Les chiffres sont particulièrement révélateurs. En 2024, 89 % des victimes d’exploitation sexuelle enregistrées par la police et la gendarmerie étaient des mineurs. Selon la dernière Lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, entre 2021 et 2024, on note même une augmentation inquiétante de 34 % du nombre de victimes mineures enregistrées :+14 % pour les cas de proxénétisme et +107 % pour les cas de recours à la prostitution.
« Il y avait beaucoup de déni autour de la prostitution des mineurs. Pendant longtemps, on a eu beaucoup de mal à faire émerger cette question-là comme étant une réalité à laquelle il fallait s’attaquer », souligne la docteure en sociologie, Marie Peretti-Ndiaye. L’âge médian des victimes signalées à la Division de la famille et de la jeunesse (DIFAJE) au tribunal judiciaire de Bobigny est de 14 ans et 8 mois. Les filles sont surreprésentées (97%).
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La hausse des cas s’explique non seulement par une meilleure prise de conscience des violences sexuelles subies par les mineurs, le travail des associations et collectifs qui les accompagnent, l’augmentation des lieux de recueil de la parole ainsi que l’amélioration des conditions d’accueil par les forces de sécurité.
De plus en plus jeunes
En 2023, 474 personnes ont été mises en cause dans des affaires impliquant des mineurs, et 83 % de ces affaires ont abouti à des poursuites. On note encore ici une progression, puisque les affaires de ce type ont augmenté de 143 % entre 2017 et 2023. L’accompagnement des associations de lutte contre le système prostitutionnel se révèle essentiel.
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L’Amicale du Nid, qui a développé une réponse spécifique en créant des "Missions Mineur-e.s", constate que les victimes sont de plus en plus jeunes. 21% des jeunes qu’elles accompagnent ont entre 12 et 14 ans. Cela témoigne, selon l’association, « d’une évolution du système prostitutionnel, qui exploite toujours plus précocement les vulnérabilités ».
Les outils numériques comme les réseaux sociaux sont de plus en plus utilisés par les proxénètes pour entrer en contact aves les jeunes. Parmi les 164 victimes accompagnées par l’Amicale du nid, 57% ont été exploitées pour la première fois entre 12 et 14 ans. 7% l’ont été entre 6 et 11 ans. Leur point commun: elles ont toutes été victimes de violences antérieures à l’exploitation sexuelle subie.
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Plus de soutien aux associations
Face à cette situation, Roxana Maracineanu, Secrétaire générale de Miprof reconnaît que l’action publique « doit encore progresser ». Cela passe par une meilleure formation des professionnels et une meilleure prévention notamment via le programme d'éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité (Evars).
Autre levier à améliorer: l’accès aux parcours de sortie de la prostitution instaurés par la loi du 13 avril 2016. Force est de constater que leur mise en oeuvre est rendue difficile notamment à cause des dysfonctionnements des commissions départementales de lutte contre la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle (CDLP).
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Concernant le problème spécifique de l’exploitation sexuelle des mineurs, l’Etat a lancé en 2024 trois appels à projets pour mieux lutter contre celui-ci. Chacun est doté de 3 millions d’euros par an, avec un soutien financier prévu sur 3 années.
Le premier vise à soutenir les associations pour des actions de lutte contre l’exploitation sexuelle des mineur·e·s en matière de prévention (dans les établissements scolaires, dans l’espace numérique), de sensibilisation et de formation (professionnels ou jeunes eux-mêmes), d’accompagnement et de prise en charge (lieux d’accueil, solution d’hébergement). Dans ce cadre, 37 projets associatifs ont été retenus sur le territoire hexagonal et en outre-mer.
>>> Consulter la 24e lettre de L'Observatoire national des violences faites aux femmes dans son intégralité <<<