Recevoir la newsletter

Michèle Créoff : « Les décisions en protection de l’enfance sont toujours des choix cornéliens ! »

Article réservé aux abonnés

Michèle Créoff, vice-présidente de Union pour l'enfance.

A la suite de la décision du conseil de famille de l'ASE de l'Orne, qui avait rejeté sa demande d'adoption à l'encontre d'une enfant de 2 ans dont elle avait la charge, une assistante familiale avait refusé de rendre le bébé. Après une plainte déposée par le préfet, la juge aux affaires familiales a donné raison à la professionnelle le 15 janvier dernier.    

Vice-présidente de Union pour l'enfance, Michèle Créoff est ancienne inspectrice à l'ASE (aide sociale à l'enfance) et ancienne vice-présidente de CNPE. A l'occasion du cas de l'assistante familiale de l'Orne, la juriste spécialiste de la protection de l'enfance revient sur ce type d'adoption. 

 

ASH : L’adoption par des assistants familiaux des enfants qu’on leur a confiés est-elle fréquente ?

Michèle Créoff : C’est très courant puisque près de 51 % des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance adoptables sont adoptés par leur famille d'accueil. Cela a toujours été le cas, même si on peut dire que ce pourcentage est en légère augmentation. Car contrairement aux bébés nés sous X, qui sont passés de 600 à 400 par an en cinq ans, les pupilles de l’Etat ont doublé, passant de 2 000 à 4 000 dans le même temps.

Quels sont les enfants le plus fréquemment adoptés par les assistants familiaux ?

Ce sont principalement des enfants qui ont été placés depuis un certain temps, donc âgés généralement d’au moins 5 ans, dont les parents se sont désintéressés et qu'on a rendu adoptables par décision judiciaire. Cela fait donc déjà plusieurs années qu'ils sont dans leur famille d'accueil. Des liens d'attachement ont été construits, il est ainsi parfaitement normal que l’assistant familial se porte candidat. Par ailleurs, placer un bébé à la naissance est heureusement rare car il s’agit majoritairement de situations dramatiques, comme des parents atteints de troubles psychiatriques sévères, d'addiction sévère ou très lourdement handicapés. Dans ce cas, encore faut-il que ces enfants placés à la naissance soient immédiatement adoptables. Or on perd beaucoup de temps à rendre un enfant adoptable. Au final, seuls 23 % des pupilles de l'Etat bénéficient de ce statut.

Pour quelles raisons ?

On assiste à une frilosité à chaque étape de la chaîne d’adoption. A commencer par la loi, qui impose d’attendre un an de désintérêt des parents, sauf « cas de force majeure », précision ajoutée au dernier moment qui comprend de nombreux cas, par exemple une maladie mentale. Cela limite quand même très largement la possibilité de rendre un enfant adoptable. La frilosité de l’aide sociale à l’enfance et celle des juges en la matière font que les enfants ne deviennent adoptables qu’à l'âge de 5 ou 6 ans, soit la catégorie des grands enfants. Ils ont déjà une vie affective et émotionnelle constituées. C'est bien ce continuum, ce lien presque sacré à la famille biologique qui fait qu’on rend les enfants adoptables trop tardivement pour qu'on puisse les présenter à un couple en demande. Pour preuve, Il y a environ 99 400 couples qui ont reçu des agréments pour pouvoir adopter pour moins de 1 000 adoptions par an, aussi bien nationales qu'internationales.
Dans ces conditions, quand on présente l'adoption comme la solution miracle a une problématique d'infertilité, je dis : attention, cela ne correspond pas à la réalité.

Dans quels cas refuse-t-on l’adoption aux assistants familiaux ?

Il faut vraiment des raisons majeures. Si on maintient un enfant dans une famille d'accueil, c'est qu'on est content de la prestation notamment affective donnée à cet enfant. Même si je ne peux pas me prononcer sur ce refus précis, car je n’ai eu pas le dossier en main, l’âge de l’enfant, qui lui permet d’être adopté par une famille lambda bénéficiant d’un agrément, et l’âge de l’assistante familiale sont des motivations qui peuvent légitimer la décision du conseil de famille de l’ASE. Il faut penser au fait que le conseil de famille n’aurait pas de mal à trouver une famille à cet enfant encore jeune, qui, quand il aura 20 ans, l’assistante familiale en aura 78. Je comprends que le conseil de famille ait considéré que, dans l'intérêt de l’enfant, il était plus intéressant d’être adopté par un couple extérieur, que le lien d’attachement encore récent ne fait pas obstacle au fait que l'enfant puisse s'attacher à une nouvelle famille dans le cadre d'une adoption plénière. D’un autre côté, je comprends aussi la décision du juge de privilégier le lien d’attachement. Les décisions en protection de l’enfance sont toujours des choix cornéliens !

Au-delà de ce cas particulier, quelle est votre opinion sur l’adoption par un assistant familial ?

Les notions d'attachement et des besoins fondamentaux de l'enfant doivent être davantage pris en compte. Si l’enfant bénéficie d’un attachement sécurisé avec sa famille d'accueil, il faut privilégier la sécurité et la cohérence du parcours du mineur. Arrêtons de déplacer ces petits en fonction des intérêts des adultes. A quelques exceptions près, comme l’âge ou la maladie, si la famille qui l’accueille est d’accord pour jouer le rôle de parents qu'elle a joué depuis qu’on lui a confié, pourquoi ne pas miser sur cet attachement actuel avéré plutôt que sur un hypothétique attachement futur ? Pourquoi ne pas épargner aux enfants d’autres ruptures de parcours ?

>>> Sur le même sujet : La justice valide le projet d’adoption par une assistante familiale

 

Protection de l'enfance

Métiers et formations

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur