C’est une mobilisation d’une ampleur peu commune. Une trentaine de parlementaires, plus de 60 associations de protection contre les violences faites aux femmes et aux enfants, 200 professionnels de santé et du social (éducateurs, assistantes sociales, cadres en protection de l’enfance…) et des personnalités connues, à l’instar de Mélissa Theuriau, ont signé une lettre à l’attention du Premier ministre et au ministère de la Justice le 15 novembre. Leur revendication : qu’une mission d’enquête soit confiée à l’Inspection générale de la justice afin de comprendre les défaillances qui ont lieu au sein de la juridiction d’Orléans dans le cadre de l’affaire Pauline Bourgoin.
C’est que pour ces acteurs du secteur social, qui se sont rassemblés place de la Nation samedi à Paris, il s’agit là d’une « affaire emblématique des dysfonctionnements de la Justice dans le traitement des dénonciations d’inceste ». Après un appel à la mobilisation nationale du collectif Enfantiste, plusieurs rassemblements ont eu aussi lieu le 16 novembre, comme à Paris ou à Nantes.
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Début 2022, les vies de Pauline et de Louise, sa fille alors âgée de 2 ans et demi, basculent subitement. A la suite d’un signalement de la crèche, l’enfant a confié avoir été violée par son père, alors séparé de sa mère. Cette dernière dépose plainte. Et, contre toute attente, se voit retirer la garde de sa fille. A l’époque, le juge des enfants d’Orléans ordonne un placement immédiat à l’aide sociale à l’enfance (ASE). Une décision incompréhensible pour Pauline, séparée brusquement de l’enfant qu’elle voulait protéger. Après un parcours du combattant et le passage par cinq familles d’accueil, la petite Louise peut finalement retourner vivre avec sa mère. A la suite de quoi, « les différents juges des enfants qui ont eu à se prononcer ont rejeté les demandes du père de se voir confier l’enfant. Louise a donc pu s’épanouir de nouveau, voir ses symptômes de traumatisme s’estomper et se sentir à nouveau en sécurité, sans la crainte quotidienne d’être arrachée à sa mère et à sa maison » écrivent les auteurs de la lettre.
Essayer de comprendre
Cependant, le 4 juillet 2024, la juridiction aux affaires familiales d’Orléans crée une nouvelle fois la surprise en décidant de transférer brutalement la garde de Louise à son père, dont sa fille n’a cessé de répéter le comportement incestueux et qu’elle n’a pas vu depuis plus d’un an. L’effet est immédiat : l’état de santé de Louise se dégrade, entraînant le signalement de plusieurs professionnels de santé. L’avocate de Pauline Bourgoin saisit en urgence le juge des enfants qui ordonne heureusement un placement de l’enfant au domicile maternel, avec suspension des droits du père.
Mère et fille doivent aujourd’hui vivre avec ce traumatisme. Les associations et professionnels signataires n’arrivent pas à comprendre « comment la juridiction d’Orléans a pu estimer qu’il était dans l’intérêt de l’enfant d’être transférée brutalement à celui qu’elle a désigné comme son agresseur à maintes reprises et auprès de divers professionnels, et qui est actuellement mis en cause dans le cadre d’une instruction pour violences sexuelles sur mineur ». Ni pour quelle raison elle a ignoré les décisions des juges des enfants, selon lesquels la résidence de l’enfant au domicile paternel était « inenvisageable ». Il arriverait d’ailleurs fréquemment « que la juridiction orléanaise décide de confier des enfants qui ont dénoncé des violences au parent agresseur et de les couper de leur parent protecteur ».
Selon Pascal Cussigh, le président de CDP-Enfance signataire de la lettre, « nous avons un dossier où l'enfant n'a pas été protégé dès le début de l’enquête et où nous avons des décisions qui sont contradictoires entre ce que décide le juge aux affaires familiales et ce que décide le juge des enfants ». Les associations de protection contre les violences, professionnels et parlementaires réclament donc une enquête pour mettre fin à ces défaillances en matière de protection des enfants victimes de violences sexuelles incestueuses. « Les dysfonctionnements auxquels Pauline Bourgoin fait face sont rencontrés par de nombreuses mères. Il ne s’agit pas de stigmatiser une juridiction mais d’essayer de comprendre, souligne son avocate Pauline Rongier. Cette affaire révèle les défaillances d’un système. »
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