« Au départ, je ne voulais que filmer mais, finalement, j’ai pu être acteur… Un petit acteur puisqu’il s’agissait d’un court-métrage. » Accueilli à la Maison du Coudray, un foyer accompagnant des personnes atteintes de troubles psychiques situé à Corbeil-Essonnes, Jacquot Vianney a participé à la réalisation d’un film lors du deuxième confinement. Il y tient le rôle principal, celui d’Alphonse Plume, un écrivain en panne d’inspiration qui se réveille tous les matins dans la peau d’un nouveau personnage de fiction. Baptisé Page blanche, ce court-métrage a été réalisé en une vingtaine de séances au cours desquelles les 11 participants ont pu se familiariser avec les différentes étapes de la production audiovisuelle. S’ils n’ont pas participé à certains aspects techniques, comme le choix des cadres ou le montage, ils ont travaillé à la rédaction du scénario, interprété les personnages, préparé le tournage, effectué la prise de son et d’images... C’est la richesse du projet qui a séduit Arnaud Grand, directeur de l’établissement. « J’ai vécu des expériences où tout était déjà accompli. Les résidents n’avaient que le script à lire, compare-t-il. Là, c’était différent. Ils ont déterminé ensemble ce qu’ils voulaient produire. »
Cette initiative a vu le jour grâce à la toute jeune association Baka, qui propose aux structures du secteur du handicap situées en Ile-de-France des séances en trois temps : préparation, tournage et projection du court-métrage, si possible dans une salle de cinéma. Le nombre d’ateliers nécessaires est déterminé en amont, en fonction de l’envergure du projet. Les rôles des usagers sont attribués selon les appétences de chacun. « Nous sommes des facilitateurs. Nous nous adaptons aux personnes et à leur handicap », expose Jason de Rancourt, l’un des deux fondateurs de Baka.
S’adapter au profil et aux envies
La succession d’histoires dans Page blanche reflète ainsi les envies des participants. « L’une des personnes a expliqué avoir toujours voulu être mannequin. Nous nous sommes débrouillés pour qu’elle défile sur un podium. Une autre souhaitait jouer une scène d’action. Nous avons donc choisi de procéder par petites séquences, avec comme fil rouge cet écrivain, détaille Jason de Rancourt. L’objectif n’est pas d’imposer une direction mais d’amener les résidents à être force de proposition, à porter le film. » A terme, Baka souhaiterait s’appuyer sur les projets personnalisés des bénéficiaires pour avoir davantage de visibilité sur les aspects de leur personnalité à mettre en avant.
Qu’en est-il de la qualité des films ? In fine, ne porte-t-elle pas préjudice à l’image des personnes handicapées ? « Pas du tout, répond Arnaud Grand. Le but est de montrer que c’est accessible à tous. Généralement, les personnes pensent qu’elles ne sont pas faites pour ça. » Jason de Rancourt complète : « Nous tenons à ce que ce soient les participants qui réalisent le film. Les cadrages et les prises de son seront peut-être un peu moins bons. Mais le court-métrage permet un travail sur l’estime de soi, l’autonomie, la responsabilisation… » Les résidents de la Maison du Coudray ont déjà exprimé le souhait de renouveler l’expérience et entendent participer à un festival de courts-métrages pour présenter Page blanche à un plus large public.
