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Organisation : du local au siège, la voix de son maître ?

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Crédit photo Science Photo Library via AFP
Entre le siège et les établissements, a fortiori dans des structures de taille importante, piloter efficacement sans se montrer dirigiste ni déconnecté des réalités du terrain est d’abord une affaire de méthode.

« Le national n’impose jamais. On ne serait pas suivi », insiste Thierry D’Aboville. Le secrétaire général de l’Union nationale des associations ADMR (Aide à domicile en milieu rural) ne laisse planer aucun doute. La meilleure façon de décliner les décisions nationales, du siège vers les territoires, c’est de laisser ces derniers… fixer eux-mêmes les orientations. Si ce n’est pas la rue qui gouverne, selon la formule consacrée de l’ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, à l’ADMR, ce sont a minima ses représentants locaux. Eux seuls connaissent la singularité de l’environnement social et politique. « Un projet associatif comme le nôtre se vit sur le terrain, pas dans un bureau à Paris. Les décisions doivent donc être ascendantes et non descendantes. Il ne s’agit pas que le local fasse du national », poursuit Thierry d’Aboville.

La gouvernance d’une organisation est intimement liée à sa structure et à la façon de partager le pouvoir. L’union a cette particularité d’être composée de 2 700 associations locales, juridiquement autonomes. Toutes sont réunies au sein de fédérations départementales, elles-mêmes rassemblées dans une fédération nationale. Trois niveaux fonctionnant selon un principe de subsidiarité et grâce à des conventions de gestion. « Les associations rendent le service et animent la vie locale. La fédération départementale, émanation des premières, recouvre une dimension politique – elle discute avec le conseil départemental ou la préfecture – et fournit des moyens : ressources humaines, finances ou systèmes d’informations… L’union nationale assure également des fonctions politiques et de support. Elle construit le plan stratégique, interagit avec les ministères et apporte des services, en termes de ressources humaines notamment. » A l’ADMR, les 32 administrateurs nationaux sont obligatoirement membres des conseils d’administration d’une fédération départementale et d’une association locale. « Lorsqu’une fédération vote, elle vote pour le compte des associations. » Mieux, depuis l’origine, en 1945, un quart des postes d’administrateurs est réservé aux salariés d’intervention. Qui ont donc chacun une voix. Pas moins en somme que la présidente nationale du réseau, Marie-Josée Daguin. Une manière de toujours rester connecté aux réalités du terrain. De même, l’ADMR travaille ses thématiques au sein de commissions nationales, composées pour moitié de bénévoles et de salariés. « La co-construction prend du temps, reconnaît Thierry d’Aboville, mais elle garantit un travail plus solide. »

L’Association pour adultes et jeunes handicapés (Apajh) fonctionne sur ce même modèle. Avec ses spécificités : la fédération nationale est à la fois une fédération d’associations locales et un gestionnaire d’établissements. Un tiers de ces derniers est en effet porté directement par la fédération. C’est le cas dans des départements de la région parisienne, du Sud-Ouest ou encore à Mayotte. « On assiste à un mouvement d’associations locales qui ne se sentent plus en capacité de gérer, parce qu’elles sont de petite taille et que les pouvoirs publics ont tout fait pour qu’elles se regroupent, ou alors parce qu’elles éprouvent des difficultés à renouveler leur gouvernance », explique Jean-Louis Leduc, directeur général.

Deux cas de figure qui n’impliquent pas les mêmes rapports hiérarchiques. Dans le premier, les associations locales ont leur conseil d’administration et leur libre arbitre. Parce qu’elles ont été préparées dans les territoires, les décisions sont en théorie partagées par tous. « Le fait d’être adhérent confère à chacun l’obligation morale de mettre en œuvre les décisions prises collectivement lors de l’assemblée générale, explique Jean-Louis Leduc. La fédération a un rôle pédagogique et de persuasion. A elle de donner les outils et les moyens de mettre en œuvre ces orientations. » Dans le second cas, la fédération exerce son autorité hiérarchique : « On est impliqué dans la chaîne de décision avec une capacité à “imposer”, même si l’on ne manage plus de la sorte », souligne le directeur.

Laboratoire d’expériences

Pour piloter ses 220 établissements en gestion directe, l’association a déconcentré ses services à la fin des années 2 000. L’organisation du siège a été déclinée dans les huit territoires de gestion, avec un directeur et une équipe pour chacun d’entre eux. « On avait mesuré les limites d’une organisation centralisée, lourde dans la prise de décision et peu réactive, alors même que l’organisation des réponses en faveur des personnes n’a de sens qu’au plus près des bassins de vie, notamment au vu des compétences des départements. », poursuit Jean-Louis Leduc. Ce réseau de cadres, déconcentré, est devenu un laboratoire d’expériences. « Le fait de travailler en direct avec eux accélère le travail, nous permet de les challenger pour expérimenter et diffuser les pratiques auprès des autres associations. » Autre modèle, autre gouvernance, autres pratiques : à la fondation Apprentis d’Auteuil, le conseil d’administration est un simple organe de surveillance, qui veille à la conformité statutaire des décisions. Décisions qui reviennent à la direction générale sans que celle-ci ait forcément une main de fer. Structure de 6 500 salariés, la fondation est organisée en trois échelons territoriaux. A chacun son pouvoir et ses compétences. Au niveau local, les 240 établissements sont coiffés de 140 directeurs, chacun décisionnaire sur des points aussi variés que la mise en place du projet éducatif, la sécurité ou la santé au travail. Tandis qu’au niveau régional existent cinq pôles, tous dotés d’un directeur et d’une équipe pour épauler les établissements dans leur développement, dans un souci de mutualisation des services qui permet de rationnaliser les prix de journée. Enfin, le national s’attache à la recherche en innovation pédagogique et éducative, en associant les établissements.

Projet stratégique participatif

Même logique lors de l’écriture du projet stratégique : tant les salariés que les personnes accompagnées sont invités à y participer. « On utilise un logiciel d’intelligence artificielle qui analyse l’ensemble des verbatim recueillis, explique Luc Fossey, directeur des ressources humaines. Cela nous a permis d’arrêter cinq grandes orientations. » Chaque établissement est alors invité à rédiger sa feuille de route pour préciser comment il compte répondre à ces orientations décidées collégialement. « On s’assure que les remontées du terrain puissent être prises en compte par les établissements, chacun avec sa marge de manœuvre. »

Diriger, c’est aussi, pour Luc Fossey, maintenir un dialogue social permanent. « Je suis convaincu de sa nécessité. Il évite la toute-puissance du directeur et favorise la remontée des voix du terrain. A la fondation, nous avons la particularité de ne pas être rattachés à une branche. Chaque fois qu’on fait évoluer notre convention collective, il faut travailler avec les syndicats. Parfois, les choses n’avancent pas. Mais ça nous force à être dans le compromis et à trouver une solution de manière concertée. » De la même façon, la fondation, qui affiche la volonté d’intégrer des cadres issus du terrain, a mis en place depuis une dizaine d’années une démarche d’amélioration continue de la qualité. Elle permet de pointer les dysfonctionnements aux niveaux local, régional et national. « Ce n’est pas toujours simple, mais il y a cette volonté de favoriser un va-et-vient entre échelons », estime Luc Fossey. Revers de la médaille, de tels dispositifs mobilisent beaucoup de personnes et d’énergie. « C’est chronophage et ça peut être pesant pour un cadre décisionnel de savoir que chaque sujet qui dysfonctionne va remonter au comité de pilotage (Codacq). Mais quand je vois les résultats, ça vaut le coup. »

Le poids de l’histoire

Le choix d’un modèle organisationnel est souvent une question d’ADN et de circonstances historiques. Contrairement à APF France handicap qui, depuis 1933, a toujours été une association nationale, une et indivisible, l’Apajh est née d’initiatives locales, autonomes. La première association a vu le jour en 1962, à Paris, avant d’essaimer dans d’autres départements. « Il aura fallu 14 ans pour que les associations nées au fil de l’eau prennent conscience de l’importance de se fédérer pour avoir plus de poids et être un porte-parole auprès des pouvoirs publics », souligne le directeur, Jean-Louis Leduc. L’ADMR a connu une trajectoire similaire : les premières associations d’aide à domicile ont vu le jour en 1945 avant de se fédérer dans la foulée. Quant à la fondation Apprentis d’Auteuil, créée à la fin du XIXe siècle, elle a d’abord été une œuvre catholique. Forte de son réseau de donateurs, elle a été reconnue fondation d’utilité publique en 1929. Réunissait alors des fonds privés, autour d’une mission d’intérêt général.

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