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Le service public de l’insertion : à peine testé, déjà approuvé

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Service public de l'insertion

Photo d'illustration

Crédit photo ABF Midi-Pyrénées
Expérimenté par 14 territoires, le service public de l’insertion vise à accompagner au plus tôt les allocataires de minima sociaux afin qu’ils ne s’installent pas dans une situation de précarité. Il doit, pour cela, fédérer entreprises et acteurs de l’insertion. Un dispositif plus encore plébiscité du fait de la crise actuelle.

« Certains allocataires du revenu minimum d’insertion perçoivent, 12 ans après sa disparition, le minima social qui l’a remplacé : le revenu de solidarité active [RSA] », déplore Michaël Quernez, premier vice-président du conseil départemental du Finistère. Cela produit des parcours de vie complètement cassés. Sur le plan national, le ministère du Travail, lui, faisait observer l’automne dernier, au cours du lancement de la concertation et de l’expérimentation du service public de l’insertion (SPI), que la moitié des allocataires du RSA se le voient octroyé depuis plus de quatre ans. D’où la volonté affichée, par le gouvernement et les acteurs qui se lancent dans l’expérimentation, de repenser les modalités de l’accompagnement pour qu’il permette de construire des parcours personnalisés, de proximité, à destination des populations éloignées de l’emploi.

Les expérimentations devaient commencer ce mois de mars. Si elles ont pris ici ou là deux à trois mois de retard du fait de la crise sanitaire, l’engagement des acteurs de terrain ne faiblit pas, la concertation au niveau national se poursuit, dans le même climat constructif et apaisé qu’avant le confinement. Exactement à l’opposé des débats autour du revenu universel d’activité (RUA), dont personne ne sait encore s’il survivra à ce printemps confiné, et qui devait être le pendant du SPI en matière de « rénovation sociale », selon les termes du ministère du Travail. « Nous terminons de construire la nature et le type d’accompagnement de la personne aidée, explique Alexis Goursolas, responsable du service “stratégie et analyse des politiques publiques” » à la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). Nous nous sommes entendus sur ce qui doit être proposé aux personnes qui arrivent dans le dispositif. Nous avons défini qui les accueille et de quelle manière, comment on établit le diagnostic de la situation de la personne aidée… Mais aussi, et c’est plus nouveau, sur ce qui doit être proposé aux entreprises pour qu’elles recrutent parmi les publics éloignés de l’emploi. » A cette aune, la nomination, en mars dernier, du haut-commissaire à l’inclusion et à l’engagement des entreprises semble perçu par tous les acteurs comme un signal positif. Nombre d’entre eux saluent le pragmatisme du titulaire du poste, Thibaut Guilluy.

 
De solides motivations

Mi-mai, les réunions de concertation nationale ont donc repris, rassemblant collectivités territoriales expérimentatrices, instances gouvernementales, associations… Et sur le terrain, chacun poursuit la mise en place du dispositif, voire son élargissement, pour répondre aux besoins nouveaux nés de la crise actuelle.

Il faut dire que les territoires qui se sont lancés dans l’aventure, qu’ils comptent ou pas un grand nombre de personnes éloignées de l’emploi, témoignent de solides motivations. En Seine-Saint-Denis, rappelle Sarah Bartoli, sa directrice de l’emploi, de l’insertion et de l’attractivité territoriale, 83 000 personnes perçoivent le revenu de solidarité active, un minima social qui concerne, au total, 171 000 personnes, soit plus de 10 % de sa population. Autre motivation chez les expérimentateurs : la faible proportion de ces bénéficiaires d’un minima social accompagnés pour bâtir un parcours. Ils sont 5 000 sur les 18 000 titulaires du RSA dans le Finistère, estime Michaël Quernez, qui pointe de surcroît une trop longue période d’attente avant d’être accompagné : « Or c’est dans les six premiers mois que l’essentiel se joue. Il nous faut bâtir des interfaces entre les collectivités. »

Et c’est bien là l’un des objectifs du service public de l’insertion. Ce que certains des candidats retenus pour l’expérimenter ont mis en place en amont, à l’image de la Loire-Atlantique, qui permettait déjà aux travailleurs sociaux départementaux de prescrire une formation – une prérogative de la région pourtant. De même, département et région ont bâti des plateformes de mobilité : « Le SPI vient conforter et amplifier nos politiques », résume Lyliane Jean, vice-présidente chargée de l’action sociale de proximité et de l’insertion. « L’enjeu consiste pour moi à permettre l’employabilité de mes concitoyens, à les sortir de la précarité, à leur donner une dignité, d’autant qu’il existe dans notre société des besoins non pourvus », complète Frédéric Bierry, président du conseil départemental du Bas-Rhin, prompt à vouloir s’inspirer des modèles des entreprises à but d’emploi, portées par le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée ».

Pour accompagner le plus immédiatement possible tout nouvel allocataire du revenu de solidarité active, les pionniers du service public de l’insertion expliquent qu’il convient d’abord de poser le diagnostic des raisons qui l’ont mené là. Bien souvent, des problèmes de santé. Aussi le département du Finistère a-t-il par exemple choisi de recruter des infirmières spécialement dédiées à l’établissement de ces diagnostics, à hauteur de sept équivalents temps plein. Puis il faut mettre en place un parcours personnalisé, autant que possible tourné vers un retour à l’emploi. Dans le Bas-Rhin, un fort accent est mis sur le job coaching, partant du principe, dit son président, que personne n’est inemployable : 114 des 147 personnes reçues dans le mois et demi précédant le confinement avaient été orientées vers cet accompagnement. Ce territoire alsacien avait initialement centré le service public de l’insertion sur trois bassins d’emploi mais, pour affronter la crise, il vient de l’étendre à l’ensemble de son territoire. La Seine-Saint-Denis, pour sa part, remet en marche l’expérimentation par filière qu’elle a décidé de privilégier : le bâtiment et les travaux publics, qui ont subi un coup d’arrêt durant le confinement et restent encore bloqués dans l’attente du résultat du second tour des élections municipales. Pointe déjà l’idée de répliquer le modèle ainsi bâti dans une deuxième filière, qui pourrait bien être celle des services à la personne, elle aussi en peine pour recruter les effectifs nécessaires.

L’épineuse question de la gouvernance du dispositif

Si la crise sanitaire a décalé quelques projets dans le temps, elle a aussi renforcé la conviction de tous qu’un service public de l’insertion devait être mis en place. Le Bas-Rhin compte 5 % de bénéficiaires du RSA supplémentaires depuis janvier dernier, le Finistère vient de consacrer un montant record de 9 millions d’euros au versement de cette allocation… Dans le même temps, les offres d’emploi pourraient fortement se raréfier, et Lyliane Jean, notamment, pense qu’il conviendra, en Loire-Atlantique, « de revisiter les secteurs en tension. Mais j’ai pleine confiance, nous avons l’habitude de travailler tous ensemble. » « Le challenge est d’autant plus fort, note Frédéric Bierry, et nous ne pourrons le relever que par la territorialisation de l’action publique. »

Une façon de pointer que si les actions de terrain avancent bien, sur fond de concertation nationale apaisée, il reste à trancher l’épineuse question de la gouvernance du service public de l’insertion. Qui portera le dispositif ? L’essentiel, pointe Alexis Goursolas, est de produire des stratégies « d’aller vers » les personnes et de développer des formations communes aux intervenants sociaux, quelle que soit leur structure de rattachement.

Le SPI semble donc bien campé sur de solides bases, aujourd’hui porté par des territoires convaincus. D’où la crainte exprimée par certains qu’il en reste là, au stade d’une innovation opérationnelle sur quelques bassins d’emploi, sans qu’il soit possible de changer d’échelle et d’embarquer l’ensemble des départements. D’autant, poursuit cet interlocuteur, que l’Assemblée des départements de France n’a peut-être pas suffisamment d’influence pour motiver ses troupes.

14 projets d’expérimentation

De mars 2020 à fin 2021, 14 collectivités ou regroupements de collectivités expérimentent le service public de l’insertion : Loire-Atlantique, Meurthe-et-Moselle, Nord, Bas-Rhin, Haute-Savoie, Seine-Maritime, Somme, Yonne, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, les collectivités de Martinique et de La Réunion, la région Bretagne (les quatre départements et les métropoles de Brest et Rennes), la métropole de Lyon.

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