Moins d’argent pour financer les aides au poste, moins de ressources pour la formation des demandeurs d’emploi en situation de handicap, moins de moyens pour sensibiliser les PME à l’emploi des personnes handicapées… Depuis la présentation du projet de budget pour 2025, l’Agefiph ne décolère pas. Il y a de quoi : si le texte devait être adopté tel quel, l’Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées devrait réduire sa trésorerie – et donc ses moyens d’intervention – de près de 100 millions d’euros.
En cause, l'effet combiné du plafonnement de son budget à 507 millions (inscrit dans l’article 33 du PLF) et des 50 millions supplémentaires que l’Etat souhaite ponctionner sur son fonds de roulement pour financer les entreprises adaptées (EA). Conséquence : l’Agefiph, qui bénéficiait d’environ 550 millions en caisse cette année, pourrait entamer 2025 avec une trésorerie réduite à 457 millions. Très loin des 550 à 575 millions auxquels elle pouvait s’attendre au vu de la projection sur le montant total des contributions des entreprises.
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Une trajectoire compromise
Dans ces conditions, le conseil d’administration de l’Agefiph, qui finance environ 200 000 actions en faveur de l’insertion du handicap dans l’emploi chaque année, n’aura pas le choix que de réduire la voilure de ses dépenses l’année prochaine. Et donc de réduire d’autant les différents types d’aides qu’elle accorde chaque année aux entreprises, aux agences Cap Emploi et aux personnes en situation de handicap pour faciliter leur insertion durable dans l’emploi. « Avec une telle réduction de moyens, il sera impossible à l’Agefiph de tenir la trajectoire 2023 – 2027 votée par son conseil d’administration en décembre 2023 et qui visait l’objectif du plein emploi pour les personnes handicapées », tonne Christophe Roth, son ancien président et actuel secrétaire confédéral en charge de l’accessibilité, de l’égalité des chances et du logement au sein de la CFE-CGC.
Depuis une semaine, d’ailleurs, les protestations se multiplient du côté des associations (APF France handicap, Unapei, Unafam, etc.), de l’opposition parlementaire (notamment communiste)… mais aussi des propres rangs de la coalition dont est issu l’actuel gouvernement. Plusieurs amendements proposant de rétablir le budget de l’Agefiph ont ainsi été déposés par les groupes Ensemble pour la République (EPR), Modem, Horizons et même LR, paraphés notamment par d'anciens ministres du gouvernement sortant, comme Thomas Cazenave ou Aurore Bergé.
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Ouverture?
Interrogé le 17 octobre par la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, le ministre des Solidarités, Paul Christophe, a montré quelques timides signes d’ouverture, rappelant que la seule ponction réellement sanctuarisée dans le projet de budget était celle du financement des EA. Pas suffisant, cependant, pour rassurer ceux qui redoutent les coups de rabot sur la trésorerie de l’Agefiph même si, à cette heure, le nouvelle présidence a choisi de ne pas s’exprimer sur la question. En 2024, déjà, à la suite d’un « imprévu budgétaire », l’association avait dû revoir ses moyens d’action à la baisse, limitant ses dotations au titre de l’aide au poste à 90% du budget prévu et annulant carrément celles accordées au titre de l’aide à la recherche au maintien dans l’emploi.
Et c’était sans compter sur les conséquences indirectes de la disparition des aides à l’embauche des contrats de professionnalisation (le 1er mai dernier), qui, par ricochet, avaient aussi touché les alternants en situation de handicap. De quoi sérieusement inquiéter l’Agefiph alors que, l’an prochain, ce sont les mesures d’aide à l’apprentissage que le PLF propose de sérieusement aplanir…