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Tests osseux : un arrêt de la cour de cassation fait jurisprudence

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Le 3 octobre, le pourvoi en cassation d’une jeune Congolaise contestant sa majorité à laquelle concluaient des examens osseux a été rejeté. L’arrêt de la Cour de cassation fait jurisprudence sur la question du "doute" entourant ces tests, à la fiabilité depuis longtemps mise en cause.

Arrivée en France à la fin 2016, C.X. affirme qu’elle est née en 2000 à Kinshasa, en République démocratique du Congo. Mais à la suite de tests osseux, sa minorité n’a pas été reconnue. Le cas de la jeune femme a été porté jusqu’à la Cour de cassation, qui vient de rejeter le pourvoi dans un arrêt émis mercredi 3 octobre. A son arrivée en France, C.X s’est présentée au conseil départemental de Meurthe-et-Moselle comme mineure isolée, afin de demander sa prise en charge par l’aide sociale à l’enfance. Sa demande est alors rejetée. Il est question de documents contradictoires sur son âge : des données biométriques indiquent qu’elle aurait plus de 18 ans. L’histoire remonte à son départ de République démocratique du Congo. Brigitte Jeannot, avocate au barreau de Nancy qui accompagne sa jeune cliente depuis deux ans, explique que, lors de sa fuite, "des responsables ont été obligés de lui faire un passeport indiquant qu’elle était majeure, afin qu’elle puisse prendre l’avion".

La jeune femme possède bien des documents d’état civil, dont un acte de naissance, indiquant qu’elle est née en 2000. Leur authenticité n’a jamais été contestée. C.X. saisit un juge des enfants en janvier 2017, qui reconnaît sa minorité. Mais le parquet fait appel. En avril 2018, la cour d’appel de Nancy tranche et statue sur sa majorité. Accompagnée par son avocate, la jeune exilée se pourvoit alors en cassation, sans obtenir gain de cause.

L’arrêt est "malheureux, et de haute importance", souligne l’avocat Paul Mathonnet, qui avait plaidé lors de l’audience de la Cour de cassation. Il s’agit en effet du premier arrêt de cette instance mettant en œuvre l’article 388 du code civil, qui encadre depuis 2016 le recours aux tests osseux. Ces derniers sont contestés dans leur fiabilité par de nombreux rapports nationaux, européens et internationaux. Leur marge d’erreur est d’environ 18 mois. Dans un avis rendu en 2014, soit deux ans avant la promulgation de cet article 388,  le Haut Conseil de la santé publique écrivait que "l’estimation d’un âge osseux (méthode le plus souvent utilisée) ne permet pas de déterminer l’âge exact du jeune lorsqu’il est proche de la majorité légale". C’est en ce sens que l’article 388 définit : "Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Le doute profite à l’intéressé."

Dans le cas de C.X, parmi les trois tests réalisés (radiologies des poignets, de la dentition et des clavicules) la cour d’appel elle-même reconnaît que "deux des examens pratiqués par l’expert n’excluent pas que l’intéressée ait moins de 18 ans". Le fait que les résultats des examens osseux soient douteux n’a pourtant pas empêché la Cour de trancher sur la majorité de la jeune Congolaise, en considérant les incohérences autour des documents d’identité. Doute sur les documents, doute sur les tests… "Il y a un doute général", résume Paul Mathonnet, qui devrait, selon l’article 388, "profiter à l’intéressé". Sauf que le moment où ce "doute favorable" doit être pris en compte est laissé à l’interprétation. Doit-il l’être sur les résultats des tests osseux seuls, ou sur la conclusion générale ? Dans son arrêt, la Cour de cassation l’évacue complètement. "Je ne vois donc pas très bien à quel moment on prend en considération le doute favorable à l’intéressé", s’interroge avec perplexité Paul Mathonnet.

Habituée au suivi de mineurs isolés, l'avocate Brigitte Jeannot réagit : "Ce rejet est une douche froide. J’ai vraiment l’impression que la Cour de cassation a voulu envoyer un signal aux juridictions." Aux yeux des deux avocats, cet arrêt est "une occasion manquée" de créer une jurisprudence favorable aux mineurs et respectueuse de l’article 388. "Je suis une civiliste, je voulais simplement que l’on respecte le code civil, martèle Brigitte Jeannot. Je suis scandalisée. On est vraiment dans le droit à bas coût." L’avocate dit réfléchir à aller devant la Cour européenne des droits de l’Homme, et compte également se rendre à la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) pour faire effacer les "données erronées" du passeport utilisé pour la venue en avion de la jeune Congolaise. En attendant, cette dernière, qui aurait 18 ans en octobre, va déposer sa demande d’asile.

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