« Nous appelons aujourd’hui le Premier ministre, Gabriel Attal, et son Gouvernement à transcrire en actes et en droit les propositions de ce livre blanc du travail social. » C’est par ces mots que le député Arthur Delaporte et la sénatrice Annie Le Houérou présentent leur proposition de loi « visant à revaloriser les métiers du travail social ». De fait, le texte qui est déposé ce vendredi 19 avril reprend de très nombreuses propositions du Livre blanc.
- Revaloriser les salaires. Avec un article 1er qui « vise à augmenter le salaire minimum légal (SMIC) à 1 600 euros net pour tous les travailleuses et travailleurs sociaux. » Et un article 2 qui « vise à indexer automatiquement le point d'indice de la fonction publique sur l'inflation, ainsi qu’à procéder à une hausse de 10% » .
- Renforcer la formation et améliorer les conditions de travail. l’article 4 « vise à garantir la réalisation de 3 jours de formation par an ». L’article 6 « vise à créer un ratio minimal d'encadrement par personne accueillie. »
- Améiorer les conditions de vie des TS et des étudiants. L’article 10 « vise à déployer un dispositif généralisé d’aides à l’installation pour les personnels au moment du recrutement en coordination avec les dispositifs existants sur chaque territoire (aide au logement, aide à la mobilité, garde d’enfants, etc.) ». L’article 11 vise « à permettre aux élèves en formation en travail social de bénéficier des mêmes accès et services dévolus aux étudiants ».
- Favoriser le recours au non-droit. L’article 12 vise à automatiser au maximum les démarches de demande de prestations sociales (AAH, prime d’activité, etc.).
Ce texte a-t-il des chances de voir le jour, de rassembler d’autres parlementaires d’autres partis et de recevoir une réponse favorable du gouvernement ? Éléments de réponse avec le député PS du Calvados, Arthur Delaporte.
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Dans votre proposition de loi, vous avez repris une bonne moitié des préconisation du Livre blanc, comment avez-vous choisi ?
Nous avons cherché dans le Livre blanc les propositions qui étaient de nature législatives et relèvent donc de la loi. Car tout ce travail de concertation avec le secteur ne doit pas devenir lettre morte. Le travail de Mathieu Klein a à la fois suscité une participation et une adhésion de l’ensemble des acteurs et aussi un horizon d’attente. Et donc derrière une responsabilité pour le gouvernement. Cette PPL correspond à un double objectif :
1. C’est un moyen de mettre le gouvernement face à son absence d’engagement et de réponses.
2. Mais c’est aussi, comme c’est un rapport consensuel, un moyen d’avancer de façon transpartisane. Les commissaires aux affaires sociales ont salué ce rapport quand il est sorti, il faut maintenant que le parlement s’en saisisse.
Mais votre niche parlementaire est passée…
Oui si on veut que le texte passe avant février prochain, il faut que ce soit transpartisan. Par ailleurs, comme il y a 13 articles, il est peu probable que ça passe dans une niche individuelle. Nous allons donc aller chercher des collègues de tout bord.
Quand Mathieu Klein avait été entendu par la commission, tout le monde était d’accord (sauf le RN), ceux qui se sont exprimés à ce moment-là, sont-ils toujours partants ?
Oui cette proposition de loi transpartisane, c’est au moins le moyen d’avoir un débat. Et si des préconisations ne sont pas consensuelles, il faudra que les uns et les autres prennent leur responsabilités. Je peux comprendre que, pour des raisons budgétaires, certains disent non. Mais dans ce cas-là, qu’ils ne fassent pas semblant de nous dire « On est d’accord avec vous, il y a des problèmes d’attractivité des métiers et de revalorisation des carrières » sans derrière se dire : « Mais comment on fait pour que ça bouge ?
Dans le contexte de rigueur actuel, vous croyez que ça a des chances de passer ?
Je suis d’un naturel optimiste (rires). Avec la crise de l’ASE, les nécessités d’accompagner les populations vieillissantes et les personnes en situation de handicap… Tous ces enjeux sont connexes et s’il n’y a pas d’engagements forts de l’État, on ne pourra pas envisager de façon sereine la société au XXIème siècle. C’est une question de priorité. Le travail social, c’est quand même le lien, le ciment de la société, si sa revalorisation ne se fait pas aujourd’hui, où est-ce qu’on va ? Au-delà des déclarations de bonnes intentions des collègues, il faudra que collectivement, on prenne nos responsabilités à l’échelle du parlement.
Est-ce que vous espérez un retour du gouvernement ?
J’espère toujours… Mais j’ai souvent été déçu ! Quand on a 50.000 postes vacants, 150.000 départs à la retraite, un recours à l’intérim qui augmente… il faut agir ! Le gouvernement est conscient des enjeux du secteur. Et le gouvernement est dans une cure d’austérité annoncée. Pourtant, on peut supposer que sur certains sujets prioritaires, il y ait des investissements qui participent au bien être collectif, au dynamisme de la société et donc de l’économie.
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De notre côté, nous sommes volontairement dans une transposition assez stricte des propositions du Livre blanc. Il peut y avoir discussion et le gouvernement peut revoir certaines choses à la baisse. Mais on ne peut pas nous dire que c’est irréaliste : c’est la demande du secteur. Ce qu’a fait le gouvernement avec la proposition de loi « bien vieillir », c’est aussi un moyen de dire « Regardez, nous sommes à l’écoute et on avance ». Même si à la fin, c’est insatisfaisant de notre point de vue. Il y a la possibilité qu’on ait un débat parlementaire sur le sujet et des engagements ministériels de haut niveau. Parce qu’aujourd’hui, le silence radio n’est pas une solution.
Quand nous avons posé la question à Mathieu Klein sur les coupes budgétaires qui pourraient remette en cause certaines propositions du livre blanc, il nous a répondu que beaucoup de propositions ne reposaient pas sur une assise budgétaire. C’est à la fois vrai et faux. Vous préconisez par exemple la réforme du ratio d’encadrement. Ce n’est pas une mesure budgétaire. Mais c’est une mesure qui coûte...
C’est vrai qu’il y a un sujet budgétaire, sinon tout passerait tranquillement. Il y a un moment où il y a un coût direct ou indirect. Si on dit qu’il faut revaloriser les professionnels, il y a un impact sur les structures. Mais en revanche, pour tout ce qui est coordination, non recours aux droits, automatisation des droit : je ne suis pas sûr que ça ait un coût énorme pour les comptes publics. Par contre, ça peut avoir un vrai impact sur la vie des gens.
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