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L’arrivée du secteur lucratif bouscule le modèle économique de l’aide à domicile et des Ehpad

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Photo d’illustration.

Crédit photo Evrymmnt - stock.adobe.com
Marchandisation - Dans un récent rapport, le Haut Conseil à la vie associative analyse la mutation du modèle économique associatif en regard de la montée des exclusions. Et se penche plus spécifiquement sur les perturbations engendrées dans le secteur de l’aide à domicile et des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Au début octobre, le Haut Conseil à la vie associative (HCVA) a publié son dernier rapport « Impact de la concurrence lucrative sur le modèle économique associatif et sur la multiplication des exclusions ». En préambule, il y assène que la concurrence est « un facteur important de perturbation du modèle économique des associations et, par répercussion, [agit] comme un accélérateur d'exclusion sociale ». Le HCVA étudie plus spécifiquement les effets de la marchandisation sur deux secteurs :  l'aide à domicile et les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Alors que le secteur de l’aide à domicile est historiquement associatif, « il connaît depuis une trentaine d’années une mise en concurrence liée à une évolution des politiques publiques concernant la prise en charge des personnes dépendantes ». Ainsi, la part des entreprises privées à but lucratif a évolué de façon constante entre 2005 (année d’adoption de la loi « Borloo », qui a « libéralisé » les services à la personne, ndlr) et 2018, passant de 3 % à 41,4 % d'heures « prestées ». Cette progression s'est effectuée au détriment des associations, dont la proportion d'heures « prestées » est descendue, sur la même période, de 80 % à 49,8 %.

Ecarts de salaires importants

Or, comme l’indiquent les auteurs, « les politiques de ressources humaines et d’emploi sont différentes entre les différents types d’employeurs ». Dans l’ensemble, au niveau des conditions de travail, le HCVA juge que « le secteur de l’associatif ne s’en sort pas mal par rapport aux entreprises ». Les associations  sont « moins inégalitaires » dans les embauches et les écarts de salaires y sont moins importants entre emplois aidés et cadres. Toutefois, le HCVA note que « la situation devient aujourd’hui moins évidente car certaines associations ont des comportements très proches de ceux des entreprises du secteur marchand et, inversement, certaines entreprises sont très sociales ».

Cependant, entre les deux secteurs, les salaires diffèrent de manière importante : 10 289 € annuels pour 1 247 heures dans l’associatif, contre 8 976 € pour 997 heures dans les entreprises privées. Cet écart de 10 %, qui a « tendance à diminuer », provient essentiellement du temps de travail, analyse le HCVA.

Les plus dépendants davantage impactés

Dans le champ des Ehpad, le Haut Conseil assure que, « si le développement de la concurrence peut contribuer à la dynamisation de l’offre, il a des répercussions non négligeables sur les opérateurs du secteur associatif, en fragilisant l’offre d’hébergement aux personnes les plus vulnérables, pour lesquelles “le principe du libre choix” se trouvera restreint ».

Preuve en est avec les tarifs pratiqués par les différentes catégories d'établissement. Selon une étude de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) reprise dans le rapport, en 2016, le prix médian était de 1 801 € par mois dans le public, de 1 964 € par mois dans le secteur solidaire et de 2 620 € par mois dans le privé commercial. Le HCVA note alors que, « par la force des choses, les tarifs pratiqués s'en sont trouvés dissuasifs pour plusieurs couches de la population, exclues de fait de l'accès à toutes formes d'Ehpad ».

Autre conséquence de cette ouverture à la concurrence : les établissements du secteur privé non lucratif accueillent moins que les autres opérateurs des personnes en très grande dépendance. Le GMP (GIR moyen pondéré) s’élève à 730 pour les Ehpad commerciaux, contre 697 pour les Ehpad associatifs, « ce qui témoigne d’un accueil de résidents plus “dépendants" au sein [de ces établissements lucratifs] ». La capacité financière des opérateurs du secteur privé lucratif étant plus importante que celle des opérateurs associatifs ou publics, les premiers ont, en effet, « la possibilité d’investir plus aisément dans des équipements et les ressources humaines indispensables à la prise en charge de fortes dépendances ».

 Vers un modèle « au service de la personne » ?

Dans un contexte de contraintes financières et de vieillissement de la population, le privé lucratif est amené à prendre une place de plus en plus prépondérante, expose encore le HCVA. Actuellement, comme l’indique le rapport, sur les 7 367 établissements présents sur le territoire métropolitain en 2020, 45 % sont publics, 31 % associatifs et 24 % commerciaux, mais « le secteur lucratif (…) gagne chaque année des parts de marché supplémentaires ». « Les groupes Korian et Orpéa gérant autant de lits à eux seuls que les 15 plus grands groupes associatifs ».

Pour « mieux protéger les savoir-faire associatifs et limiter leur appropriation à des fins mercantiles », le HCVA émet un certain nombre de propositions. Il suggère, par exemple, de « passer d’un modèle de "service à la personne" à un modèle "au service de la personne" », de « travailler à la réduction des inégalités sociales, financières et territoriales, en veillant à limiter les différences existantes en fonction des départements concernés » ou, encore, de « donner aux établissements davantage de moyens humains pour améliorer la qualité du lien soignant-résident ».

Dernière recommandation, la prise en compte des spécificités des opérateurs associatifs afin de leur  « donner les moyens de s’adapter à l’évolution de l’hébergement pour personnes âgées et ainsi de permettre aux plus fragiles et vulnérables en grande dépendance d’avoir accès aux services leur permettant de vieillir dignement ».

 

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