moment de la fête, les salariés comme les personnes accueillies s’échappent d’un quotidien souvent lourd, et des occasions d’échanges profitables pour le reste de l’année peuvent émerger à cette occasion. Pour Marie-Odile Farenc, éducatrice coordinatrice du service MNA (mineurs non accompagnés) de l’association Sainte-Marie à Mazamet dans le Tarn, cette période représente « des opportunités uniques de discussion, de partage et d’apprentissage du”vivre ensemble”, au-delà des questions religieuses. Dans leur grande majorité, les jeunes MNA n’ont pas de parents proches. Mais pas non plus de tradition de Noël catholique, car ils sont musulmans pour la plupart. Tous ont des parcours de vie différents, il ne faut pas se tromper quand on propose une activité. »

Pour la deuxième année consécutive, l’éducatrice a organisé, avec ces jeunes, une collecte, de 150 boîtes de Noël pour des personnes démunies, en partenariat avec la mairie et d’autres associations. Estimant qu’il faut une « triple dose » d’énergie à dépenser pendant cette période, elle estime les bénéfices de cet engagement très tangibles. « Nous avons été un peu surpris, les jeunes sont devenus des porte-paroles dans leurs lycées, ils ont apporté eux-mêmes des cadeaux à glisser dans les boîtes… Nous étions tous super contents. » Sans avoir l’ambition ni l’illusion de recréer une famille, mais au moins de resserrer les liens d’un groupe d’appartenance, les événements de fin d’année, pour les différents interlocuteurs, permettent, de manière privilégiée, des espaces de paroles presque intimes, entraînant une écoute de proximité, et même un lâcher prise. « C’est un moment très particulier entre les équipes et les personnes hébergées, constate Bruno Morel, qui permet de sortir d’un quotidien pas toujours facile. On oublie les questions que l’on pose dans un cadre professionnel, et on permet aux usagers d’avoir une curiosité vis-à-vis des salariés, de leur vie, avec des échanges parfois très personnels. »

La proximité d’abord

Favoriser les fêtes à l’ambiance familiale pour permettre ces rencontres « hors du temps », c’est le choix d’Hedy Jerrari. « L’idée n’est pas d’organiser une grande kermesse, confirme l’animateur. Nous avons déjà participé à un grand événement de la Croix-Rouge pour Noël, mais personne ne s’est senti vraiment bien, il y avait trop de monde. » Avis partagé par Nicolas Maigne, le directeur de la maison d’enfant à caractère social (Mecs) et du service éducatif de jour (SEJ) de l’association Sainte-Marie de Mazamet. « Dans nos accueils d’hébergement d’urgence, l’idée est plutôt d’organiser des petites fêtes par services. Regrouper tout le monde ferait peur aux jeunes. Seule exception, un spectacle de magie. » Et le soir de Noël, chaque éducateur présent a carte blanche pour organiser des activités. Location d’un gîte, soirée bowling…à chacun la formule qui lui semble la meilleure. Un moment spécial proposé à des jeunes esseulés, qui en ont vu d’autres partir rejoindre leurs familles…

A l’autre bout de la chaîne générationnelle, l’isolement peut également s’avérer cruel pour les personnes âgées. Au château de Pothières, lieu d’hébergement temporaire de personnes âgées géré par Les Petits Frères des pauvres en Côte-d’Or, seules 20 % des 19 personnes accueillies, encadrées par 11 salariés et 8 bénévoles intervenant régulièrement, passent Noël en famille, hors de l’établissement. Tout le monde participe à l’ensemble de l’organisation : choix des sapins, fabrication de décorations, préparation des chants, des repas, du marché de Noël… Les 24, 25 et 31 décembre, ainsi que le 1er janvier, l’heure est à la fête. La directrice, Dominique Verraes, ne manque pas ces rendez-vous « uniques, magiques ».

Comme toute l’année, résidents et salariés se retrouvent à la même table et, en l’occurrence, sur la même piste de danse.« La majorité des personnes viennent dans notre centre pour rompre l’isolement, donner du répit aux aidants, certaines sortent d’hospitalisation… Bien sûr, nous ressentons des moments de nostalgie avant les fêtes, mais nous les emmenons dans un mouvement dynamique, de préparation. » Sans favoriser le bénévolat des salariés pourtant souvent partants, « parce que, même dans ces périodes, il ne faut pas mélanger les genres », la directrice reconnaît que tout le monde donne beaucoup. Confectionnant chez eux des décorations, prenant le temps d’une manucure ou d’un soin particulier pour le soir de Noël. Un temps qui rapproche…

Une période tout de même tendue

En laissant un peu de côté le quotidien, les fêtes représentent certainement une pause nécessaire pour les salariés et responsables d’établissement. Contraintes sanitaires revenues sur le devant de la scène, mais aussi tensions nées d’une surcharge de travail et/ou d’un manque de personnel… L’ambiance n’est pas toujours aux réjouissances, selon Nicolas Maigne, également vice-président de l’Association nationale des maisons d’enfants à caractère social (Anmecs), inquiet des remontées du terrain de ses collègues. Motiver les salariés dans ce contexte s’avère délicat, d’autant que beaucoup se demandent si la prime « Macron » (prime de pouvoir d’achat bénéficiant aux « travailleurs de deuxième ligne » dans la crise sanitaire sous certaines conditions) leur sera versée. « Cela crée des tensions parfois vives en ce moment, constate-t-il. Même si cela n’a pas entaché leur mobilisation pour préparer les fêtes de fin d’année. »

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