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Logement : comment les publics précaires sont placés en concurrence

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La collectivité européenne d'Alsace a actuellement la charge de 926 MNA, soit près de 200 de plus qu’en 2023. 

Depuis février dernier, des enseignants d'un collège strasbourgeois demandaient à ce que leurs élèves à la rue et leurs familles puissent être logés dans les appartements vacants de leur établissement. Au dernier moment, la collectivité départementale en a décidé autrement. 

La collectivité européenne d’Alsace (CEA), qui regroupe les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, a finalement décidé de dédier les logements de fonction vacants de ses collèges à l’hébergement d’ex-mineurs étrangers non accompagnés (MNA). Son nouveau dispositif de « colocations coachées » cible de jeunes adultes qui bénéficient déjà d’un contrat d’apprentissage ou d’un CDI et sont dans l’attente d’un logement social. Ils seront accompagnés par des associations financées par l’aide sociale à l’enfance (ASE), sur des modèles déjà expérimentés dans le Doubs et le Nord.

Pourtant, depuis des mois, les enseignants du collège Lezay Marnésia à Strasbourg demandaient à la collectivité départementale que ses huit élèves à la rue et leurs familles puissent être hébergés dans les deux logements vacants de leur établissement. Une vingtaine d’entre eux avaient occupé celui-ci pour faire valoir leur cause entre les 8 et 25 novembre. Quelques jours à peine après la levée de leur mobilisation, c’est leur établissement que la CEA a précisément retenu pour y installer ses tout premiers bénéficiaires, dès cette semaine.

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« La CEA a démontré qu’elle sait réagir vite », constate avec dépit Céline Balasse, enseignante mobilisée. « Notre interpellation aura au moins servi la cause de ces jeunes adultes », abonde Sabine Carriou, responsable de l’association Les petites roues, qui se portait garante pour signer les baux d’occupation précaires des familles. Les enseignants avaient eux présenté leur motion à la CEA en février, huit mois après que la collectivité a ouvert la possibilité de baux d’occupation précaires via des bailleurs sociaux dans ce type de logements.

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« Lors d’une rencontre le 4 juillet, nos interlocuteurs à la CEA nous avaient dit que notre proposition pouvait être envisagée de manière exceptionnelle, relate Céline Balasse. Puis à la rentrée, ils nous ont informés que la préfecture le leur déconseillait car des familles n’avaient pas le droit d’asile. Mais ils n’ont jamais parlé d’ex-MNA avant notre dernier rendez-vous du 16 octobre », rapporte Céline Balasse. Ce qui n’a pas empêché le collectif de mettre les cinq familles à l’abri dans l’établissement le 12 novembre. Provoquant inopinément le jour-même une première communication officielle de la CEA sur son nouveau projet. Une semaine plus tard, deux familles ont été relogées à l’hôtel.

« Chaque institution essaie de répondre au mieux à la crise sociale pour les publics prioritaires qui sont les siens, se défend l’exécutif par écrit, déplorant que les jeunes majeurs ex-MNA ne puissent pas accéder à un logement de droit commun à leurs 18 ans en l’absence de titres de séjour. Ce constat impose à la CEA de maintenir aujourd’hui 150 jeunes majeurs sur des dispositifs dédiés aux mineurs. Faire perdurer cette situation, c’est empêcher, à très court terme, la mise à l’abri de nouveaux MNA arrivant en Alsace. » C’est que la collectivité a actuellement la charge de 926 MNA, soit près de 200 de plus qu’en 2023.

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A la rentrée, la collectivité comptait 162 logements de fonction vacants. « Il est certain que ces jeunes majeurs sont en difficulté et on ne peut que se satisfaire pour eux que la mise en place du dispositif ait été rendue possible, reconnaît Fleur Laronze, conseillère d’opposition à la CEA (PCF). Mais les structures d’accompagnement estiment que 70 jeunes potentiellement autonomes pourraient être concernés. Il y a donc de la place pour les deux publics. En 2022, la collectivité départementale avait ainsi choisi d’héberger des Ukrainiens dans son parc immobilier. »

À l’argument selon lequel une part de celui-ci nécessiterait encore une rénovation, Sabine Carriou objecte qu’il est légalement possible de loger temporairement les familles dans des locaux habitables, en attente de travaux ou d’autres destinations : « Cet habitat intercalaire est déjà activé à Strasbourg, souligne-t-elle. La CEA n’aura même pas eu le courage politique de nous dire : “On ne veut pas” », retient Céline Balasse. Une quinzaine de jeunes devrait intégrer de nouvelles colocations de la CEA d’ici Noël. Sous la pression du collectif d’enseignants, l’Eurométropole de Strasbourg a promis de mettre à disposition de deux familles d’élèves deux logements vacants dès cette semaine. Les enseignants logent encore une famille par leurs propres moyens.

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