Alors que les 20 bougies de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées viennent d’être soufflées, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a rendu un rapport visant à améliorer la gouvernance de la politique de l’emploi des personnes en situation de handicap.
Car si la loi de 2005 a permis de nettes avancées en la matière (création du FIPHFP et des MDPH, réforme des Esat, instauration de l’obligation d'embauche de personnes handicapées dans les entreprises, etc.), force est de constater que, deux décennies plus tard, des progrès restent encore à accomplir. D’autant que dans la période, le nombre de travailleurs reconnus handicapés a presque doublé pour atteindre 3,1 millions d'individus. Et si la situation de l’emploi pour les personnes porteuses d’un handicap s’est grandement améliorée, leur taux de chômage (12 %) reste bien supérieur à celui des personnes valides (7,4 %).
>>> A lire aussi : L'incessante progression du nombre de travailleurs reconnus handicapés
Le CNH en remplacement des acteurs de la "convention multipartite"
Cette volonté de simplification du système se traduit notamment par une révision des dispositifs de pilotage. Aujourd’hui, cette gouvernance des politiques de l’emploi handicapé s’apparente à un empilement d’acteurs et d’échelons d’intervention. Si une première couche de décision s’effectue dans le cadre de la convention bipartite établie entre l’Etat et l’Agefiph, un deuxième échelon passe à cinq le nombre de parties prenantes en y ajoutant France travail, le FIPHFP (Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique) et le réseau des Cap emploi dans le cadre d’une nouvelle convention. Laquelle se voit prolongée par l’adjonction de nouveaux interlocuteurs – CNSA, régions, départements, missions locales, Cnam et MSA – dont le périmètre d’action fait, à son tour, l’objet d’une troisième convention, dite « multipartite ».
Résultat : l’action des différents acteurs perd en lisibilité. D’autant que depuis 2018, le rôle de ceux impliqués dans la convention multipartite en matière de pilotage stratégique des opérations et d’animation des acteurs s’est progressivement effacé au profit de celui de la Conférence nationale du handicap (CNH). L’Igas propose donc d’en faire un acteur de plein droit, placé sous la houlette des ministères de l’Emploi et du Handicap, en remplacement de la convention multipartite, jugée obsolète.
Cette amélioration fonctionnelle s’accompagnerait de la réforme de la deuxième convention, celle qui implique cinq acteurs. Sur ce point, l’Inspection n’a pas tranché et suggère deux scénarios.
- Première option : la composition des acteurs réunis dans cette convention à cinq têtes demeurerait inchangée mais, pour des raisons pratiques, le pilotage des politiques d’accompagnement vers et dans l’emploi reviendrait à Cap emploi.
- Seconde possibilité : le jeu à cinq s’ouvrirait à un sixième acteur, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, ce qui présenterait l’intérêt de mieux articuler l’action du service public de l’emploi avec celui des maisons départementales
des personnes handicapées, pilotées par la CNSA.
>>> A lire aussi : Handicap : les insuffisances de la loi de 2005 sur le marché du travail
Réduire la disparité des PRITH
Deuxième chantier de rénovation soumis à l’examen de l’Igas, celui des plans régionaux pour l’insertion des travailleurs handicapés (PRITH). Portés aujourd’hui par les Dreets (directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités) et les directions régionales de l’Agefiph et du FIPHFP, ces plans obtiennent aujourd’hui, à en croire la mission d’inspection, des résultats inégaux en fonction des moyens dont disposent les acteurs territoriaux chargés de leur animation.
Une disparité que l’Igas recommande de corriger en créant, au sein de chaque comité régional de l’emploi (CRE), une commission Handicap qui se retrouverait dotée de cette fonction de pilotage. Dans ce schéma, l’Agefiph prendrait une place plus importante au sein du CRE.
Harmoniser les "teams handicap"
L’amélioration de l’efficience des politiques en faveur de l’emploi handicapé pourrait également passer par une révision du fonctionnement des « teams handicap » mises en place au sein du service public de l’emploi depuis 2020. Inscrite dans la trajectoire de la convention Pôle emploi-Cap emploi 2020-2023, ces équipes pluridisciplinaires réunissant conseillers de France travail et agences Cap emploi (désormais réunies sous le même toit depuis la réforme pour le plein emploi de décembre 2023) ont significativement contribué à faire monter en compétence les équipes du service public de l’emploi sur le sujet du handicap.
Si la mission de l’Igas recommande désormais à celles-ci de se tourner davantage vers le monde de l’entreprise, pour trouver des débouchés aux chômeurs en situation de handicap, plusieurs points de vigilance subsistent.
- En premier lieu, celui des moyens accordés à ces missions, variables d’une direction régionale à l’autre, et que les inspecteurs appellent à harmonier sur l’ensemble du territoire afin de garantir aux usagers la même qualité de service.
- Ensuite, l’adaptation des moyens humains aux nouvelles prérogatives du service public de l’emploi désormais tenu, depuis le 1er janvier dernier, d’inscrire l’ensemble des bénéficiaires du RSA dans ses fichiers. Ce qui peut avoir pour conséquence d’augmenter sensiblement le portefeuille d’usagers de chaque conseiller si des renforts ne sont pas déployés.
>>> Sur le même sujet : Les chantiers à l’agenda 2025 de Charlotte Parmentier-Lecocq
Un commissaire du gouvernement à l'Agefiph ?
- Enfin, parmi toutes ces recommandations, la dernière risque de particulièrement fâcher. En l’occurrence, celle qui concerne une rénovation de la gouvernance de l’Agefiph afin de « renforcer la convergence stratégique » de son action avec celle de l’Etat. La convention triennale 2021–2024 qui définissait les objectifs et les moyens de l’association ayant été prolongée durant l’année 2025, le futur texte qui doit établir son fonctionnement pour 2026–2029 va entrer en négociation. Et à cette occasion, l’Etat commence à avancer ses pions pour renforcer son influence au sein d’une instance dirigée par les partenaires sociaux…
Si les inspecteurs écartent d’emblée le scénario d’une transformation de l’association paritaire en opérateur d’Etat, voire en établissement public (comme ce fut le cas pour l’Afpa en 2019), celui qu’ils privilégient vise à faire nommer, au sein de son conseil d’administration, un commissaire du gouvernement placé sous la tutelle du ministère de l’Emploi. Une forme de contrôle indirect renforcé à un moment où l’Agefiph, dont le redressement budgétaire de 2024 s’est traduit par une forte réduction des dépenses de formation en direction des personnes handicapées (33 millions en 2025 contre 93 millions en 2026), doit par ailleurs voir sa procédure d’approbation budgétaire « rendue plus opérationnelle à travers un calendrier resserré et une portée juridique renforcée ».
>>> A lire aussi : Aides Agefiph : à quoi faut-il s’attendre pour 2025 ?